Éditions Prima (Collection gauloise ; no 29p. 38-44).

viii

Séraphine se désespère et se console


Hector de Vergenler, n’ayant pu joindre durant la journée du mariage royal le colonel des hallebardiers de la garde, la princesse Séraphine ne reçut pas le message que voulait lui faire porter son amant. Elle ne devait d’ailleurs jamais le recevoir, car le lendemain, le fils du sénéchal eût pu rencontrer vingt fois Adhémar de Chamoisy qu’il ne l’eût chargé d’aucune mission auprès de la fille du duc de Boulimie.

La nuit de noces si bien commencée s’était poursuivie, en effet, par des transports renouvelés au cours desquels la jeune Églantine s’était montrée aussi passionnée qu’eůt pu l’étre la pauvre Séraphine. À présent que la tentation avait été la plus forte et qu’il avait succombé, Hector se sentait beaucoup moins ardemment amoureux de sa première maîtresse. Quelle inconstance ! pensera-t-on… Et comment pouvait-il oublier ainsi une pauvre fille qui s’étiolait et consumait sa belle jeunesse dans un triste couvent par amour pour lui ?

On pensera ce qu’on voudra, mais Églantine avait si bien su s’y prendre qu’elle avait réellement conquis celui qu’elle appelait son époux.

— Tu es mon mari, lui disait-elle gentiment, puisque je t’ai épousé hier solennellement…

De quoi te plaindrais-tu ? Ton sort n’est-il pas enviable ? Jouer le rôle de la reine le jour… Être le roi la nuit, juste pour posséder une jolie femme… car je pense que tu me trouves jolie…

— Je te trouve adorable, ô Églantine chérie ; j’ai passé dans tes bras une nuit d’ivresse et je suis encore tout plein de désirs. Il me semble que jamais je ne me rassasierai de caresser ton corps et de le posséder…

— Est-ce bien vrai ?…

— Je te le jure…

Et ce dialogue se terminait comme vous le pensez par des baisers et de nouveaux enlacements au cours desquels la reine Yolande jouait à la perfection le rôle du roi et le roi Benoni à merveille celui de la reine.

Ils avaient renouvelé cet entretien avec quelques variantes, mais sans en modifier nullement la conclusion, qui était ce qui leur plaisait le mieux, plusieurs fois jusques très avant dans la matinée. Nul d’ailleurs ne vint les déranger ; des ordres sévères avaient été donnés pour qu’on n’importunât sous aucun prétexte Leurs Majestés, et le colonel des hallebardiers, l’épée au poing, veillait à la porte des appartements privés avec six de ses hommes la hallebarde levée. Il eût été considéré comme de la plus grave incorrection que ces soldats tinssent leur arme baissée, ce qui ne se faisait que lors des cérémonies funébres.

La reine-mère et son amant Gontran de Vergenler attendaient anxieusement le lever des jeunes souverains.

— Pourvu, disait le sénéchal, que tout se soit bien passé.

— Hélas ! cher ami, si tout s’est bien passé, comme vous le dites, un crime nouveau aura été commis, le frére et la sœur seront devenus amant et maîtresse…

— Non pas amant et maîtresse, mais mari et femme.

— C’est la même chose quant au résultat.

Je tremble en pensant à ce que pourrait être l’enfant qui naîtrait de semblables amours.

— Ô âme de mon cœur, ne t’ai-je pas cité déjà l’exemple de la reine Cléopâtre ? Plut au ciel que le roi Benoni donnât le jour à une aussi jolie princesse.

Le sénéchal avait bien dit, et c’était encore une des extravagantes conséquences de cette aventure extraordinaire : dans ce ménage royal, ce serait le roi qui donnerait le jour aux enfants, ce serait le roi qui serait enceinte et deviendrait mère !

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