CXXXII

RÉVOLTE DE SÉBA
JOAB TUE AMASA — SÉBA EST TUÉ

(Même année, 920 ans avant J.-C.)



On était encore sur la rive du Jourdain, lorsqu’un capitaine de la tribu de Benjamin, nommé Séba, sonna de la trompette pour attirer l’attention des siens, et cria : « Qu’avons-nous besoin de David ? Retournez chacun chez vous, enfants d’Israël. »

Séba leur persuada qu’ils n’avaient aucun avantage à soutenir David ; les Israélites se dispersèrent et retournèrent chacun chez soi, suivant le conseil de Séba. Ils se séparèrent du roi David et nommèrent Séba pour les commander. La tribu de Juda seule resta fidèle au vieux roi et l’accompagna depuis le Jourdain jusqu’à Jérusalem.

Quand David fut rentré dans son palais, il fit emmener les femmes qui avaient été maltraitées et outragées par Absalon devant tout le peuple ; il les fit enfermer dans une maison où on les servait pour qu’elles ne manquassent de rien ; mais elles ne pouvaient pas se montrer au dehors, elles restèrent là jusqu’à leur mort.

Louis. Ces pauvres femmes ! ce n’était pas leur faute si Absalon avait été cruel envers elles. Pourquoi les punir ?

Grand’mère. Non, sans doute, ce n’était pas leur faute. Aussi n’est-ce pas pour les punir que David les a enfermées ; c’était par convenance, pour qu’on ne pût pas dire en les rencontrant : « Voici une des femmes du roi, qu’Absalon a outragée devant nous tous. C’est le roi David qui a été outragé en leurs personnes. »

Le roi dit ensuite à Amasa : « Rassemble dans trois jours tous ceux de Juda, et viens avec eux. » Amasa partit, mais ne revint pas dans trois jours, comme le lui avait commandé le roi.

David, ne le voyant pas revenir et sachant que Séba rassemblait des troupes pour marcher contre lui, dit à Abisaï : « Séba va nous faire plus de mal que ne nous en aurait fait Absalon. Prends les troupes que tu pourras rassembler et poursuis Séba, de peur qu’il ne s’empare de quelque forteresse dans laquelle il pourrait se défendre. »

Abisaï partit donc, emmenant les plus vaillants hommes des troupes de Joab, et se mit avec Joab à la poursuite de Séba. Lorsqu’ils arrivèrent près de Gabaon, ils rencontrèrent Amasa, qui se rendait enfin aux ordres du roi ; il était seul. Joab s’approcha de lui en disant : « Bonjour, mon frère ; » et, se penchant comme pour le baiser au front, il lui perça le côté avec sa dague. Les entrailles d’Amasa sortirent par cette affreuse blessure ; il tomba mort sans pousser un cri. On retira son corps qui gênait le passage, on le jeta dans un champ et on le couvrit de son manteau.

Armand. Et pourquoi Joab a-t-il tué ce malheureux Amasa ?

Grand’mère. Parce qu’il avait su que David l’avait nommé général de ses armées, et il ne voulait avoir personne au-dessus de lui.

Paul. C’est bien méchant et bien orgueilleux.

Grand’mère. Oui ; l’orgueil était le grand défaut de Joab.

Séba, pendant ce temps, avait rassemblé une armée assez nombreuse, et il se renferma dans une ville nommée Abéla-Beth-Maacha. Joab vint l’assiéger dans cette ville ; il l’entoura de ses troupes, et tous les soldats de Joab travaillaient à faire tomber les murailles en creusant par-dessous.

Une femme de la ville, nommée Abéla, qui était fort sage, appela un jour un des gens de Joab et lui dit : « Écoute, dis à Joab qu’il s’approche, qu’Abéla veut lui parler. » Joab s’étant approché, elle lui dit : « Êtes-vous Joab ? — Oui, je le suis, répondit Joab. — Alors, écoutez les paroles de votre servante. On dit dans la ville, quand on a besoin d’un conseil : « Qu’on le demande à Abéla, » et je termine avantageusement toutes leurs querelles. Vous voulez détruire cette ville, célèbre par sa grandeur et sa richesse. Pourquoi, vous, commandant les soldats du roi d’Israël, voulez-vous détruire une ville d’Israël ? — À Dieu ne plaise ! répondit Joab ; je ne veux ni ruiner, ni détruire. Je cherche un rebelle nommé Séba, de la montagne d’Éphraïm, qui s’est révolté contre le roi David. Rendez-moi cet homme, qui s’est renfermé dans vos murs, et aussitôt nous nous en irons. » Abéla répondit à Joab : « On va vous jeter sa tête par-dessus la muraille. »

Abéla alla ensuite parler au peuple ; elle lui parla si sagement et avec tant de force qu’on alla sur-le-champ couper la tête au traître Séba et on la jeta à Joab. Il fit aussitôt sonner la retraite et toute l’armée se retira. Ils revinrent à Jérusalem, et, malgré le meurtre d’Amasa, le roi nomma de nouveau Joab général de toutes ses armées. Plus tard vous verrez comment il le fera punir de son crime.