L’honneur de souffrir/XXXVII. Ils parlent ; ils ont tous le visage inquiet

Librairie Grasset (p. 67-68).

XXXVII


Ils parlent ; ils ont tous le visage inquiet.
Ils vantent ce qui fut, et craignent ce qui est.
Ils errent, ignorants, parmi d’ardus problèmes.
Sans cesse mécontents, on ne sait pas s’ils aiment.
Leur esprit est confus et leur cœur plein d’oubli.
Ils respirent l’azur sans en être ennoblis.
Ils poursuivent en paix la fonction de vivre.
Ils pèsent au destin !
Ils pèsent au destin !Mais quand on était ivre
De partage, d’amour, de réciprocité ;
Quand le ciel exultant du frénétique été

Pour la soif de nos yeux ne semblait pas trop vaste ;
Quand on vivait toujours d’espérance, ce faste !
Quand le désir roulait, avec son sourd fracas,
Subitement, dans l’âme et le corps délicat ;
Quand, aimant la raison, on savait qu’il est juste
De rechercher l’ardeur, plus sûre et plus auguste ;
Quand, discernant en tout les apprêts de la mort,
On laissait le délire évincer le remords,
Quand un doux feu brûlait dans la monotonie,
Les jours étincelaient.
Les jours étincelaient.Ces choses sont finies.