L’Instant éternel/Le Bien-Aimé

E. Sansot et Cie (p. 144-146).


LE BIEN-AIMÉ


Mon bien-aimé sourit dans les fleurs entr’ouvertes,
Il peuple de ses yeux tout l’azur étoilé.
Je revois son frisson dans les collines vertes.
Il est doux, il est beau comme le jeune blé.

Les serviteurs le louent en contemplant la terre.
En partageant le pain, il est juste, il est fort.
Quand il parle à ses dieux, il évoque sa mère.
Le passé, dans son cœur, est une amphore d’or.

Il aime la vertu comme il aime les arbres,
Pour la sérénité de ses rameaux épars.
Il a lu la beauté dans la forme des marbres,
Il a lu la sagesse aux tempes des vieillards.

Il poursuit tous les jours sa noble destinée ;
Dans le sol de sa vie en harmonie il croît
Comme un chêne planté dans une heureuse année,
Comme du grain semé dans un sillon bien droit.


Il chérit le silence où flottent les pensées ;
Des vieux rêves humains il compte les trésors ;
Il évoque l’esprit des sciences passées
Qu’accompagnent le souffle et les ombres des morts.

Il explique le ciel avec des gestes ivres ;
Il connaît les destins des temps universels,
Et, sur son front pensif, les lampes et les livres
Entr’ouvrent chaque soir leurs beaux yeux éternels.