L’Instant éternel/Jamais il ne m’a dit

E. Sansot et Cie (p. 176-178).


JAMAIS IL NE M’A DIT…


Jamais il ne m’a dit : « Je suis ton bien-aimé,
Je suis ton cœur, ta joie éclose,
Penchons-nous l’un vers l’autre, en un souffle embaumé
Moi le silence, toi la rose… »

Jamais il n’est venu sur ma porte s’asseoir,
Si beau d’avoir vu la vallée…
Et d’avoir regardé flotter l’ombre du soir
Et ma chevelure étoilée.

Jamais il ne m’a dit : « Je suis ton bien-aimé,
Ton heure entre toutes choisie,
Mon âme est près de toi comme un livre fermé
Où bourdonne la poésie. »

Je ne dois plus le voir et, pourtant, ô douleur,
Je lui suis à jamais fidèle,
Je l’attends… et, pourtant, il est mort pour mon cœur
Comme pour l’hiver l’hirondelle.


Entre nous a passé l’inexorable adieu,
Un temps sans heures, sans limite…
Je ne sais même pas, pour le montrer à Dieu,
Quel est le pays qu’il habite.

Jamais il ne m’a dit : « Ô ma grâce, ô ma sœur,
Toi qui connais le meilleur charme,
Toi qui dois me quitter, garde-moi la douceur
D’une pensée et d’une larme… »

Jamais il ne m’a dit : « Je suis ton bien aimé… »

Et pourtant, et pourtant, il est mon bien-aimé !…