L’amour saphique à travers les âges et les êtres/14

(auteur prétendu)
Chez les marchands de nouveautés (Paris) (p. 126-130).

L’Amour saphique, Bandeau de début de chapitre
L’Amour saphique, Bandeau de début de chapitre

XIV

LES CINQ SENS DANS L’AMOUR SAPHIQUE


Il est incontestable que dans l’amour, même chez les natures les plus primitives, les plus brutes, tous les sens et le cerveau coopèrent à la sensation voluptueuse.

Plus les sens d’un individu sont aiguisés et affinés, rendus sensibles et vibrants, plus celui-ci est apte à recevoir des sensations voluptueuses ardentes, profondes et variées.

Localiser la jouissance passionnelle au siège précis du sexe serait montrer une singulière sottise et un étrange aveuglement.

Tous les sens concourent à faire naître le désir ; tous sont en jeu pour le satisfaire.

La vue, le toucher, l’odorat, l’ouïe et jusqu’au goût jouent un rôle énorme dans l’amour et prennent chacun une prépondérance dans l’individu, selon les tempéraments.

Cependant, leur rôle étant différent, il est très compréhensible que, selon les circonstances, selon les individus et les races, les sens jouent un rôle inégal, les uns l’emportant sur les autres suivant les cas.

Chez les animaux et les races humaines primitives, le sens olfactif joue un rôle prépondérant dans l’amour. Les bêtes et les sauvages possèdent un odorat merveilleux et certaines odeurs agissent sur leurs nerfs de façon irrésistible. Le sens génésique des mâles particulièrement est réveillé et irrité par des senteurs dont, en Orient par exemple, l’on fait un usage habile quand on désire activer le désir.

La femme très femme est peu accessible passionnellement aux odeurs. Celles-ci peuvent lui être agréables, mais leur action est rarement suffisante pour lui causer une sensation voluptueuse ou l’amener à désirer celle-ci.

Au contraire, la femme-mâle et la femme hermaphrodite sont, en général, très sensibles aux parfums ainsi qu’aux senteurs naturelles.

Dans les relations intimes que l’on a avec un individu, d’un sexe ou d’un autre, les émanations naturelles de cet individu jouent un rôle capital dans l’attraction qu’il inspire. Il est des êtres malheureusement doués, ayant quelque tare de santé obscure qui, malgré les soins de propreté les plus méticuleux, exhalent des odeurs qui affectent l’odorat de leur partenaire et finissent immanquablement par le détacher.

Par contre, certains privilégiés possèdent une odeur naturelle plaisante et capable à elle seule d’exciter le désir, d’inspirer la volupté.

Dans l’amour saphique, le besoin exaspéré d’intimité qu’éprouve l’hermaphrodite ou la femme-mâle pour leur compagne fait que l’odeur naturelle de celle-ci tient une place importante dans leur amour.

Mme S…, une saphiste ardente, confiait en un jour d’abandon que son premier soin, avant de courtiser carrément une femme qui lui plaisait, était de flairer ses aisselles, sous un prétexte ou sous un autre. Si le parfum la rebutait, elle s’enfuyait ; autrement, elle s’exaltait immédiatement.

Dans les baisers dits au dix-huitième siècle « à la florentine », le parfum naturel de la femme a une importance que l’on ne saurait nier et qui a une influence capitale sur les délires des saphistes.

Le sens de l’ouïe est également considérable en amour. Sans parler de la musique qui est un si merveilleux excitant, il y a le son de la voix de la personne aimée, ses cris, ses râles, ses paroles ardentes, affolées, aux instants de plaisir.

Certaines saphistes ne jouissent que lorsque leur partenaire parle abondamment ; soit qu’elle supplie, implore, soit qu’elle exprime sa gratitude, son bonheur ; ou encore qu’elle fouette le désir par des paroles ordurières, des mots obscènes.

Parfois, le son de sa propre voix est un merveilleux excitant et telle lesbienne jouit autant de ses clameurs que de celles de son heureuse victime.

La vue est une cause puissante d’exacerbation amoureuse. C’est la vue de la beauté d’un être qui en inspire le désir. C’est la volupté lue sur des traits qui affole le désir naissant. C’est encore la vue des obscénités qui, pour certains et certaines, exaspère la passion jusqu’au délire.

Du reste, la vue agit sur les lesbiennes de façon fort différente, selon le tempérament particulier de celles-ci.

Telle s’enflammera pour la beauté de son amante ; telle autre s’excitera à la vue de trésors habituellement dérobés ; telle autre encore cherchera la contemplation exclusive du siège du plaisir en restant indifférente aux autres beautés.

Les premières sont des amoureuses de l’esthétique ; les autres des sensuelles que l’obscénité attire.

Le toucher est intimement lié au sens de la vue. L’un appelle l’autre et se complète. Le toucher sans la vue ne satisfait que partiellement ; la vue sans la possibilité du toucher irrite plus qu’elle ne cause de jouissance.

Nous entendons naturellement le toucher actif, quant au toucher passif, c’est-à-dire à la sensation reçue par l’attouchement étranger, c’est tout autre chose et la vue y est secondaire.

Pour la lesbienne qui caresse et manipule sa compagne, il lui est un puissant excitant de suivre les frissons du corps de l’autre, de contempler les mystères de son intimité. Celle qui, au contraire, reçoit la caresse, peut éprouver du plaisir à suivre la passion de son amante sur sa physionomie, dans ses gestes ; mais le plus souvent, sa jouissance sera plus grande si elle s’absorbe seulement dans la sensation provoquée en elle par les attouchements qu’elle subit.

Le goût, en amour, marche de pair avec l’odorat dans les baisers qui sont une partie des manifestations de l’amour saphique.