L’Instant éternel/Peut-être, un jour

E. Sansot et Cie (p. 57-58).


PEUT-ÊTRE, UN JOUR…


Peut-être, un jour, nous parcourrons,
D’un même pas, la même route,
Je sais que nous nous aimerons,
Nous nous aimons, déjà, sans doute…

C’est l’heure de ne pas oser,
L’heure de la douceur farouche,
Oh ! se pourrait-il qu’un baiser
M’apprît tout le goût de ta bouche !…

Nous jetterons, le soir, dans l’eau,
Nos paroles l’une après l’une,
Nous aurons un cœur grave et beau
Tout plein de silence et de lune…

Que j’aperçois de voluptés,
De parfums plus longs que des voiles,
Et de songes plus enchantés
Que des golfes remplis d’étoiles !


Mais ce qui fait que, longuement,
Dans ta présence je m’abîme
Et je goûte un frémissement
Sacré, douloureux et sublime,

C’est de voir qu’un peu, chaque jour,
Ton front de ton rêve a la trace,
Et que, chaque heure, ton amour
Plus avant rentre dans ta face,

C’est, grâce à cet amour, de voir
Se préparer dans tes prunelles
Qui doivent mourir, quelque soir,
Les larmes qui sont éternelles…