L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/38

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 214-216).


CHAPITRE XXXVIII.

COMMENT IL FAUT SE CONDUIRE DANS LES CHOSES EXTÉRIEURES, ET RECOURIR A DIEU DANS LES PÉRILS.

1. J.-C. Mon fils, en tous lieux, dans tout ce que vous faites, en tout ce qui vous occupe au dehors, vous devez vous efforcer de demeurer libre intérieurement, et maître de vous-même, de sorte que tout vous soit assujetti, et que vous ne le soyez à rien.

Ayez sur vos actions un empire absolu ; soyez-en le maître, et non pas l’esclave.

Tel qu’un vrai Israélite, affranchi de toute servitude, entrez dans le partage et dans la liberté des enfants de Dieu, qui, élevés au-dessus des choses présentes, contemplent celles de l’éternité ; qui donnent à peine un regard à ce qui passe, et ne détachent jamais leurs yeux de ce qui durera toujours ; qui, supérieurs aux biens du temps, ne cèdent point à leur attrait, mais plutôt les forcent de servir au bien, selon l’ordre établi par Dieu, le régulateur suprême qui n’a rien laissé de désordonné dans ses œuvres.

2. Si dans tous les événements, vous ne vous arrêtez point aux apparences, et n’en croyez point les yeux de la chair sur ce que vous voyez et entendez : si vous entrez d’abord, comme Moïse, dans le tabernacle pour consulter le Seigneur, vous recevrez quelquefois sa divine réponse, et vous reviendrez instruit de beaucoup de choses sur le présent et l’avenir.

Car c’était toujours dans le tabernacle que Moïse allait chercher l’éclaircissement de ses difficultés et de ses doutes ; et la prière était son unique recours contre la malice et les pièges des hommes.

Ainsi, vous devez vous réfugier dans le secret de votre cœur, pour implorer le secours de Dieu avec plus d’instance.

Nous lisons que Josué et les enfants d’Israël furent trompés par les Gabaonites, parce qu’ils n’avaient point auparavant consulté le Seigneur[1], et que, trop crédules à leurs flatteuses paroles, ils se laissèrent séduire par une fausse pitié.

RÉFLEXION.

La plupart des hommes, dominés par les premières impressions, agissent sans consulter Dieu, et passent leur vie à se repentir le soir de ce qu’ils ont fait le matin. On doit travailler continuellement à vaincre une faiblesse si déplorable, en s’efforçant de résister aux mouvements soudains qui s’élèvent en nous. Celui qui n’est pas maître de soi court un grand péril ; il est à chaque instant près de tomber. Il faut s’exercer à vouloir, à dompter l’imagination qui emporte l’âme, à soumettre le cœur et ses désirs à une règle inflexible. Mais que ferons-nous, pauvres infirmes, si nous ne sommes aidés, secourus ? De nous-mêmes nous ne pouvons rien. Le Seigneur est notre seule force[2] : implorons-le donc avec confiance, implorons-le sans cesse : la prière de l’humble pénètre le Ciel[3]. Levons les yeux sur la montagne d’où nous viendra le secours[4]. Seigneur, Dieu de mon salut, j’ai crié devant vous le jour et la nuit[5] : ce pauvre a crié, et le Seigneur l’a exaucé, et il l’a sauvé de toutes ses tribulations[6]. Béni soit le Seigneur parce qu’il a entendu la voix de ma prière ! Le Seigneur est mon aide et mon protecteur ; mon cœur a espéré en lui, et il m’a secouru, et ma chair a refleuri, et du fond de ma volonté je le louerai[7]. Tous mes os diront : Seigneur, qui est semblable à vous ?[8]

  1. Josue ix, 14.
  2. Ps. xvii, 2.
  3. Eccli. xxxv, 21.
  4. Ps. cxx, 1.
  5. Ps. lxxxvii, 1.
  6. Ps. xxxiii, 7.
  7. Ps. xxvii, 6, 7.
  8. Ps. xxxiv, 10.