L’Incendie du bazar

Rapsodieschez tous les libraires (p. 83-84).

L’INCENDIE DU BAZAR.



J’habite la montagne et j’aime à la vallée.
Le vicomte d’Arlincourt


            Ô toi, dont j’avais fait l’emplette
            Pour danse au bois neige-noisette !
            L’as-tu toujours, ma Jeanneton,
            Ton jupon blanc, ton blanc jupon ?

Pour quelque muscadin, matière à comédie,
Ne va pas m’oublier dans ce coquet bazar,
Où tu trône au comptoir. Colombine hardie !
Perçant l’horizon gris d’un œil au vif regard,
Flamboyant vois mon cœur, d’amour vois l’incendie !
Et si tu l’as encore, écris-moi, Jeanneton,
            Ton jupon blanc, ton blanc jupon.

Au feu ! au feu ! au feu ! la Vierge à perdre haleine
Court… le bazar rissole ! au feu ! au feu ! au feu !

N’est-ce pas Margoton, Cathin ou Madeleine ?… —
Non, c’est la demoiselle au gendarme Mathieu.
— Fleur d’un jour, du ciel noir à la lueur soudaine,
Fuis !… et si tu l’emporte, écris-moi, Jeanneton,
            Ton jupon blanc, ton blanc jupon ?

Plus que feu, grand mangeur, crains l’ardeur déréglée
Du bourgeois camisard, du rustre porteur d’eau,
Du beau sapeur-pompier, à coiffe ciselée,
Gare au rapt : une fille est un léger fardeau.
À Blois, vers ton Titi, clerc à l’âme isolée,
Vole !… et si tu l’emporte, écris-moi, Jeanneton,
            Ton jupon blanc, ton blanc jupon.

            Ô toi, dont j’avais fait l’emplette
            Pour danse au bois neige-noisette !
            L’as-tu sauvé, ma jeanneton,
            Ton jupon blanc, ton blanc jupon !