L’Ombre des roses/Les Cygnes


LES CYGNES.



Envolez-vous comme de grands oiseaux sans voix,
Émigrez lentement comme des cygnes pâles
Mes sauvages amours !
Sortez du vieux marais où pourrissent les joncs
Entremêlés de mes pensées !
Et volez jusqu’à l’horizon !

L’air de l’automne et sa tiédeur
Secoue des plumes sur mon cœur
Comme des flocons de silence…
Élevez-vous, montez sans voix,
Mes amours lentes à mourir
Et près du ciel où, morne, tournoie votre délire,
Priez pour moi, priez sur moi !

Dans les sillons de l’atmosphère
Où mon geste las se balance,
Un duvet de graine se traîne…
Les eaux sont pleines de silence,
Le marécage est sans un bruit
Sinon d’un doux cygne qu’emporte
L’essor tardif de sa douleur…

La lumière est fanée, son or blême se meurt
De trop se souvenir — et les feuilles sont molles
Que porte parmi l’eau quelque souffle passant…
Iras-tu dans l’hiver ? Attends-tu le printemps ?
Ne parles pas ! Tais-toi, tais-toi sur cet automne,
Mon cœur empli d’éternité, qui te consoles
À voir partir, partir sans cri, sans voix, là-bas,
Les grands oiseaux par dessus l’ombre du grand bois !…


[Image à insérer]