L’Université d’Avignon aux XVIIe et XVIIIe siècles/Livre I/Chapitre IV

CHAPITRE IV

AUTRES OFFICIERS ET AGENTS DE l’UNIVERSITÉ


Les lieutenants du primicier ou proprimiciers ; proprimiciers laïques et proprimiciers ecclésiastiques. — Le doyen du Collège. — L’actorie ; comment se recrutent les acteurs. — Le bedeau général ou secrétaire. — Mode de nomination du bedeau ; importance croissante et variété de ses attributions. — L’imprimeur de l’Université. — Avocats et députés de la corporation ; ses protecteurs en cour de Rome.


On se rappelle que le primicier, lorsqu’il était laïque, pouvait et devait, sous l’approbation du Collège, déléguer à un docteur ecclésiastique sa juridiction sur les clercs. Il pouvait aussi, en cas d’empêchement légitime, remettre l’intégralité de ses pouvoirs à un ou plusieurs de ses collègues qui prenaient alors le titre de lieutenants du primicier ou plus souvent de proprimiciers. Le cas ne se produisit pas très fréquemment ; on peut cependant en citer plusieurs exemples pour les xviie et xviiie siècles. Ainsi, en 1660, M. Denis de Sarpillon du Roure « étant détenu malade dans son lit et ne pouvant vaquer aux affaires de la ville, députe pour son lieutenant et proprimicier pour ces affaires et celles de l’Université, M. Jean-François Salvador, docteur ès-droits agrégé, auditeur de rote[1]. » En 1664, M. de Vedeau, député pour la ville d’Avignon à Paris, nomme M. de Gay pour proprimicier[2]. Et de même, en 1682, M. Payen choisit M. Salières pour son délégué général et proprimicier[3] ; en 1701, M. Philippe de Tulle attribue les mêmes pouvoirs à son frère Pierre de Tulle[4]. Dans d’autres circonstances les primiciers choisissent plusieurs lieutenants. En 1725, le primicier Crivelli, quelques jours à peine après son élection, choisit deux proprimiciers l’un pour exercer la juridiction ecclésiastique, l’autre auquel « il transfère tous ses pouvoirs et facultés en la meilleure et plus ample forme et ad suum beneplacitum »[5]. C’est la même formule que l’abbé de Tulle avait employée en 1718 lorsque « faisant » trois proprimiciers, il leur avait délégué tous ses pouvoirs « pour les exercer tant conjointement que séparément pendant tout le temps de son absence »[6].

Cette délégation était un acte du primicier, révocable suivant sa volonté, mais, en général, soumis à l’approbation du Collège[7], De son côté, en cas de vacance du primicériat, cette assemblée pouvait choisir elle-même le proprimicier et c’est ainsi qu’en 1769, M. d’Armand n’ayant pas accepté l’élection dont il avait été l’objet, elle nomma trois proprimiciers qui devaient rester en fonctions jusqu’à la fin du débat soulevé à ce propos et qui, en réalité, gouvernèrent pendant un an[8].

Le proprimicier jouissait de toute l’autorité attribuée au primicier titulaire. Dans l’assemblée des docteurs, dans les actes des Facultés, à l’Hôtel de Ville même, il en tenait le rang et la place. Les conflits soulevés parfois à ce propos par les corps rivaux de l’Université tournèrent toujours au profit de celle-ci[9]. Titulaires ou délégués, ceux qui représentaient la corporation universitaire surent défendre ses droits et garder le rang qui lui appartenait.

En l’absence du primicier ou de son lieutenant, la préséance est dévolue au doyen du Collège des docteurs agrégés en droit et il est d’usage qu’en temps ordinaire, le doyen vienne immédiatement après le primicier ; mais il ne s’agit ici que de privilèges honorifiques. Le décanat qui appartient au plus ancien des agrégés et revient en conséquence très fréquemment à un vieillard peu assidu aux assemblées et peu capable de s’occuper activement des affaires du studium, ne confère aucun pouvoir effectif et ne peut être considéré comme une magistrature universitaire[10].

Il en est tout autrement de l’actorie, dont le ou les titulaires, chargés d’entamer ou de poursuivre les procès de l’Université et de plaider pour elle étaient, de ce chef, fort occupés. On sait, en effet, avec quelle âpreté les anciennes corporations défendaient leurs droits même les plus contestables et qu’elles s’avouaient rarement vaincues sans avoir épuisé la série entière des juridictions. À ce point de vue, l’Université d’Avignon, en butte à des rivales acharnées, ne chôma guère dans les deux derniers siècles de son existence : on trouvera plus loin le récit de ses interminables procès.

Les acteurs étaient élus par le Collège et dans son sein. Ils devaient être avocats : c’était la seule condition requise pour l’éligibilité[11]. Jusque vers 1740, il n’y eut qu’un seul acteur titulaire ; mais on prit de bonne heure l’habitude de lui donner, pour l’aider dans sa tâche, un coadjuteur ou même un coacteur souvent choisi dans sa famille et qui devait lui succéder à sa mort[12]. Même en 1696, M. de Gay étant depuis longtemps incommodé, le Collège lui nomma deux coacteurs qui devaient avoir successivement après sa mort, les honneurs et honoraires attachés à la charge[13]. Enfin, comme les procès devenaient de plus en plus nombreux et importants et comme on voyait même parfois l’acteur de l’Université engagé en faveur des adversaires de celle-ci et « prévenu par les parties, » on résolut d’en nommer deux qui jouirent tous deux des prérogatives attachées à leurs fonctions[14], mais ne reçurent chacun que la moitié de l’honoraire fixe, savoir l’écu d’or au soleil, qu’on donnait à l’acteur aux fêtes de Noël, pour ses étrennes[15].

L’actorie était viagère, sauf démission du titulaire ou renonciation de sa part aux fonctions d’avocat[16]. Elle fut l’apanage d’un petit nombre de familles qui parfois se la transmirent comme un héritage ; tels les Tonduty, les de Gay, les Benoît, les Ollivier, les Thomas, les Teste enfin qui eurent, aux xviie et xviiie siècles, la charge de soutenir les droits de l’Université[17].

Énumérer toutes les occasions où ces agents intervinrent, ce serait faire l’histoire même de la corporation : il suffira d’indiquer ici qu’outre leur rôle dans les procès proprement dits, la place des acteurs était marquée dans tous les actes civils ou judiciaires qui intéressaient l’Université : échanges, ventes, locations, conclusion des baux et traités pour la collation des offices et des greffes. Ils formaient comme le conseil judiciaire de l’Université et l’on peut les comparer à ces « assesseurs » des conseils de ville, dont l’action aussi fréquente qu’éclairée s’exerça si utilement pour la bonne marche des affaires municipales.

Hors du Collège, l’Université n’a guère qu’un agent, le bedeau, bedellus generalis, à la fois appariteur en chef, secrétaire, garde des bâtiments, archiviste et, au besoin, trésorier. Comme celle de primicier, cette fonction datait de l’origine même du studium et ne disparut qu’avec lui, mais elle se modifia beaucoup avec le temps.

Les statuts primitifs énumèrent longuement les attributions du bedeau, et que l’évêque et les docteurs se soient disputé le choix de cet agent pendant près d’un siècle, cela seul dit assez son importance. Une transaction déjà citée remit, dès 1383, la nomination du bedeau au Collège, sous la ratification de l’évêque, auquel l’élu continua de prêter le serment accoutumé[18].

Il n’est d’ailleurs plus trace de ce serment au xviie siècle et les décisions du Collège sont désormais souveraines. Quand la charge vient à vaquer, le primicier et une commission de docteurs s’enquièrent des candidatures : le mérite et la moralité des postulants sont l’objet d’un examen approfondi. Une sorte de contrat est rédigé que l’élu doit accepter solennellement. Au jour fixé pour l’élection, le primicier soumet ses propositions au Collège qui généralement les ratifie par son vote : un notaire apostolique expédie ensuite des propositions régulières à l’élu. Il demeure entendu que le bedeau exercera son office seul et en personne et non par substitut, qu’il s’y portera avec toute l’assiduité, exactitude et diligence désirables, qu’il résidera à Avignon et ne pourra s’absenter que sur autorisation écrite du primicier et pour raisons légitimes, qu’il aura enfin dans la ville une maison décente et convenable pour y faire son domicile fixe, permanent et continu[19].

À l’époque qui nous occupe le bedeau est souvent appelé secrétaire de l’Université. Ce titre nouveau, autrefois dévolu à un notaire, indique que les fonctions du bedeau se sont élevées et anoblies, qu’il se mêle plus intimement à la vie intérieure du Collège comme à ses actes publics et que de simple auxiliaire ou « suppôt », il est devenu peu à peu l’homme de confiance des docteurs et parfois leur conseiller[20].

Secrétaire ou bedeau, l’agent dont il s’agit garde toutes les attributions que les anciens statuts lui conféraient. Il doit publier dans les écoles la date du commencement des cours et annoncer les jours fériés. S’agit-il d’examens, d’exercices extraordinaires, de thèses solennelles, d’actes publics, il invite maîtres et écoliers à s’y rendre, indiquant à l’avance le sujet des « disputes », pour que les uns et les autres puissent à loisir préparer leurs arguments[21]. Quelque membre de la corporation vient-il à mourir, il ordonne de sonner la cloche et fait connaître dans toutes les Facultés les jour et heure des obsèques, avec prière d’y assister[22]. Dans les cérémonies publiques, il revêt la robe et monte parfois à cheval, portant la masse devant le primicier. Il a charge d’embaucher, quand besoin est, les porteurs de torches, estafiers et hautbois ; il veille à l’observation stricte de l’étiquette et des préséances : les règles du cérémonial ou, comme on dirait aujourd’hui, du protocole n’ont pas de gardien plus vigilant. Par-dessus tout, il a mission de convoquer les assemblées des Facultés et particulièrement celles du Collège des docteurs en droit agrégés, se tenant, en quelque mesure pour responsable des absences et notant soigneusement sur les registres, pour se dégager, que les non-présents ont été bien et dûment convoqués, avec mention, s’il y a lieu, de leurs excuses[23].

Aux xive et xve siècles, il devait tenir librairie à l’usage des écoliers ; mais, dès les statuts de 1503, cette charge devient facultative et on note même, à cette époque, que les bedeaux s’en sont depuis longtemps dispensés[24]. La décadence de l’Université pendant les guerres religieuses du xvie siècle valut, semble-t-il, à ces agents d’involontaires loisirs. Mais, après 1621, quand les deux offices de secrétaire et de bedeau furent réunis dans les mêmes mains, les titulaires de l’emploi unique se trouvèrent de nouveau fort occupés. Ils durent rédiger les actes officiels, diplômes, certificats et attestations d’études, vaquer à la correspondance, surveiller la tenue des registres, collationner les actes notariés « les insérant dans un livre à ce uniquement destiné », classer et « mettre en liasses » les autres documents, noter, à l’occasion, les événements remarquables ou simplement intéressants[25], préparer enfin les comptes annuels des primiciers. Les habitudes d’ordre et de méthode dont ils ne se départirent jamais leur permirent de rendre à ces magistrats des services signalés. Mais leur titre le plus durable peut-être à la reconnaissance de l’Université, c’est le soin avec lequel la plupart d’entre eux, — tels les Bernard et les Chambaud, annalistes prolixes, mais d’une conscience admirable, — rédigèrent les délibérations du Collège. Dans leurs procès-verbaux, la corporation retrouvait écrite au jour le jour l’histoire de sa vie avec les preuves de sa noblesse et de sa grandeur : ils restent pour l’historien un inépuisable répertoire d’informations d’un inappréciable intérêt.

Le bedeau secrétaire était encore devenu, vers 1625, « garde des clés. » Ces fonctions, sur lesquelles les Archives universitaires donnent peu de détails, firent du bedeau une sorte de conservateur des bâtiments, au bon entretien desquels il devait veiller, provoquant les réparations nécessaires et surveillant leur exécution[26]. Il était aussi chargé de la comptabilité de l’Université ; il tenait compte des recettes et des dépenses effectuées par les primiciers. Parfois des sommes importantes lui étaient remises en dépôt ; il devenait alors agent comptable et trésorier, mais par exception seulement[27]. En 1779, la garde des archives, autrefois confiée au doyen du Collège, lui fut remise[28].

Enfin, il fut plus d’une fois chargé d’importantes missions. On voit par exemple, en 1662, le Collège députer à Aix le bedeau Jean Bernard, pour s’informer des difficultés que l’Université de cette ville suscitait à celle d’Avignon ; quelques années plus tard, le fils de ce même Bernard et son coadjuteur est envoyé à Paris pour réclamer l’exécution de l’arrêt obtenu[29]. En 1671, il est en mission dans le Comtat, chargé d’en parcourir les villes et de dresser la liste des docteurs qui y résident[30]. Et c’est encore un des Bernard qui se rend, en 1698, à Dijon, à Besançon et à Grenoble, pour faire enregistrer dans les parlements de ces villes les lettres patentes rendues par le roi de France en faveur de l’Université d’Avignon[31].

Mais, en dépit de ces délégations extraordinaires, le bedeau reste ce qu’il a été dès le premier jour : l’agent d’exécution du primicier, sous les ordres directs duquel il est placé. C’est lui qui notifie aux étudiants et aux docteurs les ordonnances du chef de l’Université et en assure l’observation. Sa mission est parfois délicate : quand il s’agit, par exemple, d’exclure un agrégé du Collège[32] ou d’interdire à un professeur l’accès de sa chaire[33]. Dans ces occasions, le bedeau sait allier la fermeté à la finesse et jamais son autorité n’est méconnue.

Le bedeau ne reçut jamais de traitement. Il avait même cessé depuis longtemps, au xviie siècle, de faire dans les différentes classes la « collecte », que les statuts de 1303 avaient instituée et que les statuts postérieurs avaient maintenue, en la réglementant de nouveau[34]. Bien plus, le Collège exigeait maintenant des titulaires de l’office une redevance annuelle fixée à cent cinquante livres[35]. Parfois d’ailleurs, remise était faite de ce droit, en considération des services rendus à l’Université par le bedeau ou ses ascendants[36].

Mais, en revanche, le bedeau percevait sur les gradués des droits considérables, égaux et parfois supérieurs à ceux que touchait le primicier : trois écus des bacheliers et licenciés en droit, cinq des docteurs ou agrégés du même ordre ; les médecins « lui payaient pour les taxes accoutumées et pour leurs lettres », savoir les docteurs et licenciés, quinze livres, les bacheliers, douze livres dix sous. Les théologiens et les artistes étaient également ses tributaires, les premiers pour un ou deux écus d’or ; les autres, pour un écu, lors du baccalauréat ou de la maîtrise, pour cent sous à l’agrégation. Au total, le profit n’était pas médiocre et la situation restait enviable ; d’autant plus que l’office était viager.

Ce n’étaient pas d’ailleurs si petites gens que les secrétaires bedeaux de l’Université. Jean Bouzon, lorsqu’il démissionna en 1631, était chanoine de la métropole[37]. M. Chambaud l’aîné était notaire[38] et bien que les Bernard fussent de condition plus modeste, l’un d’eux, le troisième du nom, était bachelier ès droits et notaire apostolique ; son oncle était prévôt de Saint-Symphorien et, en 1694, fut délégué par l’Université à Paris[39]. L’ambition assez naturelle de chacun était alors de transmettre son office à son fils et, comme il y avait des dynasties de régents et de primiciers, il y eut des dynasties de bedeaux, celle des Bernard, par exemple, qui, mise en possession de l’office en 1621, le garda pendant cent quarante années ; elle fournit quatre titulaires ou coadjuteurs sous trois générations successives et près de s’éteindre en 1761, au grand regret du Collège, recevait de lui ce témoignage qu’elle avait exercé cette charge avec un zèle et une fidélité sans exemple, méritant de père en fils l’entière et absolue confiance de l’Université[40].

C’était aussi dans l’organisme universitaire un personnage assez important que l’imprimeur, investi du monopole des publications qui intéressaient le studium. Non qu’il fut mêlé aussi intimement que le bedeau à la vie de la corporation et en devint, comme lui, un membre véritable par le fait de son élection ; mais s’il gardait en dehors de ses fonctions spéciales toute sa liberté d’action, l’Université, pour tout ce qui concernait celles-ci, exigeait de cet agent une fidélité et une obéissance absolues.

Nommé par le Collège des docteurs après acceptation d’une sorte de traité ou, comme on disait, d’une « obligation » en bonne et due forme, — l’imprimeur (l’un des plus honorables, s’il était possible, de la ville) pouvait être révoqué par un vote de la même assemblée, « au gré d’icelle. » Il avait seul le droit d’imprimer les thèses des étudiants et recevait des licenciés et docteurs admis à Avignon dans les trois Facultés de droit, médecine et théologie, un droit fixe de quinze sols par examen. En retour, il s’engageait, à peine de privation de son office, à n’imprimer aucune thèse — notamment de bachelier ou maître ès arts, — sans permission expresse du primicier, à fournir gratuitement chaque année « au renouveau des études », en un nombre suffisant d’exemplaires, le programme ou catalogue des cours des régents et professeurs publics et à le faire placarder avec, en tête, les armoiries de l’Université, aux lieux et places accoutumés[41]. Il dut même parfois imprimer gratuitement tels documents ou publications que l’Université tenait à offrir à ses membres sans bourse délier[42]. Quant au tarif des thèses, il varia suivant le temps, de cinquante sols à un écu pour quarante ou cinquante exemplaires[43].

L’Université n’eut pas toujours à se louer de ses imprimeurs. Plus d’un, soudoyé par les Jésuites, imprima, quoique non approuvées, les thèses des élèves de la Compagnie[44] ou exigea des gradués plus que ne comportait le tarif[45]. De leur côté certains gradués, au mépris d’un privilège pourtant incontestable, faisaient imprimer ailleurs leurs thèses[46], et le Collège ne maintenait pas sans quelque peine des contrats auxquels on « brêchait » trop souvent[47]. On le vit cependant plus d’une fois accorder au fils la succession du père, en raison du zèle et de la fidélité de celui-ci[48].

Il reste à dire quelques mots des agents que l’Université chargeait à l’occasion, dans des circonstances extraordinaires, de la défense de ses intérêts. Les attaques dont ses privilèges étaient l’objet de la part des Universités françaises l’obligeaient fréquemment à se pourvoir auprès du roi. Et plus souvent encore elle avait à demander au pape la confirmation ou l’explication de telle bulle dont, volontairement ou non, des autorités rivales méconnaissaient le sens. Au surplus, le pape était, on le verra, juge en dernier ressort des causes qui l’intéressaient. De là des députations nombreuses à Rome ou à Paris. D’ordinaire, le Collège déléguait quelqu’un de ses membres à l’effet de poursuivre les démarches nécessaires[49]. Mais s’il fallait plaider, le ministère d’avocats romains ou parisiens devenait indispensable[50] et l’on devine que députations et plaidoiries finissaient par coûter cher à l’Université pour des procès, qui, parfois, duraient vingt ans[51].

L’Université se préoccupait aussi de s’assurer en cour de Rome des appuis solides, sinon désintéressés. Elle y eut, à diverses époques, sous le nom de protecteurs, des sortes de patrons, choisis parmi les plus hauts personnages de la curie. M. d’Argenvilliers qualifié quelque part « le premier avocat de son siècle[52] » et honoré bientôt de la pourpre, l’ancien vice-légat Salviati, devenu aussi cardinal, daignèrent accepter, au xviiie siècle, la « protectorie » de l’Université avignonnaise[53]. Les docteurs mirent encore plusieurs fois à contribution les bons offices du nonce à Paris[54]. Ils pensaient sans doute, et non sans raison, qu’il n’est si bonne cause qui ne paraisse meilleure encore, défendue par d’éminents avocats.

  1. Ass. du 3 mai 1660. A. V. D 30, fo 127.
  2. Ass. du 15 mars 1664. A. V. D 30, fo 167.
  3. Ass. du 20 oct. 1689. A. V. D 31, fol. 143.
  4. Ass. du 16 avril 1701. A. V. D 32, fo 153.
  5. Ass. du 7 juin 1725. M. Crivelli, élu primicier le 21 mai précédent, choisit deux lieutenants : le 7 juin, il fait et députe pour proprimicier noble Esprit Véran de Ribiers, docteur ès droits agrégé et lui transfère tous ses pouvoirs et facultés en la meilleure et plus ample forme, c’est-à-dire « ad universitatem causarum secularium et ad beneplacitum nostrum. » Le 30 juin, il désigne un délégué pour les causes ecclésiastiques.
  6. 3 février 1718. A. V. D 32, fo 383.
  7. A. V. D 32, fo 167.
  8. Ass. du Coll. des doct. du 18 mai 1769. Le secrétaire donne lecture de la démission de M. d’Armand, élu primicier le 15 mai. Le primicier invite le Collège à nommer d’autres personnes pour exercer la charge de proprimicier. Il est unanimement conclu et délibéré que sans avoir égard à la prétendue démission et renonciation au primicériat dudit d’Armand on fera part à Mgr le chancelier de France et autres seigneurs supérieurs (ceci se passe pendant l’occupation) du cas qui arrive et qu’en attendant les ordres, on députera trois ex-primiciers pour régir l’Université. MM. de Poulie, Teyssier et Aubert ayant été proposés sont unanimement et par acclamation élus et députés en cette qualité. On voit, à la réunion du 4 juin 1770, que l’affaire étant restée indécise, les proprimiciers ont régi l’Université pendant toute l’année. A. V. D 35, fos 34 et 40.
  9. Ass. du Coll. des docteurs du 6 mai 1663. M. de Tonduty, proprimicier, avait réclamé à l’Hôtel de Ville la place du primicier, qui était son père. Les députés du clergé s’y opposent, puis renoncent à leur opposition. Le Collège « avoue » la conduite du lieutenant, qui est conforme aux précédents. A. V. D 30, fo 161.
  10. Le doyen avait la garde des Archives de l’Université. C’était son unique fonction ; plus d’un doyen se montra peu empressé à la remplir.
  11. A. V. D 33, fo 371 ; D 34, fo 57.
  12. 6 déc. 1653. M. J.-B. Tonduty est adjoint comme co-acteur à M. de Gay. A. V. D 30, fo 56. M. Ant. Fr. Payen est adjoint en la même qualité au même acteur le 30 oct. 1656. A. V. D 30, fo 87. Le 24 oct. 1674, M. Fr. de Gay est adjoint comme co-acteur à son père. A. V. D 31, fo 11.
  13. Le 14 sept. 1696, MM. Benoit père et fils sont adjoints comme co-acteurs à M. Fr. de Gay, qui avait succédé à son père. A. V. D 32, fo 58.
  14. Délib. du Coll. des doct. des 28 et 30 mai 1740. M. Benoit, acteur, étant mort depuis quelques mois, le primicier a été obligé en diverses affaires contentieuses d’avoir recours à MM. Olivier père et Thomas pour soutenir les droits de l’Université dans les audiences publiques du vice-légat, les autres avocats membres du Collège se trouvant engagés dans la défense des parties ; il conviendrait d’avoir deux acteurs, car cet emploi étant occupé par un avocat, cet avocat est quelquefois prévenu par les parties. On élit MM. Olivier père et Thomas. A. V. D 33, fo 371, 374. Cf. A. V. D 34, fo 37.
  15. Délib. du Coll. des doct. des 6 déc. 1653 et 24 oct. 1674. A. V. D 30, fo 56 ; D 31, fo 11.
  16. 28 déc. 1747. Élection de M. Olivier à la place de M. Thomas de Saint-Laurent qui a quitté le barreau.
  17. M. J. Fr. de Gay est élu coadjuteur de son père le 24 oct. 1674 et lui succède. MM. de Benoit père et fils élus co-acteurs en 1696, deviennent ensuite acteurs en titre. A. V. D 31, fo 11 ; D 32, fo 58, D 33, fo 371.
  18. Stat. de 1503, art. 19. Quod bedellus generalis juret supra Sancta Dei Evangelia in manibus Avenionensis episcopi, esse obediens et fidelis et honorem et commodum studii et doctorum et scholarium procurare pro posse suo et habere stationem competentem, in qua teneat libros venales et insuper petias utriusque juris correctas in textu et in glossis, si eas potest habere et suum offîcium fideliter exercere. L’art. 64 des stat. de 1503 confirme cet article sauf en ce qui concerne la librairie.
  19. Délib. du Coll. des docteurs des 21 avril 1621, 17 nov. 1696 et surtout du 1er mai 1761. A. V. D 29, fo 74 ; D 32, fo 62 ; D 34, fo 336.
  20. En 1671, Crivelli ayant été nommé coadjuteur du bedeau, on songea à l’obliger « à se pourvoir de la qualité de notaire, afin que l’Université eût en sa personne le notaire qui lui était nécessaire et que ses actes ne fussent pas épars dans les protocoles des différents notaires de la ville. » On abandonna cette idée, pour ne pas imposer au secrétaire des obligations trop onéreuses (A. V. D 34, fo 336.)
  21. Statuts de 1303, art. 16. Quod bellus generalis mandet principia incipientium legere, denuntiationes repetentium extraordinarie faciat, doctores convocet, cum fuerit requisitus, dies festos per omnes scholas juris canonici et civilis et in medicina et in artibus in quacumque facultate civitatis Avenionensis denuntiet ; et cum aliquis fuerit examinandus, ordinet scholares qui debent venire ad associandum doctores, ad dandum puncta et ad faciendam examinationem ; insuper erit de ejus officio, cum fient examinationes publicæ, denuntiare eas per scholas, denuntiando per duos dies antequam fiant et notificando legem vel decretalem vel decretum quam vel quod leget examinandus in publico, ut scholares possint se preparare ad argumenta facienda. Faciet insuper dictus bedellus omnia quæ de consuetudine noscantur ad ejus officium pertinere. Cf. Statuts de 1503, art. 61.
  22. Ibid. art. 18. Quod si unus doctor legum vel decretorum, vel magister in medicina vel in artibus, vel aliquis scholaris moritur, cujuscumque nationis sit, executores dicti defuncti et amici notificent bedello generalis studii, qui denuntiet omnibus doctoribus et magistris de Collegio et omnibus schola ribus dicti studii quod veniant ad exsequias dicti defuncti vel ad locum ubi debet sepeliri… Les statuts de 1503 indiquent (art. 63) que cet article est tombé en désuétude ; ils le confirment, en ajoutant que le bedeau devra convoquer les docteurs et écoliers non seulement pour l’enterrement des défunts, mais encore pour les messes de neuvaines et d’anniversaires et faire sonner la cloche par l’ordre du primicier et non autrement.
  23. Stat. de 1303, art. 17. Omnes convocationes generales faciat. — Stat. de 1503, art. 61. Cf. A. V. D 29, fo 75, 180, 188.
  24. Stat. de 1303, art. 16. De salario bedelli generalis et statione per ipsum tenenda… Et quod habeat petias in jure canonico et civili tam in textu quam in apparatu bene correctas ; et tradentur scholaribus pro pretio consueto, si eas potest habere. Stationem publicam in apparenti habebit, ubi reperientur libri (pro pretio) qui tradantur venales et petie supradicte, si potest. Les statuts de 1503, (art. 62) stipulent que le bedeau n’est pas tenu d’avoir boutique de livres, mais que s’il y consent, il doit prêter entre les mains du primicier serment spécial de ne commettre aucune fraude dans la vente des livres, de ne pas les vendre plus cher qu’il ne faut et de ne pas faire de bénéfice illicite.
  25. A. V. D 34. fo 337.
  26. Délib. du Coll. des doct. du 16 juin 1625. Cet office était confié à Jacques Bramereau, imprimeur. Le fils du défunt le sollicitait ; on préféra le donner au bedeau. A. V. D 29, fo 96.
  27. Il reçoit par exemple, en 1717, le dépôt des sommes provenant du jardin botanique. A. V. D 32, fo 367.
  28. Délib. du Coll. des doct. du 6 mars 1779. Le primicier insiste sur les inconvénients des déplacements fréquents que devaient subir les archives, habituellement confiées au doyen du Collège. On décide de les remettre à Chambaud, secrétaire, digne de la confiance des docteurs : on le charge de faire un inventaire des pièces qui les composent. A. V. D 35, fo 124.
  29. Délib. du 13 oct. 1662. A. V. D 30, fo 157. Délib. du 3 juin 1669. A. V. D 30. fo 215.
  30. A. V. D 30, fo 246.
  31. A. V. D 32, fo 108. Une mission analogue avait été confiée au bedeau Bernard en 1652. A. V. D 30, fo 42.
  32. A. V. D 35, fos 109, 140.
  33. Affaire du P. Barbat, professeur de philosophie, suspendu de ses fonctions par le primicier. A. V. D 72 ; D 33, fo 26 à 29.
  34. Statuts de 1303, art. 17. Quod bedellus generalis semel in anno, ante festum nativitatis Domini per omnes scholas juris canonici et civilis et in medicina et in artibus, faciet suam collectam et erit IV solid. monete currentis et V solid. pro banchis suis, V solid. pro domo et hoc sub pœna excommunicationis. Il recevait également (art. 22) sept sous des bacheliers lisant, et d’autres droits de ceux qui commençaient à lire (art. 23 et 24). Les nobles qui ne payaient pas les bancs lui devaient un habit. De même il recevait un habit quand mourait un docteur.
  35. Traité avec M. Crivelli, nommé coadjuteur du bedeau. Art. 9. Devenu principal, il paiera chaque année au primicier, le lendemain de son élection, la redevance de 150 livres monnaie de France, à commencer à la première élection du primicier qui arrivera immédiatement après la cessation de la coadjutorerie et dès qu’il aura le titre de l’office. A. V. D 34. fo 336.
  36. A. V. D 32, fo 62.
  37. A. V. D 29, fo 77.
  38. A. V. D 35, fo 129.
  39. A. V. D 32, fo 33 ; D 32, fo 69.
  40. En 1621, Jean Bernard est nommé bedeau à la place de Jean Bouzon, démissionnaire « ob ætatem ingravescentem et infirmitates ». Sur sa demande on lui donne pour coadjuteur, en 1646, son fils Marc-Antoine Bernard, « avec succession future irrévocable pour lui seul et gratis, ayant prouvé sa probité et suffisance. » En 1662, Marc-Antoine donne sa démission de coadjuteur en faveur de son frère Bernard Bernard. Devenu titulaire, celui-ci obtient encore en 1696, pour son fils Pierre-Joseph Bernard, la provision de la coadjutorerie cum futura successione. Ce dernier est titulaire, vers 1721, et exerce seul son office pendant environ quarante ans. On lui donne, à regret, en 1761, un coadjuteur, Crivelli, qu’il se charge d’instruire. Crivelli est remplacé en 1763 par Chambaud l’aîné auquel, en 1779, on donne pour coadjuteur son frère Pierre-Xavier Chambaud A. V. D 29, fos 75, 77 et 244 ; D 30, fo 148 ; D 32, fo 62 ; D 34, fo 337 et 383 ; D 35, fo 129.
  41. Délib. du Coll. des docteurs des 25 juin 1626 et 7 janv. 1659. A. V. D 29, fo 97 ; D 30, fo 110. Cf. Délib. du 13 sept. 1769. A. V. D 35, fo 37.
  42. En 1659, on oblige l’imprimeur à publier gratuitement les copies des privilèges et arrêts des rois de France concernant l’Université. En 1681, on l’oblige à imprimer le livre sur les privilèges de l’Université compose par M. Payen et à en remettre gratuitement un exemplaire à chaque docteur et douze exemplaires pour les archives de l’Université. En 1728, on stipule qu’il imprimera gratis les statuts et lettres patentes intéressant l’Université. A. V. D 30, fo 110 ; D 31, fo 122 ; D 33, fo 145.
  43. En 1728, le prix est fixé à 50 sols pour 50 thèses de bachelier et de licencié et à dix sols la douzaine pour le surplus. En 1769, le tarif est de 3 livres pour 40 thèses de bacheliers et 50 au besoin. A. V. D 33, fo 145 ; D 35, fo 37.
  44. A. V. D 29, fo 28.
  45. A. V. D 32, fo 376.
  46. A. V. D 32, fo 181.
  47. A. V. D 34, fo 98.
  48. Jacques Bramereau est nommé en 1634 en remplacement de son père (élu en 1626) et est lui-même remplacé par son fils Georges Bramereau (1659 à 1681) Laurent Lemolt, qui succède à Bramereau en 1681, est remplacé en 1687 par son fils Georges Laurent, qui exerce jusqu’en 1698. Ces cinq imprimeurs, les trois Bramereau surtout, ont exercé leurs fonctions avec grand honneur. Il n’en est pas de même de Malard (1698-1728), ni même peut-être de Domergue (1728-1769), mais les bonnes traditions reprennent avec les Chambaud père et fils (1769-1780-1791). A. V. D 28, fos 97 et 142 ; D 30, fo 110 ; D 31, fo 122 et 198 ; D 32, fo 97 ; D 33. fo 145 ; D 35, fos 37 et 157.
  49. 14 mars 1650. Envoi à Rome de M. de Royère. Coût : mille écus (A. V. D 30, fo 17) ; de M. de Tulle auquel on attribue 40 pistoles pour le voyage et 10 pistoles par mois (1683-85) ; de M. Genet, archidiacre de Vaison (10 mars 1705), de M. de Teste, en 1745, etc., etc. A. V. D 30, fo 27 ; D 31, fos 155 et 274 ; D 32, fo 181. Délégation à Paris de MM. Blauvac en 1650, Payen en 1673, l’abbé Guyon en 1685, de Laurens en 1663, etc. Le primicier est aussi parfois délégué. A. V. D 29, fo 72.
  50. A. V. D 32, fo 22, 27 et 181 ; D 34, fo 7.
  51. A. V. D 30, fo 27, 283 ; D 31, fo 172 ; D 32, fo 23 et 87.
  52. A. V. D 34, fo 7. Il avait été chargé de plaider pour l’Université d’Avignon dans l’affaire de la juridiction des conservateurs.
  53. Délib. du Coll. des doct. du 17 juin 1784. Le primicier expose que l’Université avait autrefois un protecteur en cour de Rome en M. d’Argenvilliers et l’on se félicitait des bons effets de cette protection. Il est surpris que depuis la mort de M. d’Argenvilliers, le Collège ait négligé de demander la protection de quelque illustre prélat. Il propose le cardinal Salviati, ancien légat, dont la puissance, le rang et les vertus lui donnent grand crédit auprès du Souverain Pontife ; il est unanimement délibéré de le prier d’accepter ce titre. (A. V. D 35, fo 262.) Cf. au 27 nov. une lettre de Salviati acceptant la « protectorie » de l’Université (Ibid., fo 275).
  54. A. V. D 31, fo 178 ; D 39, fos 37, 54, 84, 97, 115, 137.