L’Ombre des jours/Tu vas, toi que je vois

Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 149-150).


TU VAS, TOI QUE JE VOIS


Tu vas, toi que je vois, mon ombre, ô mon moi-même,
Cherchant quelque épuisant et merveilleux bonheur,
Mais l’espoir tremble, l’air est las, la vie a peur,
Tu vas, ayant toujours plus aimé qu’on ne t’aime.

Plus aimé, ou du moins plus âprement aimé,
D’une plus imminente et guerrière détresse,
Alors lasse de voir comme tout cède et cesse,
Tu recroises tes bras sur ton cœur refermé.


Seule et pleurante auprès de ton âme orgueilleuse
Tu souffres la douleur de n’avoir pas d’égal,
Pour le bondissement, pour le bien et le mal
De ta chance maligne, ardente et périlleuse.

Chaque jour te retrouve ayant tout oublié
De l’inutile effort et reprenant haleine,
Pourtant tu n’auras pas les plaisirs de ta peine,
Un détournant démon à ton sort est lié.

Ayant eu moins de joie que tu n’as eu d’envie
Tu chanteras l’Amour aux saisons enroulé,
Peut-être fallait-il que pour bien en parler
Tu ne connusses pas le meilleur de la vie…