L’honneur de souffrir/XXXVI. Ce n’est pas toujours vous qui me portez secours

Librairie Grasset (p. 65-66).

XXXVI


Ce n’est pas toujours vous qui me portez secours
Dans les combats mortels où le sort me situe,
Archanges enroulés de sublimes atours,
Poètes, moins pareils aux hommes qu’aux statues !

Le malheur est penché, vos chants ambitieux
Délaissent le chagrin songeur et solitaire,
Vous méprisez le sol, vous affirmez les cieux.
— Montaigne exact et dru, compatissant Voltaire,


Gaieté toujours courant sous le savoir amer,
Torrents de la raison, lieux de la connaissance,
Cœurs empêchés d’erreurs, docte et suave aisance,
C’est votre vérité qui plaît à mon désert !

Je ne veux plus goûter le musical mensonge
De ces grands enchanteurs que leur démon distrait,
Le malheur se dissout lorsque le chant l’allonge.
Mais vous, clairs promeneurs dans la forêt du vrai,

Vous me parlez le soir, à cette heure sincère
Où l’esprit peut trouver une paix sans bonheur,
Et notre amitié triste et sûre se resserre
Jusqu’à ce que mon front pose sur votre cœur…