Nouvelles poésies (Van Hasselt)/L’Orchestre du printemps

Études rhythmiques
Nouvelles PoésiesBruylant et Cie (p. 293-295).


L’orchestre du printemps.

À UN POËTE.





Unnd alles lacht, une jauchzt, und freut sich.
H. Heine.





Pour fêter le mois des fleurs,
Blanches pâquerettes,
Vous avez, charmantes sœurs,
Mis vos collerettes.
Les oiseaux sont tous en voix.
Leur orchestre chante au bois.
Hâtez-vous, fleurettes.


Sous leur dais feuillu, couvert
D’églantines roses,
Quel joyeux et beau concert
Font nos virtuoses !
Ravissant concert, ma foi,
Comme en a fort peu le roi
Sous ses toits moroses :

Symphonie en la majeur,
Avec trois dièses,
Qui te trouble, écho songeur,
Sous tes verts mélèzes ;
Car, vrai cercle des beaux-arts,
La forêt a ses Mozarts
Et ses Pergolèses.

Leurs accords en longs tissus
Flottent dans l’espace.
Le bouvreuil est un dessus,
Le corbeau, la basse.
La fauvette est leur ténor,
Puis le rossignol encor,
Doux chanteur qui passe.


Or voici le mois joyeux
Où toute âme aspire,
Et la terre aux vents des cieux
Fait vibrer sa lyre.
Et tout cœur s’épanouit
À voir l’aube dans la nuit
Doucement sourire.

Mais, tandis qu’au haut des airs
Plane l’alouette,
Il est dans ces beaux concerts
Une voix muette.
Quand les bois sont tous en train,
Que fais-tu, mon luth serein,
Mon charmant poëte ?



Mai 1855.