Édouard Garand (17p. 19-20).

CHAPITRE XII

LA NOUVELLE RÉSIDENCE


Henri Fauvet fut absent cinq semaines ; mais quand il revint, il avait réglé toutes ses affaires à sa satisfaction, vendu le Nid et aussi d’autres propriétés qu’il avait dans la ville de Québec.

— Dolorès, dit Marcelle, lorsqu’elle eut lu la lettre de son père, lui annonçant son arrivée pour le lendemain, lettre qui, entre parenthèses, lui avait été apportée par Raymond Le Briel, père arrivera demain. Quel bonheur de le revoir !

— Demain ! Vraiment ! Heureusement, tout est prêt pour le recevoir.

Mlle  Fauvet, dit Raymond Le Briel, qui était présent, si vous le désirez, j’irai chercher M. Fauvet, à la gare, et le ramènerai ici. (Car on était tout à fait installé au Beffroi).

— Ce serait si gentil de votre part, M. Le Briel ! s’écria Marcelle. J’accepte votre offre avec plaisir, à la condition que vous resterez à dîner et passer la soirée au Beffroi.

— Merci, Mlle  Fauvet ! J’accepte votre invitation avec grand plaisir !

— Père aimera à vous remercier pour tous les services que vous nous avez rendus, M. Le Briel. C’est beaucoup grâce à votre infatigable dévouement que le Beffroi est prêt à le recevoir ce cher petit père.

— N’en parlez pas, je vous prie ! s’exclama Raymond. Ça été pour moi un réel plaisir et une agréable distraction d’avoir pu surveiller les travaux ; si, en même temps, j’ai eu l’heureuse chance de vous rendre service, je suis au comble du bonheur !

— Pauvre M. Le Briel ! se disait Dolorès. Il adore Marcelle, qui, elle, ne s’en doute même pas.

Lorsque Henri Fauvet arriva chez lui, le lendemain midi, il fut étonné des changements qui s’étaient opérés à sa nouvelle résidence et aux environs.

Tout d’abord, le vieux pont avait été démoli et en son lieu et place, s’élevait un pont superbe, aux garde-corps de fer forgé, surmontés de deux arches, au sommet desquelles se voyait, découpé à jour : « Pont du Tocsin ».

Aussitôt le Pont du Tocsin franchi, on apercevait le Beffroi et les terrains qui l’environnaient. Ce n’étaient plus des broussailles presqu’impassibles : de vertes pelouses s’étendaient à perte de vue, en arrière de l’ancienne abbaye, jusqu’à la forêt. En avant de la maison, un vaste parterre, disposé en échelons, aboutissait aux premières marches conduisant à la porte d’entrée.

— Père ! Père chéri !

— Marcelle ! Ma Marcelle !

— Vous allez voir, petit père, comme c’est beau le Beffroi !

— Je n’en doute pas, ma chérie ! Eh ! bien, Dolorès, comment te plais-tu au Beffroi ?

— Oh ! c’est un vrai palais d’Aladin, M. Fauvet ! Nous sommes si contentes de vous revoir !

Dans le corridor d’entrée, Marcelle avait groupé les domestiques ; tous souhaitèrent la bienvenue à Henri Fauvet. Ce corridor, orné de statues et de quelques meubles antiques, était splendide. Dans une vaste cheminée, placée tout à côté de l’escalier en spirale, un feu avait été allumé, ce qui enlevait à la pièce son caractère un peu trop austère.

Après le dîner, Henri Fauvet dut tout visiter ; le grand salon, la bibliothèque, l’étude, la salle à manger, la vaste cuisine, la dépense. Il dut monter l’escalier en spirale et jeter un coup d’œil dans les chambres à coucher. Il y en avait huit, on s’en souvient ; or, quatre de ces chambres, déjà grandes, avaient été agrandies, les murs ayant été abattus et des arches ayant été construites, dans les pièces réservées à Henri Fauvet et à Marcelle. De cette manière, chacun avait un boudoir attenant à sa chambre.

Enfin, on monta au grenier et la Chambre de la Tour, dont Marcelle avait fait une pièce fort coquette. On monta même sur le toit-terrasse et dans le beffroi dont la cloche de bronze luisait comme un soleil.

— Descendons à la chapelle maintenant, père ! dit Marcelle.

— Comme tu voudras, mon enfant !

Rien n’avait été changé, dans la chapelle ; mais combien moins lugubre elle était ! Les boiseries, en chêne, avaient été lavées, brossées, frottées, puis vernies ; les murs, les stalles, les bancs, le jubé ; tout reluisait. Sur les vitres, bien lavées, se voyaient parfaitement les magnifiques tableaux qui y étaient reproduits. Les cadres du chemin de la croix avaient été redorés ; enfin, c’était superbe cette chapelle.

— Nous avons fait accordé l’orgue, père, dit Marcelle, et chaque dimanche, si vous le voulez, nous viendrons ici, faire la prière du soir et chanter quelques cantiques, n’est-ce pas ?

— Je veux tout ce que veut ma Marcelle ! assura Henri Fauvet, en étreignant sa fille dans ses bras.

La maison ayant été visitée, de la cave au grenier, elle fut proclamée la plus confortable des demeures.

Oui, tout était parfait, et Henri Fauvet félicita Marcelle, il félicita aussi Dolorès, puis il remercia Raymond Le Briel pour son dévouement et l’invita à passer quelques jours au Beffroi, invitation qui fut acceptée avec empressement, car le jeune homme aimait déjà follement Marcelle.

Vers le milieu de septembre, Dolorès dut retourner à Québec, pour reprendre ses études ; Henri Fauvet alla la ramener. La séparation des deux amies fut pénible, mais Henri Fauvet promit à Dolorès qu’elle serait invitée à venir passer toutes ses vacances de l’été suivant au Beffroi, ce qui consola quelque peu les jeunes filles.

La vie s’écoula tranquille et heureuse au Beffroi. Un an et demi se passa, puis Henri Fauvet, désirant que sa fille fit son début, l’amena à Québec.

Ceci nous ramène à la date du 28 février, date à laquelle nous avions laissé nos lecteurs, à la fin du premier chapitre de ce récit.


FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE