Calmann-Lévy, éditeurs (p. 35-49).

V

L’ONCLE À LA MODE DE BRETAGNE

Par l’effet, d’une grâce merveilleuse, que Dieu n’accorda jamais qu’à l’extrême jeunesse ou à grand-père Fantin, dans ce voyage qui ressemblait à un exil, je voyais tout en rose. Langeais ! l’oncle Goislard, ou mieux : « l’oncle à la mode de Bretagne ! » c’étaient des mots qui, depuis les genoux de ma nourrice, tintaient des airs de fête à mes oreilles. On m’avait appris que Langeais était au bord d’un fleuve dix fois plus large que nos rivières, et possédait un château du moyen âge, avec des créneaux, des meneaux, des douves, et tout ce qui s’ensuit. À Langeais, Félicie et grand’mère avaient été jeunes, et cette seule circonstance en faisait un pays de Cocagne. En outre, je comptais n’y voir que des dames « outrageusement décolletées », ce qui ne touchait que ma curiosité, mais très vivement. Tout cela ne fleurait-il pas le conte de fées ? Et j’étais assis, les yeux bêtes à force de rêves, sur ma banquette de seconde classe, vis-à-vis de ma pauvre grand’mère, chassée par son gendre, encore une fois humiliée, et s’en venant heurter de front, pour le salut de Félicie, notre commune providence, le chimérique auteur d’humiliations sans nombre. Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/44 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/45 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/46 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/47 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/48 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/49 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/50 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/51 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/52 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/53 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/54 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/55 Page:Boylesve - La Becquée 1910.djvu/56 << Image et légende ici >>

l'oncle Goislard, demanda si, par hasard, il ne serait point malade.

— Non pas ! non pas ! Mais la saison s'avance, et nous le mettons au lit de bonne heure pour lui tenir le teint frais. Par-dessus le mur de séparation, les petites grenouilles des deux jardins destinés à s'unir croisaient leur chant mélancolique.