L’amour saphique à travers les âges et les êtres/13

(auteur prétendu)
Chez les marchands de nouveautés (Paris) (p. 121-125).

L’Amour saphique, Bandeau de début de chapitre
L’Amour saphique, Bandeau de début de chapitre

XIII

LA FEMME HERMAPHRODITE


Par ce terme, nous n’entendons pas du tout le monstre physique qui possède les deux sexes plus ou moins atrophiés. L’hermaphrodite corporelle est presque toujours insexuée en ce qui concerne les sens et n’offre aucun intérêt psychologique.

Ce que nous voulons désigner par ce mot, c’est la femme qui cérébralement possède les deux sexes, et qui dans ses relations passionnelles éprouve tour à tour également les émotivités spéciales aux mâles et aux femelles.

La femme hermaphrodite complète est assez rare ; mais beaucoup de créatures sont plus ou moins susceptibles de sensations troubles qui tiennent des deux sexes.

L’hermaphrodite cérébrale parfaite est le plus merveilleux instrument passionnel qui soit. Tantôt elle est mâle et connaît toutes les sensations victorieuses de l’homme qui coïte ; tantôt elle est femme et savoure les délices d’une sujétion absolue.

Et, capable d’apprécier toutes les beautés, elle estime autant l’homme que la femme ; elle use d’eux de toutes façons, tantôt normalement, tantôt en invertissant l’ordre naturel. Elle est délicieusement femme avec celui-ci ; puis, rencontrant un homme efféminé, elle sera mâle brutal pour lui. Avec telle lesbienne-mâle elle sera sa docile épouse ou se réveillera maître despotique pour une amie dont les sens demeurent féminins.

La femme hermaphrodite est une sensuelle éperdue. Ne lui demander aucune sentimentalité, ce serait peine perdue : elle a tous les vices de l’homme et tous ceux de la femme.

Du reste, il est rare qu’elle tombe dans les excès sadiques ; il semble que ses exaspérations contradictoires la maintiennent dans une sorte d’équilibre ; et si elle est capable de fréquentes folies, la sinistre démence ne vient point la saisir, l’obliger au crime, aux actes irréparables. C’est habituellement une dilettante de la passion. Elle connaît ses facultés, les développe, les analyse, en jouit.

Parfois l’hermaphrodite demeure en apparence une chaste. Elle contente solitairement, en grand mystère et par l’imagination, l’envolée double de ses désirs. Elle possède et elle est possédée. Son esprit l’entoure de mille fantômes dociles à ses vœux.

Le docteur X… reçut un jour les confidences d’une femme dont la réputation était irréprochable et qu’il soignait d’une inflammation à la matrice.

Elle lui avoua que sa maladie provenait de son habitude de simuler des coïts répétés, violents et d’une violence inouïe, à l’aide d’instruments hérissés d’aspérités. Et de ses déclarations, il ressortait que si parfois, il lui fallait être en rêve la femme que possède un satyre, elle connaissait un plaisir non moins exquis en se persuadant qu’elle terrorisait et violait de jeunes vierges.

Par un dédoublement très curieux, elle arrivait à jouir de deux façons très dissemblables tandis qu’elle labourait sa chair intime avec l’engin cruel. Tantôt elle ressentait pour son propre compte. Tantôt son sexe devenait dans son imagination celui de la jeune fille qu’elle supposait près d’elle, et elle devenait l’homme pourvu de la verge torturante : ses sensations n’étaient plus que celles imaginées de la violentée.

Et, tout naturellement, alors que dans le premier cas, elle sollicitait d’une voix ardente le mâle fictif de ne pas l’épargner, de la faire encore plus souffrir dans sa chair, lorsqu’elle incarnait la victime, des cris aigus, des implorations sortaient de sa gorge, elle se tordait, repoussait de tout son corps le membre que sa main lui imposait impérieusement.

L’hermaphrodite est, on le comprend, essentiellement volage : la fidélité lui est absolument impraticable et inconnue.

Sans cesse curieuse de sensations nouvelles et variées, il faut à cette sorte de femme des conquêtes nombreuses et parfois plusieurs amours simultanées dans lesquelles elle assouvit ses penchants contraires.

La belle M…, cantatrice en renom, entretenait simultanément des relations avec deux hommes et une femme.

Avec son amant en titre, ses amours étaient normales ; elle l’aimait en femme et jouissait d’être possédée par un individu très viril et dont les qualités toutes masculines lui plaisaient.

Auprès de la femme, son rôle changeait : elle était l’homme tendre, caressant qui sollicite longuement avant de prendre et qui jouit autant du plaisir qu’il procure que de celui qu’il éprouve lui-même.

Près de son second amant son attitude était plus compliquée. Celui-ci était un inverti décidé qui ne connaissait guère les érections, que la possession laissait froid et qui tirait des joies aiguës du fait d’être pénétré par l’anus.

Avec celui-ci, Mlle M… goûtait toutes les joies sensuelles de la brutalité permise. Elle pétrissait, maniait, flagellait cet amant docile et le possédait vigoureusement à l’aide d’organes postiches.

Les pâmoisons de l’inverti, sa possession, lui causaient d’incomparables bonheurs. C’était peut-être celui de ses trois amours qu’elle préférait.


L’Amour saphique, Vignette de fin de chapitre
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