L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PII XVII

Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 149-150).

SECTION XVII.
Le son et le bruit.

L’œil n’est pas le seul organe de sensation qui puisse porter dans l’ame une passion sublime. Les sons exercent une grande influence sur ces passions, comme sur la plupart des autres. Ce n’est point des mots que j’entends parler, parce que les mots n’agissent pas sur nous simplement par leurs sons, mais par des moyens entièrement différens. Un bruit excessif suffit seul pour intimider l’ame, pour suspendre son action, et pour la remplir de terreur. Le bruit des grandes cataractes, le mugissement des tempêtes, le tonnerre, l’artillerie portent dans l’ame une sensation grande et terrible, quoiqu’assurément personne n’ait jamais remarqué ni délicatesse ni artifice, dans ces sortes de musique. Les acclamations d’une multitude ont un effet semblable ; et par la seule force du son, étonnent et confondent tellement l’imagination, que dans cette fluctuation, dans ce désordre de l’ame, les esprits les plus fermes peuvent à peine s’empêcher d’être entraînés, et de se joindre au cri commun et à la commune résolution de la foule.