L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PIV XVIII

Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 265-266).

SECTION XVIII.
Effets du Noir modéré.

Quoique les effets du noir soient primitivement douloureux, nous ne devons point penser qu’ils continuent toujours de l’être. Il n’est rien avec quoi l’habitude ne nous réconcilie. Après nous être accoutumés à la vue des objets noirs, la terreur s’affaiblit ; le poli et le glacé, ou quelque autre accident agréable des corps ainsi colorés, adoucit jusqu’à un certain point l’horreur et la tristesse de leur nature originale ; cependant la nature de l’impression originale subsiste encore. Le noir présentera toujours quelque chose de triste, parce que le sensorium sera toujours trop violemment ébranlé par le brusque passage des autres couleurs à celle-ci ; ou si le noir occupe tout le champ de la vue, il sera l’obscurité même, et tout ce qu’on a dit de l’obscurité, pourra s’y appliquer. Ce n’est pas mon dessein d’entrer dans tout ce qu’on pourrait dire pour éclaircir cette théorie des effets de la lumière et de l’obscurité : je n’examinerai pas non plus tous les eflets différens que produisent les diverses modifications et les différens mélanges de ces deux causes. Si les observations précédentes sont fondées dans la nature, je les crois suffisantes pour expliquer tous les phénomènes qui peuvent naître de toutes les combinaisons du noir avec les autres couleurs. Ce serait un travail interminable que d’entrer dans tous les détails, où de répondre à toutes les objections. Nous nous sommes attachés seulement à suivre les voies principales ; et nous observerons la même conduite dans nos recherches concernant la cause de la beauté.