L’enseignement des premiers principes de navigation à l’école primaire

L’enseignement des premiers principes de navigation à l’école primaire
Revue pédagogique, premier semestre 190036 (p. 229-239).

L’Enseignement
des
Premiers principes de Navigation
à l’École primaire



Depuis longtemps, on a reconnu la nécessité d’enseigner les principes de la navigation aux patrons pêcheurs si nombreux sur les côtes de Bretagne, et, vers 1837, une tentative remarquable fut faite dans le Morbihan afin de mettre les instituteurs de la côte à même de donner aux adultes du littoral cet enseignement professionnel.

Le préfet de Morbihan était alors M. Lorois, homme actif, administrateur intelligent, ayant la confiance du gouvernement, usant, au mieux des intérêts du pays, de l’autorité qui lui était dévolue et des subsides qu’il pouvait dépenser à son gré. Non seulement M. Lorois fit tracer des routes nombreuses, car le département en était dépourvu, mais il s’efforça de répandre l’instruction parmi des populations que la superstition et l’ignorance avaient maintenues dans un état voisin de la barbarie, En particulier, il institua l’enseignement nautique dans un certain nombre d’écoles de la côte.

À cet effet, grâce aux fonds dont il pouvait disposer, le préfet appela à Vannes quelques instituteurs zélés, qui séjournèrent au moins trois mois dans cette ville, afin de suivre les cours de l’école d’hydrographie[1]. De retour dans leurs communes, ces instituteurs fondèrent des cours d’adultes payants destinés aux marins. On y enseignait l’usage des cartes marines, du compas, du loch, du quartier de réduction, en un mot les principes fondamentaux de la navigation estimée. Les meilleurs élèves étaient même préparés sur place à l’examen du cabotage et les plus ambitieux, ou les mieux instruits, allaient ensuite à l’école d’hydrographie continuer leurs études, afin de conquérir leur brevet de capitaine au long cours.

De cette époque déjà lointaine, il survit deux ou trois maîtres bien vieux maintenant, et quelques-uns des renseignements qui précèdent m’ont été donnés par M. Lamy, ancien instituteur à Etel, où il a préparé autrefois une trentaine de maîtres au cabotage, dont une dizaine devinrent, par la suite, capitaines au long cours.

Par cette initiative heureuse et féconde, dont le mérite revient tout entier à M. Lorois, l’enseignement des principes de la navigation fut donné dans un certain nombre de ports de pêche, à Larmor-Baden, à Quiberon, à Etel, à l’Île d’Arz, à Belle-Île. Et, parmi les pêcheurs du Morbihan, on vit alors de nombreux capitaines, qui naviguaient sur toutes les mers et rapportaient bientôt chez eux une large aisance laborieusement gagnée et sagement économisée. C’est de cette époque que datent les maisons bien bâties aux claires fenêtres et aux toits d’ardoise, qui s’élèvent au milieu des chaumières et des masures, dans beaucoup de petits ports de pêche du Morbihan.

Mais, depuis quelques années déjà, cette génération de marins instruits ne navigue plus. Ils n’ont pas été remplacés, car beaucoup de jeunes gens laborieux ne sont pas assez riches pour aller suivre les cours, pendant deux ans au moins, auprès de l’école d’hydrographie, dont le siège est aujourd’hui à Lorient. Les instituteurs, qui n’ont pas été formés, depuis plus de cinquante ans, à donner cet enseignement spécial de la navigation dans ce qu’il a de plus élémentaire, ne sont plus à même de préparer les jeunes gens à suivre avec fruit les leçons du professeur de Lorient et à se contenter de quelques mois de présence à l’école d’hydrographie pour obtenir le brevet de maître au cabotage.

Actuellement, M. Guillard, le dernier venu de cette série d’instituteurs qui donnèrent aux patrons pêcheurs du Morbihan un enseignement approprié aux nécessités de leur profession, dirige l’école de pêche de l’île de Groix qu’il a fondée. Cette école, grâce à l’appui du Ministère de la Marine, au patronage de la Société d’enseignement technique et professionnel des pêches et au bienveillant concours de la municipalité de Groix, rend les plus grands services à la population de pêcheurs de l’île. Des mousses, des patrons, des matelots fréquentent les cours de M. Guillard, qui leur apprend à suivre leur route en mer, sur la carte, à l’aide du loch et du compas, et à rectifier la position estimée du navire par la détermination de la latitude et les indications de la sonde.

Toutefois, ce n’est pas une seule école de pêche, comme celle de Groix, qu’il conviendrait d’avoir sur les côtes bretonnes, où la population est si dense et tout entière adonnée à la pêche. À ce ütre, l’arrêté du 20 septembre 1898, qui institue l’enseignement des principes les plus élémentaires de la navigation dans les ecoles du littoral, ouvre une voie nouvelle et féconde à l’activité de nos instituteurs. L’œuvre de M. Lorois, due à l’initiative individuelle d’un administrateur remarquable, était destinée à tomber dans l’oubli jusqu’au jour où elle serait reprise par un homme capable de substituer à son impulsion passagère la direction de l’État. Ce novateur, qui d’ailleurs ignorait la tentative de M. Lorois, s’est rencontré naguère dans la personne de M. Coutant, maire de Trouville et alors Directeur du collège Chaptal. Pour mener à bonne fin l’œuvre qu’il avait entreprise, il ne lui a pas fallu moins de trois années d’efforts persévérants et l’appui de M. Bayet, directeur de l’enseignement primaire.

Déja en 1895, M. Coutant organisait à l’école primaire de Trouville un cours régulier sur les notions indispensables aux marins-pêcheurs. En septembre 1896, il faisait au Congrès des Sables-d’Olonne, où il représentait le Ministère de l’Instruction publique, une conférence[2] remarquée sur la nécessité et la possibilité de répandre par l’école, dans les communes du littoral, les principes les plus élémentaires de la navigation. Mais ce n’est qu’en mai 1898, que M. Bayet, sur la proposition de M. Coutant, fit nommer, par le Ministère de la Marine et le Ministère de l’Instruction publique, une commission mixte destinée à étudier le projet d’un nouvel enseignement dans les écoles de la côte. M. Coutant faisait partie de cette commission et il en fut nommé le rapporteur. À l’unanimité, la commission émit un avis favorable à la création des nouveaux cours. Enfin, c’est à la session de juin-Juillet de la même année que le Conseil supérieur de l’Instruction publique, prenant à son compte le rapport de la commission mixte et son projet de programme, arrêta les bases de l’arrêté ministériel du 20 septembre 1898.

Nous ne saurions avoir la prétention de faire concurrence aux écoles d’hydrographie officielles ; mais nous pouvons permettre à plus de marins de les fréquenter. Faute d’une instruction première suffisante, beaucoup d’aspirants au brevet de maître au cabotage ne peuvent suivre le cours de navigation avec fruit et la plupart des jeunes gens de nos ports de pêche reculent aujourd’hui devant la dépense qu’entraîne un long séjour à Lorient. Avec une bonne préparation donnée par l’instituteur, six mois à l’école d’hydrographie doivent largement suffire à un marin intelligent pour devenir capitaine au cabotage, et, ce résultat, je suis absolument convaincu qu’il peut être mis à la portée du zèle et du savoir professionnel de nos instituteurs. Telle est d’ailleurs l’opinion autorisée de M. Villain, l’examinateur distingué qui fait subir l’examen de navigation aux futurs maîtres au cabotage et capitaines aux longs cours. J’ai eu récemment la bonne fortune de parler avec lui de cette question à l’ordre du jour et, comme l’amiral Ménard, qui s’est rendu compte des résultats obtenus à l’école de pêche de Groix, il estime que le nouvel enseignement est appelé à rendre de grands services aux pêcheurs et surtout aux fils de pêcheurs, qui fréquentent aujourd’hui nos écoles.

Il faut considérer, en effet, que notre commerce maritime est loin d’avoir progressé comme celui des nations rivales, que la pêche ne produit pas encore chez nous ce qu’elle pourrait donner à nos pécheurs et que nous manquons de patrons instruits des principes indispensables de la navigation, pour commander nos bateaux de pêche. Il est nécessaire de remédier à cette cause d’infériorité. Je pourrais citer à l’appui de cette remarque bien des faits que j’ai constatés ; qu’il me soit permis d’en relater un seul, noté au cours d’une tournée d’inspection.

Le 18 avril 1899, j’étais à Palais[3]. Après avoir visité les écoles publiques, je me promenais sur les quais avec M. Gallenne, conseiller général, ancien capitaine au long cours et l’un des membres les plus actifs de la société l’Union Belliloise, dont les bateaux font le service régulier de Palais à Quiberon, à Auray et à Nantes. Nous parlions de l’arrèté du 20 septembre et j émettais l’avis qu’un pareil enseignement pourrait susciter des vocations et permettre à bien des jeunes gens d’acquérir leur brevet de maître au cabotage, après on très bref séjour à l’école d’hydrographie.

À l’appui de cette prévision, M. Gallenne racontait qu’autrefois il y avait beaucoup de capitaines originaires de Belle-Île, et que M. Guillard[4], en particulier, avait préparé, à Palais, un grand nombre de jeunes marins devenus capitaines, qui, vraisemblablement, seraient sans lui restés simples pêcheurs toute leur vie. Il ajoutait que les temps étaient bien changés et que, pour conduire les trois vapeurs de l’Union Belliloise, on n’avait trouvé dans l’île qu’un seul maître au cabotage ; il avait fallu, en conséquence, faire venir des côtes de Vendée deux autres capitaines.

Continuant la conversation sur ce sujet, M. Gallenne me conduisit en face d’un côtre de vingt tonneaux, ancré dans l’avant-port ; il avait été lancé tout récemment et l’équipage vérifiait l’état des manœuvres, avant de prendre la mer.

« Ce bateau va partir, dit M. Gallenne, pour aller pêcher le homard sur les hauts-fonds de Rochebonne ; il est aménagé en vivier, de telle sorte qu’il ne doit rallier le port que lorsqu’il a. capturé un nombre assez considérable de homards ou de langoustes. Pour commander ce côtre, j’ai choisi un brave marin du pays, un loup de mer, bon pêcheur, honnête, énergique, ce que j’ai trouvé de mieux en un mot ; mais il est d’une ignorance complète sur les principes de la navigation. Il m’a déclaré qu’il était incapable d’aller directement à Rochebonne, qu’il se rendrait à l’île d’Yeu, où il avait déjà navigué, puis que, de l’île d’Yeu. il se ferait indiquer la route. Il suivra d’autres pêcheurs. »

N’est-il pas étrange que des marins laborieux et intelligents — car la population de Belle-Île possède ces deux qualités — ne soient pas capables de résoudre le problème le plus simple et le plus essentiel de leur métier ? Corriger une route et faire valoir une route ; c’est-à-dire se servir de la carte et du compas. Il est aisé de traiter ces questions à l’école primaire ; elles sont accessibles aux élèves du cours supérieur et du cours moyen[5], mais c’est dans les cours faits aux adultes du littoral qu’elles devraient trouver une place d’honneur. En quelques semaines, l’instituteur pourrait exercer les marins, ayant quelques notions d’arithmétique et de géométrie, à l’usage des cartes marines et les initier aux principes fondamentaux de la navigation estimée.

Afin de remplir les prescriptions du programme énoncé dans l’arrêté du 20 septembre 1898, il est indispensable de mettre les instituteurs de la côte au courant des principes fort simples, mais nouveaux pour eux, qui forment la base du nouvel enseignement. La préparation du cours moyen ne saurait présenter pour nos maîtres la moindre difficulté ; le programme, qui est très précis, servira de guide ; 1l leur suffira de se procurer des livres, afin de se documenter et d’agrémenter leurs leçons par des lectures intéressantes. Les jeunes stagiaires apporteront dans ce travail l’activité qui leur est habituelle et nos directeurs expérimentés sauront élaguer tout détail superflu, afin de rendre les nouvelles leçons simples, claires, intéressantes, faciles à comprendre et à retenir. Mais la préparation du cours supérieur, qui m’apparaît comme la partie la plus importante, comme le but même visé par les organisateurs du programme, semble nécessiter une initiation préalable de nos instituteurs, si l’on veut que leurs efforts soient couronnés de succès.

Sans doute, les connaissances exigées pour le brevet supérieur ou simplement pour la préparation des leçons de sciences inscrites aux programmes actuels des écoles primaires suffisent afin d’aborder tous les articles du nouveau programme relatif aux principes élémentaires de la navigation. Il faut remarquer cependant que l’enseignement de la cosmographie n’est pas donné dans nos écoles normales et que, dans les livres de physique mis habituellement entre les mains de nos élèves-maîtres, on ne traite pas, au point de vue pratique, les problèmes très simples de la mesure du temps avec les chronomètres, de l’usage du compas ou boussole des navires, de l’évaluation des angles à l’aide du sextant, Il ne faudrait assurément qu’un nombre restreint de conférences pour exposer aux futurs instituteurs du littoral les quesions mêmes inscrites dans la deuxième partie du programme publié par l’arrêté du 20 septembre, mais ces conférences sont nécessaires, afin d’éviter les hésitations du début, afin de montrer clairement le but à poursuivre et la meilleure voie pour y parvenir. Il faut que l’instituteur soit exercé à traiter avec sécurité, sans l’apparence d’une hésitation, les problèmes de routes et de relèvements, les corrections du compas et les calculs d’heure, questions plus faciles que les problèmes d’escompte et d’alliages, mais se présentant sous une forme qui n’est pas familière à nos écoliers.

Je conclus de là que des conférences sur les matières du nouveau programme seraient aussi utiles qu’intéressantes pour les élèves-maîtres de nos écoles normales, dans les départements du littoral. Et j’ajoute qu’elles devraient être accompagnées d’exercices pratiques sur la lecture du compas, la mesure des angles à l’aide du sextant, l’observation de la hauteur du soleil, la résolution des problèmes de route, à l’aide des cartes marines et de la table de point.

En faisant porter ces conférences et ces exercices sur Îles deux dernières années de séjour à l’école normale, le travail des élèves et des professeurs ne se trouverait pas surchargé. Dans l’essai tenté à l’école normale de Vannes, au cours de l’année scolaire 1898-1899, douze élèves maîtres de bonne volonté — huit appartenant à la troisième année et quatre à la deuxième — ont suivi, pendant le premier semestre, un cours sur les principes élémentaires de la navigation. Sans négliger leurs travaux habituels, ils ont ainsi satisfait aux exigences d’une préparation qui devrait étre répartie sur deux années, ou plus exactement sur trois semestres, car il importe de consacrer, pendant le deuxième semestre de la troisième année, un certain nombre de séances à des interrogations sur la théorie précédemment exposée et à des exercices pratiques.

Il nous a semblé que, pour les besoins de l’enseignement nouveau, douze conférences d’une heure étaient suffisantes afin d’expliquer aux normaliens de seconde année les principes élémentaires de la navigation estimée, l’usage des cartes marines, de la table de point et du quartier de réduction. En ajoutant à ces leçons quatre séances pour la résolution des problèmes de route sur la carte et le calcul des marées à l’aide des tables de l’annuaire des marées, on aurait une série de seize conférences, qui pourraient être placées, à raison dune conférence par semaine, dans le deuxième semestre de l’année scolaire.

Dès le premier semestre de la troisième année, l’on commencerait l’exposé des notions fondamentales de navigation astronomique. Ou, pour parler plus exactement et pour ne pas afficher des prétentions trop hautes sur le but que nous poursuivons, nous dirons, sans prononcer les mots de « navigation astronomique », que l’on pourrait, en quinze conférences environ, faire connaître aux normaliens : d’une part, les éléments de cosmographie relatifs à la position des astres dans le ciel, au mouvement du soleil et à la mesure du temps ; d’autre part, l’usage du sextant pour la détermination de la latitude par la hauteur méridienne du soleil ou de la lune, et l’observation de la hauteur du soleil en vue du calcul d’heure où du calcul d’azimuth.

Les interrogations et les exercices pratiques du deuxième et dernier semestre auraient pour but de préciser ces notions théoriques du cours proprement dit et de familiariser les futurs instituteurs avec l’usage de l’Annuaire des marées, des éphémérides de la Connaissance du temps, des tables de logarithmes et des tables spéciales, qui rendent aussi simples que rapides les principaux calculs que l’on fait à la mer.

Ces questions ne sont pas au-dessus de la compréhension de jeunes gens de vingt ans, qui ont appris un cours complet de géométrie élémentaire, des éléments de trigonométrie et d’algèbre et le calcul logarithmique. Il faut remarquer, d’ailleurs, que ces éléments de navigation astronomique sont exigés, sans démonstration ni explication, des candidats au brevet de maître au cabotage, et que les marins, qui aspirent à ce titre, ne possèdent souvent qu’une instruction primaire des plus rudimentaires. Ce n’est donc pas trop présumer de nos instituteurs et des élèves-maîtres de nos écoles normales, que d’affirmer leur aptitude à comprendre, à apprendre et même à enseigner les premiers rudiments d’une science, dont la possession parfaite seule exigerait des aptitudes spéciales, des études préliminaires fort sérieuses, une initiation longue et difficile sous la direction de maîtres éprouvées.

Pourrait-on objecter que ce programme dépasse les indications de l’arrêté du 20 septembre et que, par suite, il surcharge inutilement l’emploi du temps des écoles normales déjà bien encombré ? Je ne le pense pas.

Pour bien enseigner les matières prescrites dans le cours moyen et le cours supérieur de l’école primaire, il paraît nécessaire que l’instituteur possède des connaissances un peu plus développées. Il ne faut pas oublier que beaucoup de jeunes marins du littoral, après avoir suivi les classes de l’école primaire et obtenu le certificat d’études, viendront au cours d’adultes, demander à leur ancien maître de reviser d’abord les rudiments de navigation théorique appris à l’école du jour et de leur enseigner ensuite quelques compléments utiles dans l’exercice quotidien de leur profession. C’est ainsi que, dans la plupart des cours du soir, à l’intérieur des terres, les jeunes gens réclament à l’instituteur de traiter, de temps en temps, certaines questions importantes d’agriculture. Les leçons de la classe du jour, faites au Jeune écolier, ont pour but d’éveiller plus tard la curiosité de l’adulte ; il faut, par conséquent, que l’instituteur soit capable de satisfaire cette curiosité.

Quant à la place que ces conférences doivent trouver dans le tableau d’emploi du temps général et dans les heures de service de MM. les professeurs de sciences, il nous semble qu’il est possible d’y pourvoir sans surcharger le tableau et sans créer des heures supplémentaires. Il est bon de remarquer, en effet, que la plupart des matières traitées dans le futur cours de navigation pourraient trouver place dans telle ou telle partie du programme scientifique actuel. Le sextant constitue une application des lois de la réflexion plus intéressante que les petits problèmes sur les miroirs parallèles et les miroirs angulaires que l’on trouve dans les manuels à l’usage des examens ; la théorie du Quartier de réduction et de la Table de point est une application aussi simple qu’immédiate des propriétés et des formules trigonométriques du triangle rectangle ; les calculs d’heure et d’azimut sont des exercices sur les logarithmes moins fastidieux que la résolution des triangles, telle qu’on la pratique dans les classes, et ainsi de suite. On ne saurait recommander, sans doute, de traiter ces diverses questions à mesure qu’on les rencontre ; il vaut mieux évidemment que la préparation de l’enseignement nouveau forme une série de leçons spéciales, coordonnées avec soin ; mais on peut admettre que les explications données par le professeur en vue de l’étude des principes de la navigation lui permettront d’exposer plus rapidement certains chapitres de son cours de physique ou de mathématiques. Il s’établira, dans l’emploi du temps, une sorte de compensation qui rendra possible — grâce à la bonne volonté des professeurs et des élèves — l’introduction du nouvel enseignement dans les écoles normales des départements côtiers. C’est ce que l’on a tenté de faire, avec succès, à l’école normale de Vannes, au cours de la précédente année scolaire.

La difficulté la plus grande, à mon sens, sera éprouvée par les professeurs, qui voudront, dès le début, se charger de ces conférences, car le peu de loisirs dont ils disposent ne leur permettra guère de préparer les exercices d’interrogation ou d’application. elles énoncés de problèmes faisant suite à la leçon, qui sont les compléments indispensables d’un enseignement consciencieux. En outre, il leur faudra se familiariser avec l’usage du sextant, et le plus simple pour eux sera de faire la connaissance d’un ancien capitaine au long cours — on en rencontre de très obligeants dans tous les départements côtiers où l’enseignement des principes élémentaires de la navigation peut être utile, — qui les dirigera dans ces exercices pratiques, afin qu’à leur tour MM. Îles professeurs de sciences puissent enseigner aux élèves-maîtres de troisième année à déterminer la latitude et à prendre correctement la hauteur du soleil.

Ces résultats avant été atteints à l’École normale de Vannes pendant l’année scolaire 1898-1899, il me semble possible de les réaliser partout, avec d’autant plus de succès que le travail sera reparti sur deux années d’études, et qu’il sera facile d’éviter, par une organisation du service étudiée à loisir, les hésitations que l’on éprouve quand on introduit à la hâte, comme il a été fait à Vannes, un enseignement nouveau dans un emploi du temps déjà établi et arrêté en vue de la bonne et complète utilisation des efforts communs des élèves et des professeurs.


  1. Cette école n’existe plus aujourd’hui.
  2. Un rapport du conférencier sur cette importante question et sa conférence elle-même furent publiés dans le volume relatant les travaux du congrès.
  3. À Belle-Île-en-Mer.
  4. M. Gaillard, aujourd’hui directeur de l’école de pèche de Groix, fut instituteur public à Palais, il y à vingt ans environ.
  5. Les problèmes de route que le patron de ce bateau avait à résoudre ont été posés à l’improviste aux élèves du cours moyen et du cours supérieur de l’école annexe à l’école normale de Vannes, et résolus aussitôt en présence de M. Just, en tournée d’inspection générale.