L’Ombre des roses/Le Jardin


LE JARDIN.


à Mr et Mme L. G.


Du beau jardin dormant au cœur de la Forêt
Comme la Belle au Bois, paré de roses fines,
Voici le charme ancien et le calme secret :

Le ciel est pâle et frais sur les cimes bercées.
Une dame a cueilli les œillets étalés.
Des enfants ont foulé la terre des sentiers.

Les franges des sapins traînent sur la pelouse.
Les pieds nus des bouleaux tremblent parmi la mousse.
Les hêtres éternels semblent porter le ciel.

Les chemins sont parfaits de silence et d’atours,
Des hortensias bleus fleurissent tous les jours,
Les ormes en chantant se courbent sous le vent.

Le vent délicieux chante comme la mer,
La brume grise et bleue remplit le ciel et l’air ;
Les matins se réveillent blancs comme des colombes.
Les soirs baignés de miel s’endorment dans une ombre
Rose et légère, où s’éparpillent les étoiles…

J’y suis venu au temps des hortensias pâles
Et des roses d’automne, froides et parfumées,
Et des œillets aussi que préférait la dame,
Et des dahlias simples aux couleurs de pêcher.

Le beau jardin dormant comme la Belle au Bois
Au cœur de la Forêt, m’a parlé de sa voix
Tranquille et ancienne comme une voix amie,
Et son charme secret et sa grâce endormie
Ont fleuri mes deux lèvres de ce poême-ci
Qui chante et rit ce soir à ma mélancolie.


Mariemont, septembre 1900.


[Image à insérer]