L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PII XVI

Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 148-149).

SECTION XVI.
La couleur considérée comme cause du sublime.

Les couleurs douces et riantes ne sont pas propres à former de grandes images ; peut-être faut-il en excepter le rouge vif, qui est une couleur riante. Une vaste montagne ta pissée d’un gazon vert et brillant, n’est rien, sous ce rapport, si on la compare à une montagne aride et sombre ; le ciel voilé de nuages est plus pompeux qu’alors qu’il découvre toute la pureté de son azur ; et la nuit est plus solennelle, plus sublime que le jour. Par conséquent, dans les tableaux d’histoire, une draperie gaie ou voyante ne peut avoir un heureux effet:et dans les édifices, lorsqu’on se propose le plus haut degré du sublime, les matériaux et les ornemens ne doivent être ni blancs, ni verts, ni jaunes, ni bleus, ni d’un rouge pâle, ni violets, ni nuancés; mais de couleurs tristes, et sombres, telles que le noir, le brun, le pourpre foncé, et d’autres d’un genre sévère. La dorure, les mosaïques, les tableaux, les statues, contribuent fort peu au sublime. Cependant l’observation de cette règle n’est rigoureusement indispensable que dans les cas où l’on se propose un degré uniforme du sublime le plus frappant ; car il faut bien faire attention que ce genre mélancolique de grandeur, quoique certainement le plus élevé, ne peut convenir à toutes sortes d’édifices, pas même à tous ceux où l’on doit mettre de la grandeur. Dans ces cas-ci il faut tirer le sublime de ses autres sources, mais toujours en ayant soin d’exclure toute chose légère et riante ; car rien n’émousse aussi efficacement le goût du sublime.