conclusion


La paroisse de Saint-Méthode est morte. Pour lui donner un semblant de vie factice, le capital étranger paiera encore à son curé une somme mensuelle dont j’ignore au juste le montant.

Et les victimes de l’emprise étrangère sur nous, sur notre peuple, sur nos biens, sur nos gouvernants, les inondés, les cultivateurs, les colons dépossédés illégalement et sans droits, d’après un mot désormais célèbre, ces victimes, où sont-elles ?

Ici et là, un peu partout, ces terriens chassés de leurs chez nous essaient de se refaire une vie, de reprendre racine, eux que l’on a déracinés.

Quand vous en rencontrerez, demandez-leur l’histoire de leur pays, de leur paroisse. Ils vous diront : Jamais nous n’avons demandé autre chose que notre bien, le respect de nos propriétés ; ils vous diront encore que l’on a voulu les garder à leurs terres avec des semblants d’avantages et de culture modèle, sur des terres rendues partiellement incultes par l’infiltration.

Peut-être vous diront-ils qu’ils ont assez souffert pendant les jours sombres du dérangement pour ne pas aller se remettre dans la même position.

Il y en a qui vous chanteront la complainte du sauvetage, d’autres qui vous diront l’histoire d’une Lucette ou d’un Irénée qu’ils ont connu. Tous pleurent leur foyer, le malheur des temps modernes, mais, chrétiens croyants, ils ont pardonné à leurs bourreaux et à leurs lâches complices.

Parfois, j’en rencontre qui me disent : écrivez notre histoire, l’histoire de la paroisse martyre, l’histoire de la terre assassinée par l’emprise étrangère, sous l’œil paterne de nos protecteurs attitrés qui, par faiblesse ou vénalité, n’ont pas su nous défendre.

Comme la terre, Lucette, fille de la terre, est morte assassinée par l’emprise étrangère, l’emprise du luxe et du mauvais exemple.

Rosette n’est plus dans le monde. Si, parfois, votre vie vous amène dans l’un de ces jardins de l’enfance où les petits déshérités de la vie trouvent le foyer que la richesse leur refuse, la famille que le monde ne peut ou ne veut leur donner, peut-être verrez-vous une religieuse jolie, dont la beauté vous surprendra, dont le sourire et l’air de douceur vous édifieront.

Parfois, sur le lit d’un infirme expiant les fautes de ses ascendants vous verrez se pencher avec amour une religieuse qui, domptant les faiblesses et les répugnances de la nature, pansera les plaies hideuses du corps et adoucira les plaies douloureuses de l’âme. Alors, dites-vous, c’est peut-être Rosette, la fille que le luxe et la débauche du monde auraient perdue, mais qui fut sauvée par l’amour de son Dieu et du prochain.

Si un jour, riches de la terre, une religieuse vient vous tendre la main pour ses pauvres, pensez que peut-être c’est une Rosette qui aurait pu ramasser des fortunes dans la boue du vice, mais qui, sauvée du vice par sa conscience de chrétienne, ramasse les misères humaines et vous demande les gros sous qu’il faut pour acheter le pain de demain. Riches, donnez ! Que pour la vertu, votre bourse s’ouvre toute grande, de peur que, si vous fermez votre cœur et votre bourse à la charité, ils s’ouvrent, se vident et se dessèchent au souffle du vice et de l’immoralité.

Que fait André Clément ? Peut-être va-t-il croire ! La grâce de la conversion peut toucher le cœur des Cernovitch. Espérons-le tous en nous rappelant que le démon de l’or est le plus tenace des diables.

Chez les trappistes, un novice est entré.

« Dans le silence et la soumission, tu retrouveras l’espérance et la paix », avait dit grand-père Boudrault mourant.

C’est le silence, c’est la soumission, c’est le renoncement, c’est la paix.

La paix de l’âme qui contemple le ciel et aspire à son Dieu. La paix du cœur qui s’est détaché de l’amour des choses terrestres, c’est la paix du pardon donné à la petite fiancée, morte pécheresse repentante, c’est la paix du pardon donnée aux auteurs de la ruine, pardon même aux Judas qui pour de l’or ont vendu leurs frères.

Et le jeune trappiste, comme le Christ son modèle, prie pour ses bourreaux, pour son peuple, pour ses frères.

« Seigneur, entendez ma voix. Pardonnez-nous nos fautes. Seigneur, sans vous, nous périssons. Vous qui, au cri d’appel de vos disciples, avez arrêté les vents et la tempête, sauvez notre peuple de l’emprise du luxe et de l’immoralité. Sauvez nos Canadiens. S’il le faut, sauvez-les malgré eux !

Dieu tout-puissant et éternel, préservez notre peuple des exemples mauvais qui tendent à nous enseigner le mépris de l’autorité, le mépris des lois divines et humaines !

Aux riches, donnez l’esprit de justice et de charité ; aux pauvres, la résignation, la foi et l’espérance !

Dieu tout-puissant, pour qui il est facile de faire les choses qui paraissent impossibles aux hommes, sauvez notre peuple de la vénalité et du vice : Dieu tout-puissant, sauvez-nous de l’emprise étrangère ! »


FIN