L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/28

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 192-194).


CHAPITRE XXVIII.

QU’IL FAUT MÉPRISER LES JUGEMENTS HUMAINS.

1. J.-C. Mon fils, ne vous offensez point si quelques-uns pensent mal de vous, et en disent des choses qu’il vous soit pénible d’entendre.

Vous devez penser encore plus mal de vous-même, et croire que personne n’est plus imparfait que vous.

Si vous êtes retiré en vous-même, que vous importeront les paroles qui se dissipent en l’air ?

Ce n’est pas une prudence médiocre que de savoir se taire au temps mauvais, et de se tourner vers moi indirectement, sans se troubler des jugements humains.

2. Que votre paix ne dépende point des discours des hommes ; car, qu’ils jugent de vous bien ou mal, vous n’en demeurez pas moins ce que vous êtes. Où est la véritable paix et la gloire véritable ? n’est-ce pas en moi ?

Celui qui ne désire point de plaire aux hommes, et qui ne craint point de leur déplaire, jouira d’une grande paix. De l’amour déréglé et des vaines craintes naissent l’inquiétude du cœur et la dissipation des sens.

RÉFLEXION.

Quelques-uns s’inquiètent plus des jugements des hommes que de celui de Dieu. Étrange folie ! Quand nous paraîtrons au tribunal suprême, que nous importera le blâme ou l’estime des créatures ? Nous ne serons ni condamnés ni absous sur leurs vaines pensées. C’est la vérité qui nous jugera, et sa sentence sera éternelle. Tel qui, pendant sa vie, fut enivré de louanges, s’en ira expier ses crimes cachés là où sont les pleurs et les grincements de dents, et le ver qui ne meurt point[1]. Tel autre, qui vécut accablé de mépris et d’outrages, entendra cette parole : Venez, vous qui êtes le béni de mon Père ; possédez le royaume qui vous est préparé dès le commencement du monde[2] ; car les jugements de Dieu ne sont point comme nos jugements, ni sa justice comme notre justice : Il sonde l’abîme et le cœur de l’homme[3]. N’ayez donc que lui seul en vue, et soyez indifférent à tout le reste. A quoi sert ce que nous laissons à l’entrée du tombeau ? les éloges recherchés souillent la conscience et tuent le mérite du bien qu’on a fait pour les obtenir. Prenez garde à ne pas faire vos bonnes œuvres devant les hommes, pour être vu d’eux : autrement vous n’aurez point de récompense de votre Père qui est dans les cieux. Quand donc vous faites l’aumône, ne sonnez point de la trompette devant vous, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les carrefours, afin d’être honorés des hommes. En vérité je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour vous, quand vous faites l’aumône, que votre main gauche ne sache pas ce que fait la droite, afin que votre au mône soit dans le secret ; et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra. Et quand vous priez, ne soyez point comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et dans les angles des places publiques, afin d’être vus des hommes, en vérité je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour vous, lorsque vous prierez, entrez dans le lieu de la maison le plus reculé, et après avoir fermé la porte, priez votre Père dans le secret ; et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra[4].

  1. Matth. xxv, 30 ; Marc. ix, 43.
  2. Marc. xxv, 34.
  3. Eccli. xli 18.
  4. Matth. vi, 1-6.