Le Courrier fédéral (p. 223-225).

CHAPITRE XXIV

LA FUITE D’UN DRÔLE


Un coup d’œil avait suffi à nos amis pour comprendre ce qui se passait. En un instant, les deux bras de Castello étaient maintenus par Yves Courcel et Andréa, le réduisant ainsi à l’impuissance.

« Maudit ! Trois fois maudit ! » s’écrièrent-ils, tous ensemble, en montrant le poing à Castello.

« Tu vas mourir, chien ! » s’écria Andréa. Et il s’apprêtait à assommer Castello, quand Yves Courcel l’arrêta.

— « Pas de sang, Andréa ! » supplia-t-il. « La loi punira ce drôle comme il le mérite. »

Inutile de dire que Tanguay était accouru auprès d’Éliane ; Mme Duponth, Sylvio et Paul l’accompagnant. En un clin d’œil, les liens retenant Éliane furent coupés et ces liens servirent à lier les mains et les pieds de Castello.

« Éliane ! Éliane ! Ma fille ! Ma bien-aimée ! » s’écriait Yves Courcel.

« Mon ange ! O mon ange chéri ! » disait Tanguay.

« O ma petite enfant ! Éliane adorée ! » pleurait Andréa.

« Ma fille ! » s’exclamait Sylvio Desroches.

« Chère chère Mlle Éliane ! » disaient Mme Duponth et Paul.

— « Père ! Tanguay ! Papa Andréa ! » murmura Éliane, avec un pâle sourire… Puis elle perdit connaissance.

« Vite ! » dit Yves Courcel. « Emmenons-la hors d’ici !… Quand elle reprendra connaissance, il faut qu’elle soit loin de cette caverne maudite… Paul, » ajouta-t-il, « amène la limousine à la porte d’entrée ; nous y déposerons Mlle Courcel immédiatement. »

On enleva le matelas du lit qu’Éliane avait occupé durant son séjour dans la caverne, et sur ce matelas, la jeune fille, toujours évanouie, fut déposée. Aussitôt que Paul vint dire que la limousine était à la porte, on se dirigea processionnellement vers la sortie…

Tanguay ne put s’empêcher de faire la comparaison entre cette fuite de la caverne et celle d’autrefois… Alors, c’est Lucia qui était couchée sur un matelas ; aujourd’hui, c’était Éliane, Éliane évanouie !  !

Quand on eut installé Éliane dans la limousine, Yves Courcel dit :

« Qu’allons-nous faire de ce Castello ? »

— « Il est en sûreté pour le moment, » répondit Andréa ; « pieds et mains liés, il ne peut aller loin. »

« Et, en attendant notre retour, » murmura Paul, in petto, « puissent les rats de la caverne le déchiqueter de la plus belle façon, ce bon M. Castello ! »

— « Nous reviendrons, ce soir, avec la police… » commença Courcel.

Mais Yves Courcel fut interrompu par une exclamation de Tanguay :

« Voyez donc ! Voyez donc ! »

Tous jetèrent les yeux sur le point indiqué par Tanguay : un homme traversait, à la course, le pont improvisé reliant les bords du précipice ; cet homme, c’était Castello.

« Nous n’avons pas le temps de nous occuper de ce bandit, » dit Courcel ; « qu’il aille se faire pendre ailleurs ! »

— « C’est le bonheur que je lui souhaite ! » répondit Andréa.

— « Partons !  ! » dit Tanguay. « Éliane ne reprend pas connaissance et ça devient très inquiétant. »

— « Oui, partons ! » répéta Yves. « Ma pauvre chérie ! Comme elle est pâle, mon Dieu !… À la villa ! À la villa !  !

Et bientôt, la limousine prenait la direction de Bowling Green, ramenant à la villa Andréa, Éliane toujours évanouie.