L’Histoire romaine à Rome (1862)/Deuxième Partie/02


Michel Lévy (2p. 308-371).


II

LIEUX POLITIQUES DE ROME.


Nulle demeure particulière assignée aux rois et aux consuls. — Lieu de réunion du sénat, la curie, différents temples. — Lieu des assemblées patriciennes, le Comitium. Plate-forme qui le dominait à l’ouest, le Vulcanal. — Tribunal du préteur. — Comices par curies dans le Comitium. — Comices par centuries dans le Champ de Mars. — Censure. — Recensement, lustration. — Questure. — Le Forum, comices par tribus, la tribune. — Recensement et procession annuelle des chevaliers dans le Forum. — Corps religieux, leurs habitations respectives.


La république romaine est constituée. L’histoire de sa constitution semble en dehors de nos recherches ; il n’en est rien, la constitution romaine a aussi sa topographie car la plupart des magistratures et chacune des assemblées politiques de Rome sont en rapport avec un lieu ou un monument dont on peut déterminer l’emplacement.

De cette détermination résulte un aperçu plus net, un aspect plus saisissable du rôle de ces magistratures et de ces assemblées.

Les attributions, les débats, les conflits, qui, dans les histoires ordinaires, se présentent avec une certaine confusion ou au moins un certain vague, apparaissent distincts et vivants dans une histoire qui les montre à leur place et les met, pour ainsi dire, sur leurs pieds.

La royauté n’avait point de siège particulier dans l’ancienne Rome. Ce n’était pas le temps des palais. Chaque roi habitait sa maison et le quartier qu’il avait choisi : Romulus, sa cabane du Palatin ; Tatius, sa citadelle du Capitole ; Numa, le Quirinal sabin ou la Regia à côté du temple de Vesta. Cette dernière demeure s’appelait bien la demeure royale, Regia ; mais elle ne fut pas celle de ses successeurs : chacun d’eux, suivant la tradition, alla habiter le point de la ville qu’il lui semblait le plus utile de surveiller. Les déplacements de l’habitation royale suivirent les développements graduels de la cité et les indiquent.

Tullus Hostilius va loger sur le Cælius au milieu des Albains, ses nouveaux sujets ; et sur la Velia, qui domine le marché et le Comitium. Là est aussi la demeure des deux derniers rois sabins, du premier et du dernier roi étrusque, tandis que Servius Tullius s’établit sur l’Esquilin, du côté par où la ville était le plus menacée, car Mastarna fut un chef guerrier ; et au-dessus du quartier qu’il assigna aux patriciens, car ce chef guerrier fut aussi le roi qui abaissa sous le niveau du cens la supériorité patricienne. Il n’y eut donc pas à Rome de demeure royale. Chaque roi rendait la justice dans sa maison, comme on le voit par le récit de la mort du premier Tarquin ; ou allait s’asseoir au sein du sénat dans la curie, comme le montre le récit de l’avénement et de la mort de Servius Tullius.

C’est pour cela que les consuls, héritiers des rois, n’eurent pas non plus de résidence assignée par l’État. Leur siège était le tribunal patricien placé sur le Vulcanal au-dessus du Comitium. Ce fut aussi le siège du préteur quand cette magistrature patricienne eut été fondée.

La construction de la curie, lieu des assemblées du sénat, était attribuée à Tullus Hostilius, dont ce monument portait le nom (Curia Hostilia). Là se réunit, pour la première fois sous un toit, le conseil des anciens rois que le savant Properce, avec un sentiment vrai des antiquités romaines, nous montre tel qu’il était dans l’origine, se rassemblant au son de la trompe pastorale dans un pré, comme le peuple dans certains petits cantons de la Suisse.

Nous savons où était la curie ; elle faisait face au Comitium, vers lequel on descendait de la curie par un escalier et où l’on montait par quelques degrés.

Nous pouvons même avoir une idée de sa forme et de ses proportions, car Vitruve nous indique les règles observées à cet égard. C’était un édifice carré ou rectangulaire d’une grande hauteur[1]. Avec le temps, la curie fut ornée de statues et de peintures, mais ne présentait sans doute rien de semblable dans les premiers siècles de la république.

La curie devait être assez vaste pour contenir six cents sénateurs, nombre auquel ils furent portés à l’époque des Gracques. Il n’y avait pas de tribune. Chacun à son tour se levait et parlait de sa place ; souvent on votait en la quittant pour aller se ranger avec ceux dont on partageait l’opinion.

Le sénat ne s’assemblait pas toujours dans la curie ; il s’assemblait aussi tantôt dans un temple, tantôt dans un autre ; car il se considérait lui-même comme une chose sacrée. C’était en général dans les temples voisins du Forum.

Le choix du temple où le sénat tenait ses séances n’était pas indifférent. Quelquefois on voit le motif qui l’a déterminé. Il était beau de se réunir dans le temple de la Concorde[2] pour entendre Cicéron accuser Catilina. C’était protester contre ceux qui, ouvertement comme Catilina, ou secrètement comme César, poussaient aux dissensions civiles. Ce ne fut pas sans intention qu’après le meurtre de celui-ci le sénat, qui ne l’avait pas défendu, se rassembla dans le temple de Tellus, élevé là où avait été rasée la maison de Spurius Cassius, mis à mort parce qu’on l’accusait d’avoir voulu se faire roi.

Ce nom de curia, donné au principal lieu de réunion du sénat, avait été appliqué dans l’origine à ceux où se rassemblaient les trente confréries patriciennes, appelées elles-mêmes curies. Les curiæ étaient des espèces de chapelles, avec un foyer sacré, dans lesquelles l’on offrait un sacrifice et l’on célébrait un banquet religieux en l’honneur de la Junon sabine (Juno Curis) ; elles étaient distinctes, mais rapprochées les unes des autres et placées toutes au pied du Palatin, faisant face au Cælius ; puis furent, sauf quatre d’entre elles, que l’association patricienne à laquelle elles appartenaient n’avait pas voulu quitter, transportées ailleurs[3].

Ces curies séparées n’avaient rien de commun que le nom avec la curie du sénat.

Celle-ci était un lieu auguste. Cicéron l’appelle le Temple de la sainteté, de la dignité, de l’intelligence, la tête de Rome[4].

Près de la curie, sur la même esplanade où se trouvait le vulcanal, était le Senaculum[5], où se tenaient les sénateurs avant d’entrer en séance[6].

Cicéron disait vrai, la curie était la tête et le sénat l’intelligence de Rome. Dans cet édifice qui dominait le Forum, ce corps illustre qui s’élevait au-dessus de la nation en eut toujours la pensée, en dirigea toujours l’action politique aussi longtemps qu’elle fut libre.

En droit comme en fait, les portes de la curie étaient ouvertes[7]. Des plébéiens y furent déjà admis dès le temps des rois, puis par Brutus et Valerius Publicola[8].

Après que les plébéiens eurent remporté sur le patriciat cette série de victoires qui commença par le droit au mariage et finit par le droit au consulat, les consuls et les censeurs désignèrent comme sénateurs les plus dignes de chaque ordre[9]. Les anciens magistrats plébéiens, les tribuns, les édiles, faisaient de droit partie du sénat[10].

Enfin les Gracques y introduisirent trois cents chevaliers, et au temps des Gracques les chevaliers étaient de riches plébéiens.

Les familles patriciennes formaient, il est vrai, le corps de cette assemblée, et transmirent de siècle en siècle la tradition invariable de la politique romaine. La curie placée au pied du saint Capitole veillait à la conservation de la religion nationale, étroitement mêlée à toutes les grandeurs de Rome. Placée en face du temple de Saturne, où se gardait le trésor public, elle surveillait et dirigeait l’emploi de ce trésor. Élevée au-dessus du Comitium et du Forum, des assemblées du patriciat et de la plebs, elle avait l’œil sur les comices patriciens et les comices plébéiens, dont les résolutions avaient besoin d’être autorisées par elle.

Sur une décision de la curie, un magistrat abdiquait, ou tous les pouvoirs étaient réunis dans la main d’un dictateur.

Contre les degrés de la curie vinrent plus d’une fois se briser les tumultes du Forum et la puissance devenue exorbitante des tribuns. De la curie partait la déclaration et venait la direction de la guerre ; postée comme en sentinelle au pied de la montée triomphale et non loin de la prison Mamertine, elle accordait le triomphe après la victoire et prononçait sur le sort des peuples vaincus, dont les chefs étaient étranglés pendant le triomphe dans cette prison.

Dans certains cas, la curie devenait, ainsi que la Chambre des lords, une cour de justice. Les sénateurs étaient des juges ; ils déclaraient qui il leur plaisait ennemi du peuple romain. C’est à eux que fut constamment abandonnée la dispensation du trésor public[11].

Telle fut la curie pendant les quatre premiers siècles de la république. Quand le temps de son pouvoir et celui de la liberté qu’elle était chargée de défendre[12] furent passés, elle brûla.

La curie était dans un rapport étroit avec ce lieu si important par le rôle qu’il a joué dans l’histoire politique de Rome et dont on parle trop peu, le Comitium, où délibéraient les curies patriciennes, le Comitium, voisin, rival et ainé du Forum plébéien.

Il faut nous arrêter un moment à ces deux pôles de la vie politique des Romains, à ces deux endroits célèbres dont l’antagonisme local figure et manifeste cet antagonisme de la plebs et du patriciat, qui fut la fièvre continue et la vie ardente du peuple romain tant que ce peuple vécut.

Rome vit un frappant symbole de la destinée des deux ordres. Il y avait sur le Quirinal, devant le temple de Quirinus[13], deux myrtes sacrés appelés, l’un le Patricien, l’autre le Plébéien[14].

Jusqu’au milieu du cinquième siècle, l’arbre patricien poussait vigoureusement et se couvrait de feuillage ; l’arbre plébéien, au contraire, était misérable et rabougri ; mais, à partir de ce moment, alors en effet que la conquête de toutes les magistratures avait donné aux plébéiens un avantage complet sur leurs adversaires, ce fut l’arbre patricien qui commença à dépérir et son feuillage à se faner.

Le peuple romain est le peuple de la guerre. Maintenant qu’il existe réellement par la fusion des Latins et des Sabins, à laquelle ont travaillé, chacun à sa manière, les prédécesseurs du dernier Tarquin, et qu’a consommée l’œuvre accomplie en commun de son renversement, le peuple romain va commencer à la fois deux guerres d’où naîtra sa grandeur : l’une au dedans, l’autre au dehors ; l’une dans son propre sein entre les plébéiens et les patriciens sortis des deux races qui le composent, guerre au fond de Latins et de Sabins, guerre autant de nationalités que de classes ; l’autre à l’extérieur contre les Latins, les Sabins et les autres peuples sabelliques habitants des montagnes les plus voisines, de ces montagnes qui bornent la vue par un si majestueux horizon, et qui semblaient devoir borner la conquête romaine ; mais elles ne la bornèrent pas.

L’imposante barrière qu’elles lui opposaient fut laborieusement et victorieusement franchie. Le peuple romain transporta bien au delà de ce splendide horizon l’horizon lointain de sa puissance.

Je suivrai le peuple romain dans ses premières conquêtes, qui furent les plus difficiles et les plus longues, car de Rome l’œil peut en embrasser au moins en grande partie le théâtre. Mais j’aurai à raconter d’autres combats et d’autres conquêtes, et je dois aussi déterminer le théâtre de ces combats que les plébéiens livrèrent aux patriciens.

Ce théâtre, ce fut le Comitium, le Forum et le champ de Mars.

En effet, chacune des assemblées, et, comme on disait, des comices dans lesquels intervenait en tout ou en partie le peuple romain se tenait dans un lieu distinct.

La nature et le jeu de ces assemblées se conçoivent mieux quand on distingue et précise avec soin les lieux divers qui leur étaient assignés. Il y a là, comme je l’ai dit plus haut, une topographie à faire, aussi utile pour bien saisir la marche des institutions romaines qu’une autre étude topographique est nécessaire pour suivre les progrès de leurs armes.

Je parlerai d’abord du Comitium.

Le Comitium[15] était au pied du Capitole, à l’ouest du Forum[16] et plus élevé que lui, en avant de la curie[17], où le sénat se rassemblait ; de ce côté (au nord), on y montait par des marches ; du côté du mont Capitolin (à l’ouest), il était de plain-pied avec la base de la colline[18]. Le Comitium était découvert[19], car la pluie y pouvait tomber[20]. Les rudes patriciens qui tenaient là leur séance n’avaient pas peur de la pluie, bien qu’à Rome elle ne soit pas rare et dure souvent plusieurs semaines.

Quoique le lieu d’assemblée des patriciens fût entièrement distinct du Forum, qui, dans l’origine, n’était que le marché, la place publique fréquentée par les plébéiens ; dans l’usage le Comitium était parfois considéré comme faisant partie du Forum. Ce mot était pris alors dans un sens général et désignait tout l’espace compris entre le Capitole et la Velia.

Le Comitium avait-il la même largeur que le Forum[21] proprement dit ? Il était assez vaste pour que Caton pût y jouer philosophiquement à la balle le jour où il fut repoussé de la questure.

Aux deux angles du Comitium et dominant le Forum[22], on plaça plus tard, quand les guerres samnites mirent les Romains en rapport avec l’Italie méridionale, la statue du législateur de Crotone, Pythagore, et de l’auteur de l’expédition de Sicile, Alcibiade[23].

Vers le Capitole, le Comitium était dominé lui même[24] par la plate-forme sur laquelle un autel avait été élevé à Vulcain, et qui s’appelait le Vulcanal.

Sur cette plate-forme furent construits plus tard divers monuments, et parmi eux un temple de la Concorde[25], remplacé par un autre dont l’emplacement encore visible est une indication certaine de l’emplacement du Vulcanal[26].

De là les consuls consultaient les curies assemblées ; là était le tribunal, où, suivant la tradition, Romulus avait siégé rendant la justice dans l’endroit le plus en évidence du Forum.

Là devait siéger le préteur[27].

Cette dignité, réservée dans l’origine aux patriciens, était spécialement leur création, car ils l’avaient instituée comme un dédommagement quand ils durent partager le consulat avec les plébéiens.

Le tribunal était donc à sa place, au-dessus du Comitium, lieu d’assemblée des patriciens, et près de la curie, lieu des séances du sénat. C’est pour cela qu’il est dit qu’on s’assemblait dans le Comitium pour le jugement des causes.

Je ne crois pas que les plaideurs plébéiens y aient été d’abord admis. Sans doute le client y était représenté par son patron ; dans le principe, les patriciens, seuls en possession de la science du droit, pouvaient seuls plaider[28].

La principale destination du Comitium était de recevoir les comices par curie, c’est-à-dire l’assemblée des patriciens.

Malgré la constitution de Servius qui avait institué le vote par centurie et lui avait donné pour base la richesse, le vote par curie n’avait pas été aboli, mais seulement restreint.

Les centuries comprenaient tous les citoyens ; les curies n’étaient composées que de gentes patriciennes ; elles se rassemblaient dans le Comitium.

Chaque curie avait une voix qui exprimait l’opinion de la majorité de ses membres[29].

Toutes les curies n’auraient pu tenir dans le Comitium il est probable que chacune d’elles y envoyait seulement le nombre de chefs de gentes nécessaire pour la représenter.

Le système représentatif n’était pas selon les habitudes de l’antiquité, qui ne concevait guère que l’intervention directe des citoyens dans la chose publique. Ce fut une des causes qui firent périr la liberté dans Rome, trop agrandie pour pouvoir faire ses affaires elle-même. Mais ici la condition des lieux dut amener une représentation des curies, et forcer à l’admettre.

Dans les comices par curie, le principe de famille, de race, subsistait[30].

La curie, comme l’aristocratie, était originairement sabine, et le Comitium, où les curies se rassemblaient, était le lieu où les Sabins s’étaient autrefois rassemblés. Dans le Comitium, l’ancien esprit aristocratique et l’ancien esprit sabin étaient retranchés au pied du Capitole, qui avait été sabin.

Aussi, quand les comices par curies ne se tenaient pas dans le Comitium, ils se tenaient sur le Capitole, devant la curia Calabra[31]. Ceux-là avaient pour objet des élections sacerdotales, l’annonce des phases du mois qui déterminaient l’époque des fêtes, et les déclarations testamentaires qui se liaient à la religion[32], ils étaient présidés par les pontifes.

Le Capitole avait été avant Tarquin et même avant Romulus un mont consacré par la religion. Évandre, dans Virgile, parle déjà de la religion du lieu.

Il y avait une grande différence entre le Forum et le Comitium ; le Forum avait une tribune, le Comitium n’en avait pas.

Les comices aristocratiques par curies, qui se tenaient dans le Comitium, allèrent toujours perdant de leur importance, et les comices démocratiques par tribus, qui se tenaient dans le Forum, en acquirent toujours une nouvelle. Le triomphe graduel du Forum sur le Comitium, c’est toute l’histoire de la république romaine.

Les curies étaient muettes. Le consul venait sur le Vulcanal de la part du sénat proposer un projet de loi (Senatus consultum). D’ordinaire elles approuvaient ou rejetaient sans discussion, et le sénat confirmait, autorisait. La parole est la vie des assemblées le silence du Comitium fut encore une cause de l’infériorité des comices par curies et de leur décadence.

Ces comices, abandonnés parce qu’ils ne comptaient presque plus pour rien, et que la loi Publilia força d’approuver les lois avant qu’elles fussent portées, finirent par se composer de trente licteurs qui représentaient les trente curies[33].

En fait de fiction représentative, il faut désespérer de faire mieux.

Les comices généraux du peuple romain, les comices par centuries, se tenaient dans le champ de Mars. C’est que l’assemblée des centuries était une assemblée militaire ; elle s’appelait l’armée (exercitus). C’est pour cela qu’elle se formait hors de la ville, hors du Pomærium, enceinte sacrée de Rome ; car l’armée était soumise à l’imperium, ce pouvoir formidable que les consuls ne pouvaient exercer dans la ville. Le champ de Mars était bien choisi par les comices de cette armée qui votait. Le vote avait lieu près de l’autel de Mars[34].

Les aruspices étaient entre les mains du consul faisant fonctions de général, qui présidait aux suffrages dans le Tabernaculum, ce qui voulait dire la tente[35].

Sur l’ordre du consul, et au son de l’antique trompette du Latium, la corne de bœuf, qui les appelait du haut des murs comme s’il se fût agi de marcher à l’ennemi, les citoyens se rendaient au Septa[36].

Ce nom de Septa ou son synonyme Ovile (parc de bergerie) désignaient une enceinte en bois où les votants avaient seuls le droit d’entrer et où se tenaient les comices militaires et rustiques de Rome, à son origine, ville de pâtres et de guerriers.

On construisit pour la vérification des suffrages[37] un monument considérable appelé Diribitorium, mais ce fut sous Auguste, quand le suffrage ne signifiait plus rien.

Alors on remplaça aussi les planches du Septa par de superbes portiques. César eut la pensée de cette magnifique ironie[38], elle fut complétée sous Auguste et Tibère[39].

L’usage se conserva toujours de passer sur un pont[40] pour aller voter, afin d’éviter ainsi la confusion. Marius fit faire le pont plus étroit pour rendre la régularité des suffrages plus grande et leur captation plus difficile.

Mais ce n’est pas par des précautions matérielles qu’on peut remédier à la corruption des âmes.

Le Romain qui avait dépassé l’âge de porter les armes perdait le droit de voter, comme ayant cessé d’être citoyen le jour où il cessait d’être soldat.

De là cette expression proverbiale : les sexagénaires sont précipités du pont, allusion enjouée à une tradition sinistre.

On disait que dans les temps antiques, à l’époque des sacrifices humains, on précipitait du pont Sublicius, qui n’existait probablement pas alors, les vieillards âgés de soixante ans.

Peut-être aussi le proverbe politique avait-il fait imaginer la tradition.

Cette coutume de tuer les vieillards, qu’on a trouvée chez certains peuples sauvages, attribuée par les Romains à leurs aïeux, montre qu’ils croyaient à un âge de sauvagerie primitive dans le Latium.

Je suis porté à penser qu’ils avaient raison.

Prés des Septa était la villa Publica[41], dont le nom indique l’origine rustique ; c’était une villa, c’est-à-dire, à cette époque, une ferme que l’on construisit dans le champ de Mars pour servir de dépendance aux Septa.

On y faisait les enrôlements et les recensements[42]. Les augures s’y tenaient pendant les élections. Plus tard on y logea les ambassadeurs.

Au temps de Varron, elle était déjà d’une certaine magnificence, ornée de peintures et de statues[43].

L’origine de la villa est liée à l’origine de la censure. Peu d’années après l’institution de cette magistrature, la construction de la villa Publica fut ordonnée par les censeurs[44].

Tite Live dit qu’alors le recensement du peuple (census populi) y eut lieu pour la première fois.

Le recensement était beaucoup plus ancien ; il remontait à Servius Tullius. Cela ne peut vouloir dire qu’une chose, c’est qu’alors il fut fait pour la première fois dans la Villa Publica.

La censure devait être fort ancienne, car tout porte en elle le caractère de la simplicité primordiale et de la vie rustique.

L’estimation des biens de chacun[45] se faisait dans un édifice appelé Villa, la ferme, près du parc aux moutons.

Le recensement, et la lustration qui venait après, se rapportent aux habitudes pastorales d’une société naissante. Le mot censere lui-même s’appliquait dans l’origine aux troupeaux[46], et les bergers romains faisaient la lustration de leurs taureaux[47] ; ils purifiaient leurs brebis à la fête de Palès[48], comme ils les font encore asperger d’eau bénite à la fête de saint Antoine.

Il n’est pas jusqu’à l’animal immonde dont on a fait, je ne sais pourquoi, le compagnon de ce grand solitaire, qui ne joue son rôle dans le lustrum du champ de Mars.

Avant de prononcer une bénédiction solennelle sur le peuple romain[49], les prêtres promenaient autour de l’assemblée un cochon, une brebis et un taureau ; puis ils les immolaient.

Ce choix des trois victimes désignait les trois époques de la société primitive. Le cochon, l’âge le plus ancien de cette société quand l’homme habitant les forêts non encore défrichées, n’a d’autre ressource que la domesticité errante de ce compagnon de la vie du chasseur au sein des bois, où il se repait du gland des chênes, première nourriture de l’homme, suivant la tradition antique.

La brebis représente l’âge pastoral, qui vient ensuite quand la forêt commence à faire place au pâturage.

Enfin le taureau ou le bœuf représente l’âge agricole, qui conduit à la civilisation par la propriété.

De plus, la lustration qui accompagnait le recensement paraît avoir une origine sabine.

Nous avons déjà vu que les purifications étaient venues à Rome des Sabins ou des Étrusques par les Sabins. On peut en dire autant des différentes fêtes dans lesquelles on purifiait la terre[50] et ses produits, les ambarvales, les cereales, les paganales[51].

Tout cela était sabin d’origine.

La lustration, qui accompagnait le recensement, devait l’être aussi.

D’autre part, si l’on se souvient que le roi qui fit du cens le principe de la constitution romaine, bien que venu d’Étrurie et probablement d’origine sabellique, savait quelque chose des sociétés grecques par l’Italie méridionale, on peut retrouver dans le recensement tel qu’il l’institua une autre imitation de la Grèce et de Solon[52]. De plus, comme nous avons vu Mastarna choisir des temples pour y constater par des offrandes de nature différente ce que nous appelons le mouvement de la population, nous voyons aussi les magistrats chargés d’opérer le recensement de la fortune des citoyens déposer dans un temple les tables qui contenaient les résultats de cette statistique officielle. Les tables du cens se conservaient dans le temple des Nymphes[53], c’est-à-dire le temple des Camènes, divinités sabines. Ce choix remontait sans doute à l’époque où les rois étrusques avaient pour l’aristocratie de Rome, presque entièrement sabine ; des ménagements que j’ai signalés, et dont le choix fait par Servius Tullius de trois temples consacrés à des divinités sabines pour contrôler le recensement nous a fourni un exemple.

La censure fut une magistrature patricienne que les patriciens ne partagèrent avec les plébéiens qu’au bout d’un siècle, et qui, bien qu’inférieure hiérarchiquement au consulat[54] et à la préture, n’en eut pas moins un caractère tout spécial de majesté et d’autorité.

Le censeur était vétu de pourpre[55] ; un licteur marchait devant lui, et, tandis que les autres magistrats prêtaient serment aux lois devant le temple de Castor en se tournant vers le Forum, il le prêtait sur le Capitole[56]. Au lieu de répondre de lui-même au peuple, il ne traitait qu’avec Jupiter.

Les censeurs louaient les terres du domaine public, qui s’appelaient toujours des pâturages, en mémoire de leur destination primitive, percevaient les impôts, affermaient certains revenus de l’État, mauvaise méthode, trop pratiquée dans l’ancienne Rome et trop conservée dans les Appalti de la nouvelle.

Ils étaient aussi chargés d’appliquer les ressources du trésor à diverses dépenses de la république, parmi lesquelles je noterai seulement celles qui concernent un des principaux objets de ces études : les monuments publics et surtout les temples, que des particuliers ou des sociétés (societates) prenaient à l’entreprise.

La grande place que les anciens assignaient avec raison aux mœurs dans la société politique conduisit les Romains à conférer au censeur des pouvoirs qu’à juste titre nous jugerions exorbitants. Qu’il pût chasser un sénateur du sénat et un chevalier de sa tribu, rien de mieux, et de telles épurations, si elles étaient possibles, seraient parfois fort nécessaires ; que le mauvais traitement des esclaves fût châtié, rien de mieux encore ; mais les censeurs punissaient d’ignominie des fautes privées sur lesquelles il n’appartient qu’à la conscience de prononcer et non pas à l’État, parce que l’État n’a pas l’infaillibilité de la conscience ; ils punissaient, ce qui est plus grave, des actes irrépréhensibles et dont personne n’a le droit de demander compte au citoyen : le choix d’une profession, comme celle de petit marchand ou d’acteur ; les arrangements de la vie privée, comme la préférence donnée au célibat sur le mariage.

C’était là une véritable tyrannie et une tyrannie tracassière à laquelle les Romains se soumettaient, et pourtant ils avaient plus le sentiment de la liberté que tels hommes qui demandent seulement au pouvoir absolu de n’être point tracassier.

Ils ne refusaient rien au despotisme de la loi, mais n’en voulaient supporter aucune autre.

Ce n’était pas assez sans doute.

La législation ne doit pas être oppressive, et la liberté d’un citoyen ne doit avoir d’autres restrictions que la protection de la liberté des autres citoyens. Mais des lois oppressives peuvent être corrigées par d’autres lois ou abolies avec le temps, et c’est ce qui est arrivé en partie à Rome pour la censure. D’ailleurs, il est parfois pénible, mais il n’est point honteux de se soumettre à la rigueur excessive d’une loi qu’on s’est imposée à soi-même.

Ce que les Romains jugeaient dégradant pour la nature humaine, c’est d’abdiquer la liberté dans les mains d’un homme. C’est de mettre une volonté à la place de toutes les volontés. Cela ils l’eurent toujours en horreur et en mépris. C’est pourquoi la censure confiée à des magistrats dont l’autorité était temporaire, et qui appliquaient des lois auxquelles tous avaient mis la main, que chaque jour on pouvait changer, fut à Rome entourée de respect, tandis que la censure chez les modernes, qu’elle porte ce nom ou qu’elle en porte un autre, bien qu’elle ne s’immisce point dans les actes de la vie privée et se borne à faire dépendre du bon plaisir d’un homme ou de plusieurs la liberté pour les citoyens de manifester leur pensée, a été flétrie par le sentiment public toutes les fois qu’il y a eu un sentiment public. La censure de Caton et la censure de la police sous le premier empire, je le demande a tout lecteur de bonne foi, lui semble-t-il que ce soit le même mot ?

À Rome, où le caractère religieux se montre partout, la plupart des magistratures étaient dans un rapport particulier avec un temple. Nous venons de le voir pour les censeurs, dont les registres se conservaient dans le temple des Nymphes.

Nous le verrons pour les édiles attachés au temple de Cérès ; nous allons le voir pour les questeurs.

Le rapport des questeurs était avec le temple de Saturne, parce que là se trouvait le trésor public (ærarium), et qu’ils étaient chargés de plusieurs soins qui concernaient ce trésor[57].

Le nom des questeurs (quæsitor, celui qui recherche) avait le même sens que celui des modernes inquisiteurs. Ils étaient de deux sortes : les accusateurs publics et les gardiens de la fortune de l’État. Ces deux sortes de questeurs sont dits avoir existé sous les rois.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que les seconds remontent aux premiers temps de la république, que leur principale fonction fut de veiller au trésor de l’État déposé dans le temple de Saturne et aux sénatus-consultes conservés dans l’Ærarium.

Les questeurs furent d’abord patriciens et désignés par les consuls ; mais il importait trop aux plébéiens d’avoir l’œil sur le maniement des finances publiques pour qu’ils ne voulussent pas être aussi représentés dans la questure. Ils obtinrent en 333 que les questeurs seraient à l’avenir pris indifféremment dans les deux ordres, et en 345, sur quatre questeurs, il y en eut trois de plébéiens.

La questure était la moins élevée de toutes les magistratures ; cependant on paraît avoir voulu la relever par quelques prérogatives. C’était dans les mains des questeurs que la plupart des magistrats prêtaient serment devant la porte du temple de Saturne[58], dieu de la bonne Foi antique de l’âge d’or.

C’étaient les questeurs qui allaient chercher les enseignes militaires dans le temple du dieu pacifique, où on les conservait tant que durait la paix, et les portaient dans le champ de Mars pour les donner aux légions qui allaient combattre[59].

Celui des questeurs auquel le sort avait assigné pour province la ville de Rome avait particulièrement soin du trésor. Comme les censeurs, il affermait les travaux publics, dont l’adjudication avait lieu dans le Forum.

Il faisait élever, par ordre des consuls, des statues aux citoyens qui avaient mérité cet honneur[60].

Enfin les serviteurs publics attachés aux questeurs devaient se présenter devant le temple de Saturne le jour où ces magistrats entraient en charge, et qui n’était pas le même pour eux et les consuls.

L’importance de ce temple, par rapport à la législation romaine, était grande ; car un sénatus-consulte n’avait force de loi que lorsqu’il y avait été régulièrement déposé[61]. Cette formalité essentielle était pour les Romains ce qu’est pour nous l’insertion au Bulletin des lois[62].

La prèture[63], cette charge la plus haute après le consulat, celle qui resta le plus longtemps exclusivement patricienne, nous ramène au Comitium et au Forum.

Le préteur était le représentant suprême de la justice. Son tribunal fut d’abord placé dans le Comitium, ou plus exactement sur la plate-forme qui le dominait et que l’on appelait le Vulcanal, plus tard transporté à l’autre extrémité du Forum[64]. Le préteur nommait les juges, qui, assis sur des tabourets, devaient émettre une décision touchant la cause qui avait été portée devant eux ; puis le préteur prononçait le jugement.

Chaque année, en prenant possession du tribunal, le préteur publiait un édit, sorte de manifeste judiciaire dans lequel il déclarait ce qu’il conservait ou changeait dans la jurisprudence de ses devanciers. Par l’édit prétorien, qui faisait entrer l’équité dans le droit strict, la réforme, et le progrès s’introduisirent comme inaperçus dans la législation romaine, et, grâce a un judicieux emploi de sages fictions, en modifièrent graduellement l’esprit sans en troubler brusquement l’unité. Ulpien appelle l’édit prétorien la voix vivante du droit civil.

L’édit du préteur était exposé dans le Forum, écrit d’abord sur le mur blanc de quelque temple, puis sur une planche blanchie (album).

Le nouveau préteur laissait intact le texte ancien et se bornait à récrire ce qu’il changeait et à écrire ce qu’il ajoutait.

Ce tableau était une image parlante de l’esprit de la législation romaine, qui, lente à détruire et prudente à innover, transformait insensiblement, mais effaçait très-peu. Aussi cet édit s’appelait-il, ce qui est profond, perpétuel et annuel, c’est-à-dire durable et renouvelé.

C’est aussi l’esprit de la cour de Rome, mais elle est encore plus enchaînée à la tradition immobile du passé, elle a son édit perpétuel, mais elle n’a pas son édit annuel.

En face du jugement présidé par le préteur et rendu par des juges patriciens dans le Comitium subsistait le vieux jugement populaire des centumvirs qui devait se tenir dans le Forum. Sous l’empire, nous voyons un procès jugé par les centumvirs, dans la basilique Julia[65].

Les centumvirs représentant les tribus[66] offrent de grandes ressemblances avec les héliastes d’Athènes et sont encore une imitation romaine des institutions de la Grèce, qu’on peut faire remonter, comme le pense Niebuhr, à Mastarna. Les anciens avaient leur jury[67]

Les comices par curies étaient exclusivement aristocratiques, les comices par centuries étaient composés de la totalité des citoyens dont les votes comptaient en proportion de leur richesse ; la pure démocratie eut aussi ses comices, dans lesquels la naissance ne constituait point un droit, la richesse ne donnait aucun avantage, mais le nombre était tout : on les appelait les comices par tribus.

Moins anciens que les deux autres, ils gagnèrent toujours en importance. Leur progrès suit et manifeste l’ascendant croissant de la démocratie dans la constitution romaine.

Les comices par tribus ne sont pas attachés invariablement à un lieu particulier : la démocratie n’aime point à s’enchaîner par l’usage et par la tradition ; instable et capricieuse de sa nature, il lui plaît de changer de place aussi bien que de résolution. Aussi les comices par tribus se tinrent-ils quelquefois dans le Champ de Mars, comme les comices par centuries ; quelquefois sur le Capitole, comme les comices patriciens[68]. Pourquoi le peuple souverain aurait-il respecté une prérogative et n’aurait-il pas voulu établir qu’il se réunissait là où bon lui semblait, que les lieux de réunion assignés aux autres assemblées pouvaient recevoir les siennes ? Il n’osa cependant jamais usurper le Comitium, cet antique domaine du vieux patriciat sabin[69] ; et le lieu qu’il préféra pour ses comices, ce fut le lieu de tous temps ouvert à tous, le marché, la place publique, le Forum.

Le Forum, comment y mettre le pied sans voir apparaître les luttes des partis, les triomphes de la parole, toute la vie énergique et orageuse du peuple romain ?

Déjà le lieu où il devait exister a été pour nous le théâtre du combat épique de Tatius et de Romulus, des Sabins et des Romains, puis de l’alliance inégale des deux rois et des deux peuples.

Le Forum était destiné à être bien des fois aussi, dans l’ordre politique, un lieu de combats et d’accommodements.

Ce n’est pas la faute des antiquaires si nous n’éprouvons point à le reconnaître autant d’embarras qu’à discerner la vraie place de la roche Tarpéienne et du Capitole ; ils ont voulu déplacer le Forum, au lieu de le mettre où est le campo vaccino, le transporter à droite dans la rue des Fenili, et, au lieu de le laisser allant de l’Ouest à l’Est, le placer en travers du Nord au Sud[70]

Heureusement ces efforts pour troubler la confiance des voyageurs n’ont eu aucun succès, et ceux-ci apprendront peut-être avec plaisir que, tout bien examiné, le Forum demeure où il était.

L’on peut déterminer avec beaucoup de précision l’étendue et les limites du Forum.

Il commençait à l’Ouest au pied du Capitole ; à l’Est, où sa largeur était moins considérable, un coude de la voie Sacrée qui descendait de la Velia (arc de Titus) le limitait. Sur son côté méridional se prolongeait la voie Sacrée jusqu’au pied de la montée triomphale du Capitole, un autre embranchement de la voie sacrée longeait la partie septentrionale[71] du Forum qui formait un trapèze[72] s’élargissant vers le Capitole.

À l’endroit où le prolongement méridional de la voie Sacrée pénétrait dans le Forum, on y avait accès par une entrée à laquelle un arc de triomphe, le premier qu’élevèrent les Romains, l’arc de Fabius, donna son nom. Un passage de Cicéron ne permet pas de placer l’arc de Fabius ailleurs qu’à l’angle est-sud du Forum : « Quand, dit-il, près de l’arc de Fabius je suis poussé dans la foule, — on conçoit que parfois elle fut grande à ce point de jonction entre la place publique et une rue très fréquentée, — je m’en prends à celui qui est près de moi, et non à celui qui est sur le sommet de la Velia (arc de Titus)[73]. »

Deux rues venant du Sud tombaient dans le Forum romain : l’une, suivant le pied de la roche Tarpéienne débouchait à l’extrémité Ouest du Forum, c’était le vicus Jugarius ; l’autre un peu plus à l’Est, et dirigée dans le même sens, venait aussi aboutir au Forum, c’était la rue des Étrusques (vicus Tuscus). Par la première on allait gagner la porte Carmentale, par la seconde on se dirigeait vers le grand cirque, à travers le quartier étrusque, lequel devint un des quartiers les plus animés et les plus marchands de Rome, et aujourd’hui l’est très-peu.

En revanche, du côté du Nord on ne connaît pour communiquer avec la populeuse Sabura, avec les élégantes Carines, qu’une rue partant du Forum, au-dessous de la Velia[74] ; mais il devait en exister d’autres.

Des boutiques s’élevèrent sur les deux rues qui, l’une au Sud, l’autre au Nord, bordaient le Forum dans sa longueur. Les premières s’appelaient les vieilles[75] (veteres), les secondes les neuves (novæ).

Les boutiques rappellent l’origine du Forum, qui fut d’abord un marché.

Les changeurs, les banquiers, les gens d’affaires, se réunissaient autour de ces arcs nommés janus, sous lesquels en cas de pluie on pouvait trouver un abri. Ces janus formaient la bourse de Rome.

Il y en avait trois, tous placés sur le côté septentrional du Forum[76].

Tel était la configuration et l’aspect ancien du Forum. Avec le temps, des portiques l’entourèrent, les boutiques firent place à des basiliques ; trois temples, à l’ouest celui de la Concorde et celui de Vespasien, celui de César à l’est, vinrent se placer à côté du temple de Saturne et du temple de Castor qu’on réédifia. On s’exagère souvent le nombre des édifices du Forum ; tous étaient à l’entour. Le centre du Forum était libre et le fut toujours.

Il le fallait bien, car, sans parler des acheteurs, où eût été la place nécessaire pour les combats de gladiateurs, qui eurent lieu dans le Forum jusqu’à la fin de la république, avant qu’on eût élevé des amphithéâtres, et pour les réunions des plébéiens, les comices par tribus, dont je vais parler ?

Et puis le Forum devint un lieu de promenade, comme le Campo Vaccino l’est encore le dimanche, pour les Romains ; un lieu de plaisirs pas toujours honnêtes. Plaute[77] nous apprend par quelles sortes de gens les différentes parties du Forum étaient fréquentées de son temps.

Les faux témoins abondaient aux abords du Comitium où l’on jugeait les procès. Peut-être on en trouverait quelques-uns dans le voisinage de la curia Innocentiana.

Les menteurs et les glorieux se donnaient rendez-vous près du sanctuaire de Vénus Cloacine (au nord du Forum) ; c’était là que venaient raconter leurs exploits faux ou véritables les bravi de la Rome ancienne, du côté de la Subura, autrefois habitée par les Ligures, cousins des gascons, et qui y avaient laissé peut-être quelques descendants.

Là aussi, non loin du temple de Vénus Purifiante, se traitaient certains marchés sous les auspices d’une Vénus moins pure et dont le culte était fort répandu dans le quartier voisin de la Subura. Du même côté était le marché au poisson, dont l’odeur, quand soufflait la Tramontane, mettait en fuite les plaideurs qui hantaient la basilique Portia, et où l’on faisait des pique-niques par souscription ; c’était le Billy-Gate de Rome. L’extrémité orientale du Forum, le bas Forum[78], était réservé aux honnêtes gens, aux riches, boni homines, ceux qu’on appelle aujourd’hui Uomini grassi. Les gens de bien préféraient ce bout du Forum que dominait la Velia, autrefois demeure des Sabins, peut-être par un souvenir de ce peuple probe, qui avait fourni à Rome son aristocratie. On conçoit que dans leur voisinage eût été à l’origine le rendez-vous des boni homines, ce qui avait, comme les honnêtes gens, le double sens de gens honnêtes et de gens comme il faut.

Un canal ou ruisseau traversait le Forum dans le sens de sa longueur, car il devait être un des affluents de la Cloaca Maxima ; il devait être aussi en rapport avec le lac de Curtius, avant lequel il est immédiatement nommé. Au bord de ce canal se rassemblaient particulièrement les oisifs, les flâneurs ; ils en avaient pris le nom. On les appellait les hommes du canal, canalicolæ[79], comme on dirait à Paris les habitués de la petite Provence. Ceux-là étaient, selon Plaute, pleins de prétentions, confiants, bavards, malveillants, disant à propos de rien impudemment du mal d’autrui, quand ils auraient eu assez à en dire d’eux-mêmes. Il paraît que, comme les habitués de la petite Provence, ces malveillants faisaient de la politique[80] au bord de leur canal, et que souvent c’étaient de pauvres diables[81].

Près des boutiques vieilles se trouvaient les usuriers, comme ils abondaient du côté des boutiques neuves, où étaient les trois janus. On voit que dans le Forum il y en avait partout.

Enfin derrière le temple de Castor, c’est-à-dire dans la rue Neuve, on rencontrait des gens avec lesquels il, était bon de se tenir sur ses gardes. Plaute en aurait dit autant aujourd’hui, j’imagine, des petites rues qui avoisinent le Forum.

J’ai suivi l’histoire du Forum jusqu’au siècle de Plaute, qui nous en a fait pour ainsi dire la topographie morale telle que le génie observateur du poête comique l’avait saisie. Revenons à sa topographie politique et aux comices par tribus dont le Forum était le principal théâtre.

Je crois que les premiers comices par tribus se tinrent dans le Forum et ne furent transportés dans le champ de Mars que lorsqu’ils se confondirent avec les comices par centuries[82]. Essentiellement démocratiques, leur lieu naturel était le lieu populaire par excellence, le marché. Nul monument ne fut jamais élevé à ces comices de la démocratie romaine, ils n’eurent pas même de septa permanents. Il fallait que le marché restât libre pour la circulation et pour les combats de gladiateurs. Quand les comices par tribus devaient avoir lieu, on tendait dans le Forum des cordes qui figuraient transitoirement les planches du champ de Mars[83]. Je crois pouvoir déterminer quelle était la direction de ces septa mobiles ; je crois qu’ils étaient disposés dans le sens de la largeur du Forum, du midi au nord[84], regardant la tribune sur laquelle siégeaient les tribuns du peuple.

Niebuhr pense que dans l’origine les patriciens ne faisaient pas partie des tribus. Dans tous les cas, vu leur faible nombre, ils y étaient fort isolés et y jouaient personnellement un faible rôle. Ils ne prenaient certainement point part aux comices démocratiques à l’époque ou les tribuns les faisaient sortir du Forum. Pour avoir une vue vive et vraie des luttes entre les plébéiens et les patriciens que je vais raconter, il faut toujours conserver devant ses yeux le Comitium et le Forum, tels qu’ils étaient. Le Comitium, plus élevé ; au-dessous de lui, le Forum, plus grand, entouré de boutiques, non consacré par les auspices. Dans le premier, les patriciens sont gravement assis ; dans le second, les plébéiens sont debout. Le premier est calme comme un tribunal, le second est agité comme une multitude.

Parmi cette multitude, nulle distinction de race, de fortune ou d’âge[85] ; point de classe ou de corporation, mais seulement des individus ayant tous un vote d’égale valeur.

Les comices par tribus, qui n’étaient guère appelés dans l’origine qu’à prononcer sur des questions d’intérêt local ou à nommer des magistrats inférieurs, élevèrent chaque jour davantage leurs prétentions, et étendirent graduellement leurs prérogatives ; les curies tombèrent dans l’insignifiance. Elles autorisaient toujours les décisions ; mais leur sanction, dont on ne pouvait se passer, était donnée par elles avant que la loi fut votée. Les centuries elles-mêmes, cet autre privilége, furent envahies, modifiées dans le sens démocratique, et leurs comices finirent par s’amalgamer avec ceux des tribus. La majesté du Comitium s’éclipsa, l’armée du champ de Mars fut vaincue ou absorbée. La plebs du Forum resta seule debout, frémissante, indomptée, et, ce semblait, indomptable. Hélas ! elle ne devait pas l’être. Quand on traverse aujourd’hui le Campo Vaccino, on traverse en quelques pas toute l’histoire de la liberté romaine. On va du Comitium où fut proclamée l’abolition de la tyrannie[86], à l’autre extrémité du Forum, où était le temple de César, qui la releva, et c’est par le Forum plébéien qu’on a passé.

La destinée politique du Forum suivit la destinée de la tribune. La tribune, c’était la parole de Rome, c’était l’expression et la garantie de sa liberté. La parole publique est l’âme d’un peuple libre. Quand elle se tait, ment ou flatte, quand seulement elle est timide, gênée, trop prudente, croyez que chez ce peuple les battements du cœur se ralentissent, que la frigidité des agonisants le gagne, et que s’il n’est sauvé par quelque remède héroïque, la mort n’est pas loin.

Je ferai l’histoire de la tribune nous la verrons changer de lieu quand Rome changera de constitution et se déplacer avec le centre de la vie politique, suivant ce mouvement qui entraîne toute chose vers le bas Forum. Elle y sera transportée par la main de César, et finira par être établie sur les marches du temple consacré au destructeur de la liberté, devenu dieu.

La première tribune était d’abord aussi loin que possible de l’extrémité orientale du Forum où devait s’élever le temple de César. La première tribune fut sur le Vulcanal, lieu élevé au-dessus du Comitium, où siégeait, dit-on, Romulus, et où siégèrent encore les décemvirs ; elle était d’abord le tribunal, nom qu’elle conserva toujours. De là le magistrat déclarait au Comitium la résolution de la curie, dont le Comitium était comme le vestibule (senatus-consultum). Les curies acceptaient ou rejetaient sans que personne, sauf dans des cas très-rares, demandât la parole. Les curies n’eurent jamais une tribune à leur usage ; elles décrétaient, mais ne parlaient pas. La vraie tribune fut celle du Forum. On peut croire qu’elle naquit avec les tribuns. Jusque-là les plébéiens, comme ils n’avaient pas de chefs, n’avaient pas d’organe.

La tribune était dans le Forum[87] à l’est du Comitium[88], dont elle se trouvait rapprochée[89], sans le toucher pourtant[90], sur le côté nord de l’espace qui embrassait le comitium et le Forum, et entre les deux[91].

À Rome, le respect des pouvoirs antiques était si grand, que jusqu’aux Gracques l’usage fut toujours que ceux qui parlaient à la tribune se tournassent vers le Comitium et les curies patriciennes, bien que leur discours s’adressât aux plébéiens rassemblés dans le Forum.

Les rostra sont indiqués comme en avant de la curie[92]. Nous savons que le Comitium faisait face à la curie, mais celle-ci devait présenter un front moins étendu que le Comitium ; elle correspondait à son extrémité orientale, car la tribune, qui était en dehors du Comitium, à l’est, touchait presque à la curie[93]. La tribune était sous son regard vigilant et modérateur[94]. La curie devait dominer la tribune, car elle était plus élevée que le Vulcanal[95], lui-même plus élevé que le Comitium.

La tribune dominait donc le Comitium et le Forum. Sa position supérieure faisait dire à Pline, dans un mouvement d’humeur contre les désordres populaires des derniers temps de la république[96] : « Les rostres, placés en avant de la tribune, étaient l’ornement du Forum, et comme une couronne sur le front du peuple romain. Mais quand ils eurent été foulés et souillés par des tribuns séditieux, les rostres, qui étaient sous leurs pieds, furent comme un joug pour les citoyens. »

Ce nom de rostres désignait les becs de fer dont la proue des vaisseaux étaient armés. Leur nom devint celui de la tribune après qu’on eut orné sa base de ceux des vaisseaux pris aux Volsques d’Antium.

Il ne faut pas s’étonner de l’importance donnée par là à une victoire, qui terminait la guerre contre les Latins, dont Antium, à demi latin, avait embrassé la cause. Une victoire sur un peuple maritime méritait, aux yeux des Romains, d’être consacrée par un monument d’une nature spéciale, et d’être associée aux grandeurs naissantes de la tribune. Il semble que les tribuns l’armèrent de ces becs, défense formidable des vaisseaux, pour exprimer qu’elle était inviolable et menaçante. Du reste, l’usage d’élever cette sorte de trophée naval existait en Grèce[97].

C. Mæaenius, qui donna à la tribune cet ornement, et par suite le nom qu’elle garda toujours, fut honoré d’une statue placée sur une colonne attenante aux rostres[98]. La gens plébéienne Mænia fournit plusieurs tribuns. C. Mænius se fit remarquer par ses entreprises contre les patriciens. Il n’est pas surprenant qu’un tel homme ait voulu embellir la tribune populaire, et qu’on lui ait érigé dans le Forum populaire une statue sur une colonne[99] C’était aussi un usage grec ; en Grèce on accordait cet honneur aux vainqueurs d’Olympie ; on semblait par là, dit Pline[100], vouloir les élever au-dessus de la terre. À Rome, on décernait un tel honneur à celui qui avait pris des vaisseaux à l’ennemi et défendu les droits des citoyens.

Nous pouvons nous faire une idée très-exacte des rostres romains. Ils sont figurés sur une médaille portant le nom de Palicanus, ce tribun qui soutenu par Pompée revendiqua les droits enlevés au tribunat par Sylla. C’est une plate-forme allongée formant un demi-cintre, qui a cela près ressemble assez aux ambons des basiliques chrétiennes et encore plus à certaines chaires d’Italie dans lesquelles le prédicateur peut aller et venir comme pouvaient le faire les orateurs romains à la tribune. On voit sur la médaille le subsellium où s’asseyaient les tribuns[101]. C’est sur un siège semblable que deux d’entre eux s’assirent pour empêcher Cicéron, à la fin de son consulat, de monter à la tribune, et que sa main et sa tête furent placées par les sicaires d’Antoine[102].

Les rostres devaient être tournés vers l’ouest, car ainsi ils regardait le comitium et le Capitole. Ils devaient être orientés comme un templum, car il s’appelaient templum[103]. Il est beau qu’à Rome la tribune fut un temple.

On voit à Rome un reste et un simulacre de la tribune romaine ; mais ce n’est pas la tribune libre de la république, c’est la tribune officielle de l’empire.

Au pied du Capitole, vers le milieu de ce côté du Forum (côté de l’ouest), est une élévation en demi-cintre qu’on a prise à tort pour avoir appartenu aux rostres de la république.

Ceci est un débris d’une sorte de tribune (suggestus) sur lequel Othon harangua les soldats qui le proclamèrent empereur[104].

Elle existait bien à la fin de la république ; car Pompée y était assis quand il vint, entouré de soldats[105], troubler Cicéron plaidant pour Milon. Mais cette tribune, qui, comme on voit, ne rappelle pas des souvenirs de liberté, n’était point la véritable, située ailleurs, sur le côté nord du Forum, près de la curie.

Elle fut une contrefaçon et un mensonge.

Elle eut, comme on le voit encore, la forme semi-circulaire des anciens rostres, et on y attacha même des becs de vaisseaux[106] pour que la ressemblance extérieure fût complète ; mais l’imitation de la vraie tribune n’alla pas plus loin.

Ce débris cependant est précieux, d’autant plus que le monument auquel il se rapporte est figuré dans un bas-relief de l’arc de Constantin.

Cette reproduction d’une copie de la tribune romaine ressemble assez à l’original tel qu’il est représenté sur la médaille de Palicanus et complète l’idée qu’on peut s’en former.

Derrière cette tribune, où Constantin est assis, on aperçoit des colonnes que surmontent des statues, et, à ses deux côtés, deux arcs de triomphe dont l’un est celui de Septime Sévère encore debout.

De même, outre la statue de Mænius, plusieurs autres s’élevaient alentour des rostres républicains

Celle de Marsyas[107], deux doigts de la main levés en l’air, symbole de la liberté, emprunté, lui aussi, aux villes grecques, et dont je ne m’explique pas bien le sens, si ce n’est que la liberté a été souvent écorchée.

Celles des trois Parques, qu’on appelait des sibylles[108], et que plus tard on appela des fées.

Enfin les statues de plusieurs citoyens illustres, et particulièrement des ambassadeurs romains assassinés dans le pays où ils avaient été envoyés, comme le furent, par le gouvernement autrichien, les plénipotentiaires de Rastadt, dont on n’eût pas mal fait de placer les images autour de la tribune d’alors pour perpétuer la flétrissure que méritait cette odieuse violation du droit des gens.

Maintenant que nous connaissons la scène des débats orageux qui agitèrent la république romaine, l’emplacement et la figure de la tribune romaine, nous aurons, ce me semble, une intelligence plus nette et plus vive des différentes phases de ces débats et du rôle de cette tribune.

Les chevaliers, qui étaient primitivement la cavalerie romaine, composée en partie de jeunes patriciens et en partie de plébéiens ; qui ne devinrent un ordre distinct que lorsqu’ils eurent cessé de mériter leur nom, et représentèrent alors la finance dans l’État, les chevaliers n’avaient pas et ne devaient pas avoir un lieu pour leurs délibérations et leurs votes.

Ceux qui étaient patriciens délibéraient dans le Comitium, et, quand ils furent admis au sénat, dans la curie.

Tous votaient dans les comices par centuries au champ de Mars.

Mais deux solennités amenaient les chevaliers au Forum : l’une politique, l’autre de pure cérémonie.

La première était le recensement de la cavalerie. Le censeur s’asseyait dans la tribune[109] ; chaque chevalier à pied, tenant son cheval par la bride, descendait de la Velia, et, suivant la voie Sacrée jusqu’au Forum, le traversait pour venir défiler devant le censeur. Quand le cheval n’était pas en bon état ou que la conduite du chevalier avait encouru quelque blâme, le censeur lui disait :

« Vends ton cheval. »

C’est-à-dire rembourse le prix du cheval à l’État qui te l’a confié.

Et le chevalier était rayé du rôle de sa centurie.

Quelquefois le cheval[110] était retiré à un chevalier seulement parce que le censeur lui trouvait trop d’embonpoint, ce qui n’entraînait point sa dégradation.

Un autre défilé des chevaliers à travers le Forum avait lieu tous les ans aux ides de juillet[111]. Les chevaliers, portant la trabée, vêtement à raies de pourpre, couronnés de rameaux d’olivier, chevauchaient en grande pompe depuis le temple de Mars ou le temple de l’Honneur et de la Vertu, situés tous deux hors de la porte Capéne, jusqu’au Forum, qu’ils traversaient, puis, passant devant le temple de Castor[112] idéal du cavalier[113], ils montaient au Capitole.

Il reste à déterminer les différents endroits liés à l’existence d’une classe d’hommes qui n’étaient point étrangers à la constitution de la république. Je parle des divers corps de prêtres exerçant une magistrature sacrée, formant une institution politique.

Dans l’ancienne Rome, le gouvernement était, jusqu’à un certain point, sacerdotal, comme dans la nouvelle on y trouve le mariage religieux (confarreatio) et la propriété ecclésiastique[114] ; mais à Rome l’autorité civile avait l’autorité sacerdotale, et aujourd’hui le pouvoir sacerdotal a le pouvoir civil.

Les auspices appartenaient dans l’origine aux patriciens, et constituaient pour eux une sorte de droit divin.

Les auspices étaient consultés par les magistrats patriciens à l’aide des Augures, et intervenaient sans cesse dans la vie politique et dans la vie civile des Romains. La religion se mêlait à tout, mais la religion était aux mains de l’État.

À la tête du culte romain étaient les pontifes[115], présidés par le grand pontife, Pontifex Maximus. C’est le titre que les papes prennent encore aujourd’hui.

L’origine de ce nom (pontifices) serait locale, si l’on admettait, comme on l’a fait souvent dès l’antiquité, qu’il veut dire les faiseurs de pont, parce que les pontifes étaient supposés avoir construit et étaient chargés de réparer le pont Sublicius, le pont sacré[116].

Mais cette étymologie me semble bien douteuse, et ce mot avait un sens trop général pour venir d’un fait si particulier[117].

Le grand pontife habitait près du temple de Vesta. C était un lieu saint depuis les Pelasges. Le grand pontife y veillait sur le Palladium. Le foyer sacré de la cité romaine était sous la garde du pontife de Rome ; il s’appelait pontife de Vesta[118], Vesta était la patronne des Romains.

Le roi à Rome était prêtre. Cela fut vrai surtout des rois étrusques, car la royauté étrusque était sacerdotale. Quand on eut chassé les rois, on donna ce nom à un prêtre, le roi des sacrifices, qui représentait le côté religieux de leurs attributions, mais qui était subordonné au grand pontife.

Le roi des sacrifices habitait sur la Velia, où avaient habité Tullus Hostilius et les deux Tarquins. Probablement leur demeure fut la sienne. Il en hérita comme de leur titre, mais on ne lui laissa rien de leur puissance.

L’admission au pontificat fut la dernière conquête des plébéiens[119].

Un des pontifes, du haut du Capitole, indiquait au peuple l’époque des fêtes mobiles, et combien de jours il y avait des calendes aux nones, car ce nombre n’était pas le même pour chaque mois. Cela se faisait devant la curia Calabra[120], où se réunissaient parfois les curies patriciennes. Seuls, dans le principe, les patriciens connaissaient les choses du ciel. Les pontifes romains, comme leurs successeurs, ne perdaient le caractère sacerdotal qu’à la mort.

Rien ne porte à croire que les collèges des Augures aient eu un lieu déterminé d’habitation commune ; on sait où les magistrats devaient, en leur compagnie, consulter les présages, ce qu’on appelait prendre les auspices ; c’était lorsqu’une armée partait de Rome, hors de la ville[121], mais près de la ville ; ceux qu’on prenait dans le lieu où se trouvait l’armée n’étaient pas toujours jugés suffisants, et alors le général quittait son camp et revenait à Rome[122] pour accomplir cet acte religieux auquel on attachait une grande importance. Le voisinage de Rome était considéré comme une condition nécessaire à la perfection des auspices. Quand la guerre fut portée hors de l’Italie, on imagina de désigner dans le pays conquis (in captivo agro) un lieu qui représentait Rome à l’étranger, et où, s’il en était besoin, l’on revenait chercher les auspices[123]. Tant le voisinage, au moins fictif, du sol de Rome était nécessaire aux auspices ; tant ce sol était par excellence le sol sacré.

Les inaugurations se faisaient dans la citadelle capitoline, où était le lieu augural (auguraculum)[124], et dans la voie Sacrée, où les augures venant de la citadelle descendaient[125]. Cette voie était orientée de l’ouest à l’est suivant les règles de la discipline étrusque[126].

C’est dans la citadelle qu’était inauguré le dictateur, là où, selon la tradition, l’avait été le premier roi sabin[127].

Quant aux Aruspices, qui n’étaient point des magistrats comme les Augures, qui ne paraissent former une confrérie régulière que sous Ctaude[128], tout au plus au temps de César[129], et que Cicéron traite avec assez de mépris[130] ; ces devins d’Étrurie habitaient le quartier étrusque en compagnie avec les professions peu estimées de ce quartier suspect[131].

Après les pontifes venaient les flamines. Les pontifes étaient consacrés aux cultes de tous les dieux ; les flamines, au culte particulier d’une divinité[132]. Presque toutes celles de ces divinités que nous connaissons sont des divinités sabines[133] ; à la tête de ce corps sacerdotal, était le flamine de Jupiter, le dieu de tous, c’était un personnage auguste ; bien que dans l’origine toute fonction publique lui fût interdite[134], il siégeait au sénat et marchait précédé d’un licteur. Il représentait l’idée du prêtre dans toute sa pureté. Ses regards ne devaient tomber sur aucune souillure, ne devaient pas même rencontrer une armée ou s’arrêter sur un travail manuel. Sa maison était un asile pour le criminel, qui pouvait s’y réfugier, comme le fut longtemps celle des cardinaux ; mais il différait d’eux sur un point important, au lieu d’être obligé au célibat, le mariage était pour lui obligatoire, et si sa femme venait à mourir, il devait déposer le sacerdoce[135].

Les demeures des flamines, qui s’appelaient domus flaminia, devaient être dans les prés Flaminiens, car c’est de là que venait probablement leur nom. Selon toute apparence, ces prés, attenant au champ sacré de Mars et voisins du Capitole, furent primitivement la propriété des flamines[136], d’autant plus que de ce côté étaient les terres du clergé romain, situées au pied du Capitole et qu’on disait avoir été données aux prêtres et aux augures par Numa. Le flamine de Quirinus habitait près du temple qu’il desservait, le flamine de Jupiter sur le Palatin.

Nous connaissons la demeure des Vestales ; leur couvent était près de Sainte-Marie-Libératrice, où l’on a trouvé leurs tombes, ce qui a confirmé le témoignage des anciens, selon lequel elles pouvaient, par exception, être enterrées dans la ville, parce qu’elles étaient au-dessus des lois, comme les empereurs[137], rapprochement singulier entre ce qu’il y eut à Rome de plus pur et ce qui souvent le fut le moins.

On sait, nous l’avons vu, jusqu’au lieu où était solennellement transporté du cloître des Vestales à la porta Stercoraria, ce qui donnait à cette porte[138] son nom.

Les Saliens, prêtres sabins de Mars[139], qui fidèles à cette origine, demeurèrent toujours patriciens[140], eurent dans le principe deux demeures à Rome l’une sur le Quirinal, l’autre sur le Palatin.

Celle du Quirinal devait être voisine du temple de Quirinus[141], dieu de la guerre, comme on voit des saliens logés, au temps de Claude, près d’un temple de Mars, autre dieu sabin de la guerre, le temple de Mars Vengeur.

On le sait par une anecdote qui peint bien la gloutonnerie de cet empereur. Un jour qu’il rendait la justice dans le temple de Mars Vengeur, l’odeur d’un repas des prêtres saliens l’allécha tellement que, descendant de son tribunal, il alla partager ce repas, lequel devait être bon, car les banquets des saliens (cœnæ saliares)[142] avaient dans la Rome ancienne la même réputation qu’ont eue quelquefois ceux des moines. Nous eussions fait un festin digne des saliens, dit Cicéron[143] ; comme Rabelais aurait dit : Nous eussions banqueté à la mode monacale.

La demeure des saliens sur le Palatin devait être une sorte de couvent composé de plusieurs cellules[144] ; elle portait aussi le nom sabin de curie[145] ; elle était au sommet de la montée qui conduisait au temple de la Victoire[146], fondé par les Sabins aborigènes.

Seuls, entre toutes les confréries religieuses, les frères Arvales m’ont paru avoir une origine latine ; mais cette confrérie fut adoptée de bonne heure par les sabins, qui rattachèrent les premiers Arvales à un personnage de leur nation, Acca Larentia, comme ils lui rattachèrent Romulus lui-même. Aussi les Arvales, devenu un collége patricien, faisaient-ils les élections par lesquelles ils se recrutaient non sur le Palatin, mais sur le Capitole[147] ou au pied du Capitole[148], sur l’Aventin[149] tous lieux plus sabins que latins[150].

L’habitation des Fétiaux était probablement, comme celle des flamines, dans les prés flaminiens, près du temple de Bellone et de la colonne de la Guerre, d’où ils jetaient du côté de l’ennemi que Rome voulait attaquer une lance ensanglantée.

Telle est la topographie politique et sacerdotale de Rome. On voit que la vie politique était concentrée dans l’espace assez restreint qui s’étendait du Forum aux Septa (du Campo Vaccino à l’église de la Minerve). C’est dans cet étroit espace, entre le Forum, la curie, le Comitium et les Septa du Champ de Mars, que s’est agitée la destinée des Romains. Ne perdons jamais de vue ces quatre points importants, car c’est autour d’eux que va tourner toute l’histoire intérieure de ce peuple. Ce sont les quatre foyers de la fournaise où sa liberté mûrira.

    nat., III, 20, 3.) Cet arbre était devant le Comitium, à côté de la curie. (Den. d’Hal., III, 71.)

  1. Cette hauteur était égale à une fois et demie la largeur si la curie était carrée ; si elle formait un carré long, sa hauteur égalait la moitié de la longueur ajoutée à la largeur. (Vitr., V, 2, 1.)
  2. On songea à dédier la curie elle-même a la Concorde. (Cic., De dom., 51.)
  3. Près du Compitum Fabricium, sur lequel il n’existe, à ma connaissance, aucun renseignement. (Fest.,p. 174.)
  4. Cic., Pro Mil., 33.
  5. le Senaculum est dit au-dessus de la Græcostase (Varr., De l. lat., V, 156) et au-dessous de la curie. (Tit. Liv., XLI. 27.)
  6. V. Max II, 2, 6 Les magistrats y venaient délibérer avec les sénateurs. (Fest., p. 347.)
  7. Il fallait bien qu’elles le fussent, puisque les tribuns assis la porte de la curie étaient là pour surveiller les délibérations du sénat.
  8. Den. d’Hal., V, 13.
  9. Fest., p. 246.
  10. Prætorii, tribunicii, ædilicii, quæstorii. (Cic., Phil., XIII, 14.) Licinius Calvus, le premier tribun consulaire plébéien, était un vieux sénateur. (Tit. Liv., V, 12.)
    … Deligerentur autem in id concilium ab universo populo, aditrusque in illum summum ordinem omnium civium industriæ virtutique pateret. (Cic. pro. Sest., 65.)
  11. Cic., in Vat., 15.
  12. C’était (Cic., Pro Sest., 65) l’un des buts de l’institution du sénat. Senatum reipublicæ custodem, præsidem, propugnatorem, collocaverunt (majores)… plebis libertatem ac commoda tueri atque augere voluerunt.
  13. Près des quattro fontane.
  14. Pl. Hist. nat., XV, 35, 2.
  15. De croire ou cumire, se réunir, se rassembler, terme consacré pour les réunions politiques.
  16. La plupart des auteurs l’ont placé à l’extrémité opposée du Forum, et cette erreur était naturelle, car plusieurs passages indiquent le siège du préteur, qu’on ne peut séparer du Comitium, comme voisin du Puteal de Libon, qui était certainement à cette extrémité, près de l’arc de Fabius, à l’entrée orientale du Forum. On n’avait pas remarqué que les passages qu’on citait se rapportaient tous à une époque où le siège du préteur avait été déplacé et transporté par Libon lui-même (150 ans avant J. C.) d’un bout du Forum à l’autre. C’est ce qu’avait vu M. Mommsen et qu’a démontré avec une netteté de logique qui ne laisse rien à désirer M. Dyer.
  17. La statue d’Attius Nævius, placée sur les degrés du Comitium, était à gauche de la curie (Tit. Liv., I, 36), et si près d’elle, que la base de la statue fut endommagée par l’incendie qui au temps de Cicéron consuma la curie. (Pl., Hist. nat., XXXIV, 11, 2.) Il s’agit de la curia Hoslilia, qui touchait à la basilique Porcia. Le Comitium était donc très-proche de la curie.
  18. C’est à cause de l’élévation du Comitium que Denys d’Halicarnasse dit (I, 87) qu’il était dans le lieu le plus élevé du Forum romain (c’est le sens de κρατίστώ, mot que Denys emploie aussi pour désigner la Velia ) (III, 1) ; et il s’agit bien ici du Comitium, car il s’agit du lion de pierre qui indiquait, selon quelques-uns, la sépulture de Romulus, et cette sépulture était dans le comitium. (Fest., p. 177.)
  19. On avait cru voir dans un passage de Tite Live que le Comitium était couvert. Becker (Handb., I, p. 275-6) a montré qu’on s’était trompé.
  20. Il est parlé de pluie de sang et de pluie de lait dans le Comitium. (Tit. Liv., XXXIV, 45 ; Jul., Obs. 83, 103.) On n’aurait pas cru à ces pluies fabuleuses dans un lieu à l’abri des pluies véritables. Le Comitium était même un lieu de passage que traversaient les soldats et où un centurion pouvait faire faire une halte. (Tit. Liv., V, 55.) Le figuier ruminal y avait été transplanté, on disait miraculeusement, par l’augure A. Nævius. Selon Pline, il y avait poussé naturellement. (Hist.,
  21. La curia Julia, que je crois en rapport avec la basilique Julia, donnait sur le Comitium. (Dion. Cass., XLVII, 19.)
  22. Επί τής άγοράς. (Plut., Num., 8.)
  23. Ces statues en bronze subsistèrent jusqu’au temps de Sylla. (Pl., Hist. nat., XXXIV, 12, 1.) Les portraits de Pythagore, tels que celui qu’on voit dans le musée du Capitole, n’ont aucune authenticité. Il y a une bonne statue d’Alcibiade au Vatican, salle de la Biga.
  24. Fest., p. 290. Le Vulcanal était élevé de peu au-dessus du Comitium. (Den. d’Hal., II 50.)
  25. Varr., De l. lat., 5-6. De plus, la basilique bâtie par Opimius, auteur d’un temple de la Concorde, et qui de son nom s’appela basilique Opimia ; le Senaculum, lieu où les sénateurs se réunissaient avant d’entrer en séance, et qui, pour cette raison, devait être près de la curie ; enfin la Græcostase, dans laquelle d’abord les ambassadeurs grecs, puis tous les autres ambassadeurs, attendaient d’être présentés au sénat, et qu’il faut se garder de reconnaître avec les ciceroni arriérés dans les trois colonnes du temple de Castor. On voit que les dépendances de la curie se trouvaient sur le Vulcanal, ce qui s’explique très-bien en les plaçant auprès d’elle, et rend impossible de mettre entre elle et lui toute l’étendue du Forum. Une autre preuve de la vraie position du Vulcanal peut être tirée du lotus (Pl., Hist. nat., XVI, 86) qui avait poussé sur la plate-forme de Vulcain, et dont les racines plongeaient sous terre jusqu’au Forum de César, qu’elles n’auraient pu atteindre, et même être supposées atteindre, si elles avaient dû pour cela passer sous tout le Forum romain.
  26. L’étendue du Vulcanal devait être assez considérable, puisqu’on supposait que Romulus et Tatius avaient pu y tenir un conseil composé de leurs sénats respectifs. (Den. d’Hal., II, 50.) Cette remarque est de M. Dyer ; on peut donc supposer l’aire de Vulcain au moins égale au temple de la Concorde, dont l’emplacement a été reconnu, mais n’est visible qu’en partie, parce que les fouilles qui l’ont mis a jour ont été arrêtées par la rampe moderne du Capitole, au delà de laquelle il s’étendait plus au nord, derrière la prison Mamertine.
  27. Le tribunal du préteur est souvent indiqué comme placé dans le Comitium ; mais tout tribunal étant très-élève au-dessus du sol (Pauly, Encycl., VI, 2090), on doit mettre celui du préteur sur le Vulcanal, là où la tradition plaçait le tribunal de Romulus.
  28. Le Comitium s’ouvrait aux chevaliers, mot qui dans l’origine avait désigné surtout la portion aristocratique des anciennes tribus, même après l’époque où les chevaliers, qui n’avaient plus de cheval, furent des financiers et des fermiers généraux. Comitium locus propter senatum quo coire equitibus populoque romano licet. (Pseud. Asc., in Cic., Verr., II, 1, 59.)
  29. Den. d’Hal., IV, 12 ; Götll., R. Verf., p. 133.
  30. Cum ex generibus Hominum suffragium feratur curiata Comitia esse. (Gell., XV, 27, 4.)
  31. Ils s’appelaient Comitia Calata.
  32. Par les sacra de famille, dont l’héritier acceptait ou rachetait l’obligation.
  33. Cic., L. Agr., II, 12.
  34. Un passage de Tite Live (<sùamm>XL, 45) fait voir que l’autel de Mars était voisin des Septa. Comitiis perfectis, ut traditur antiquitus, censores in campo ad aram Martis consederunt.
  35. C’était aussi le nom du lieu que choisissait l’augure dans l’espace qu’il avait déterminé et qu’on appelait le Templum. (Cic., De Div., II, 35.)
  36. Nibby (R. ant., II, p, 837) place les Septa au palais Doria, et sans en donner la preuve ; on peut déterminer leur emplacement avec plus d’exactitude qu’on ne le fait en général. La villa Publica était à côté des Septa. (Varr., De R. R., III, 2, 17.) Or elle était très-proche du temple de Bellone (Tit. Liv., XXX, 21 ; XXXIII, 24), comme s’en aperçurent les sénateurs rassemblés dans ce temple quand leur séance fut troublée par les cris de quelques milliers de prisonniers de guerre que Sylla faisait égorger dans la villa Publica. Le temple de Bellone était voisin de la partie occidentale du cirque Flaminien. (Ov., Fast., VI, 201 et suiv.) Près de là était donc une extrémité des Septa l’autre est indiquée par l’église de la Minerve. En effet, Juvénal parle d’un temple d’Isis qui était proche des Septa (Juv., Sat., VI, 529), et on a trouvé une grande quantité de statues égyptiennes dans les environs de l’église de la Minerve, une Isis en basalte, l’obélisque de la place de la Minerve, les deux beaux lions portant le nom de Nectanebo, ci-devant à la fontana felice, aujourd’hui au musée du Vatican.
  37. Pendant le vote, les diribitores marquaient par des points le nombre des voix qu’obtenait chaque candidat. Avoir tous les points, c’était passer à l’unanimité, avoir un succès complet. De là ce vers d’Horace :

     Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.

  38. Cic., Ad. Att., IV. 16.
  39. D. Cass., LIII, 22 ; LV, 8. La forme des Septa Julia a été conservée par des fragments du plan de Rome antique qu’on voit dans l’escalier du musée Capitolin.
  40. Grucchius (De Com. R., p. 126) pense qu’il y avait trente-cinq ponts, un pour chaque tribu. L’origine de ces ponts était vraisemblablement la nécessité de franchir un petit cours d’eau appelé Petronia amnis.
  41. Elle était assez près des Septa pour pouvoir être confondue avec eux car c’est en faisant allusion aux prisonniers égorgés dans la villa Publica par ordre de Sylla que Lucain a dit :

    Miseræ maculavit ovilia Romæ.

    Les Septa étaient à la droite de la villa Publica. (Varr., R. R., III, 17.)
  42. Ubi cohortes ad delectum consuli adductæ considant, ubi arma ostendant ubi censores censu admittant populum.(Varr. R. Rust., III, 2.)
  43. Varr., R. Rust., III. 2. Une médaille du temps d’Auguste la représente avec un portique a deux étages. (Nibb., R. ant., II, p. 843.) C’est sans doute sous ce portique que Varron attendit avec son ami Arius que leur candidat eût obtenu dans les Septa les honneurs de l’édilité. Vis potius villæ Publicæ utemur umbrâ. (Varr., ibid)
  44. Tit. Liv., IV, 22
  45. Cette estimation se faisait sur la déposition des contribuables ; elle était contrôlée par les tables des censeurs, qui pouvaient élever le chiffre de la taxation s’ils le jugeaient à propos. (Den. d’Hal., IX, 56.) La terre n’était pas taxée seule comme on l’a cru ; la preuve en est dans ce passage de Festus : In æstimatione censoria æes infectum rudus appellatur.
  46. Censere numerum gregis, dit Columelle.
  47. Lustrare juvencos. (Tibulle.)
  48. La purification des animaux avait pour but d’écarter d’eux toute influence funeste. C’était aussi le but de la lustration du peuple romain.
  49. Carmen solemne precationis. (Val. Max., IV, 1. 10.)
  50. On purifiait la terre par des lustrations avant les semailles et avant la moisson.
  51.  … Pagum lustrate coloni
    (Ov., Fast., I, 669.)

  52. Le Τίμημα de Solon était très-analogue au census romain.
  53. Cic., Pro Mil., 27.
  54. C’était d’abord le consul qui faisait le recensement ; la censure, aussi bien que l’édilité curule et la préture, fut, comme l’a remarqué Niebuhr, une portion de l’autorité consulaire que les patriciens en détachèrent quand ils commencèrent à craindre qu’elle ne leur échappât tout entière.
  55. Polyb., VI, 53.
  56. Tit. Liv., XL, 46.
  57. Par exemple, de fournir à la dépense des envoyés étrangers que la république défrayait. Quelquefois ceux-ci donnaient un chiffre de leur escorte plus élevé qu’il n’était réellement et que démontraient les registres de l’Ærarium : Servos novem se professi sunt habere, cum sine comite venissent. (Cic., Pro Flacc., 18.)
  58. Le trésor y était encore au temps de Plutarque (Publ., 12) ; il n’y a donc aucune raison de supposer, comme fait Becker (Handb., I, p. 317), qu’il fut transporté dans le Tabularium, c’est-à-dire dans les archives. On y put transporter les tables des Édiles, qu’on dit avoir passé du temple de Cérès au Capitole ; car le Tabularium était sur le Capitole, mais le trésor resta toujours dans le temple de Saturne. C’est là que César le trouva et le vola. Ce temple, placé entre le Capitole et le Forum, à l’extrémité du vicus Jugarius, était consacré à Saturne et à Ops, la déesse de la richesse. Quelquefois, quand il s’agissait du trésor, on l’appellait seulement temple d’Ops. (Cic., Phil., I, 7 ; II, 14.) Dans la partie secrète du temple était sans doute le trésor plus saint, sanctius ærarium, où l’on mettait à part le produit de l’impôt appelé le vingtième (Tit. Liv., XXVII, 10), pour les plus extrêmes nécessités ; ce fut celui que le consul Lentulus ouvrit avant de quitter Rome. (Cæs Bell. Civ., I, 14.) Mais il en restait un autre plus considérable, que personne n’avait ouvert et dont César fit briser la porte. On voit que l’un des partis ne ménageait pas plus que l’autre le trésor public dans l’intérêt de la guerre civile. Mais le consul était dans la légalité, car le sénat, entre les mains duquel était la clef de l’Ærarium, avait pu la lui remettre.
  59. Tit. Liv., III, 69. Dans un autre endroit, Tite Live (VII, 23) dit que les enseignes furent portées au temple de Mars, près de la porte Capène, où l’armée était rassemblée. Ici l’opposition du temple de Mars au temple de Saturne marque encore mieux le caractère pacifique de ce dernier.
  60. Cic., Phil., IX, 7.
  61. Tit. Liv., XXXIX, 4.
  62. Même après l’érection du Tabularium (archives), on voit (Suet., Aug., 94) les sénatus-consultes portés à l’Ærarium. Peut-être considérait-on le premier comme une dépendance du second, ce que leur proximité peut expliquer.
  63. Il est question du prætor urbanus, seul à l’origine.
  64. Voy. Dyer. Smith’s Dict. art. Roma, p. 776.
  65. Pl. Ep., V, 9 (21).
  66. P. Diac., p. 54.
  67. Le nom même des jurés rappelle que les héliastes n’étaient admis à juger qu’après avoir prêté un serment.
  68. Tit. Liv., XLIII, 16. Ils eurent lieu aussi dans les prés Flaminien (Tit. Liv. III, 54.)
  69. Au contraire, les tribus représentaient à leur origine l’ancien intérêt latin ; quand les Latins étaient admis au droit de suffrage, c’est dans les comices par tribus qu’ils l’exerçaient.
  70. Nardini, qui a remis le Capitole à sa place, est celui qui a ôté le Forum de la sienne, et a égaré jusqu’au sage Nibby. Piale a le premier redressé une erreur dont des fouilles plus récentes, entre autres celle qui a découvert la basilique Julia, ont achevé de démontrer l’énormité. Le docte Bunsen, Canina, et son adversaire acharné Becker, ont rendu impossible toute incertitude ; une expression ambigue de Denys d’Halicarnasse (II, 66), qui dit que le Forum est entre le Capitole et le Palatin, pouvait seule faire hésiter ; mais, comme l’a justement remarqué Becker (Handb., p. 218), cet auteur se corrige lui-même en plaçant entre ces deux collines le quartier étrusque (V,56). L’expression de Denys d’Halicarnasse était surtout fausse pour Becker et ceux qui, comme lui, mettent le Capitole là ou est la roche Tarpéienne ; pour ceux qui voient le Capitole proprement dit dans la cime nord-est du mont Capitolin, les termes employés par Denys d’Halicarnasse ont une certaine vérité ; le Forum se trouve en effet sur une ligne oblique entre l’église d’Ara-Cœli et le Palatin ; pour eux, la phrase de Denys d’Halicarnasse est une preuve de plus de l’opinion qu’ils ont embrassé ; pour eux, et pour eux seuls, le Forum est, comme le dit aussi Denys d Halicarnasse, placé au-dessous du Capitole.
  71. On en a trouvé des fragments devant le temple d’Antonin et Faustine, et près de l’église de Saint-Adrien. (Smith’s, Dict. of gr. and R. geogr., II, p. 772.)
  72. Vitruve prescrit (v, 1) que la largeur d’un Forum soit égale aux deux tiers de sa longueur ; mais le Forum s’était formé tout seul pour satisfaire aux besoins des populations, et d’après la disposition des lieux, sans attendre Vitruve.
  73. Cic., pro Planc. 7.
  74. En effet, cette rue est appelée par Denys d’Halicarnasse un raccourci ; il y avait donc une route moins abrégée allant du Forum au pied de l’Esquilin, sans doute celle qui plus tard traversa le Forum de Nerva, appelée le Forum de passage (Forum transitorium). De plus, il est fait mention de trois arcs nommés janus ; l’un au commencement, l’autre au milieu, le troisième au bout du Forum. Vraisemblablement ces janus servaient de porte, ou étaient devant une entrée du Forum. La première et la troisième s’ouvraient à ses deux extrémités. Celle du milieu devait faire face à une rue qui conduisait à la Subura et aux Carines.
  75. Un passage de Cicéron nous fait connaître positivement que les vieilles étaient au sud et les neuves au nord du Forum, car il nous apprend que celles-ci étaient exposées au soleil et les autres à l’ombre, parce qu’elles avaient le soleil derrière elles ; il suffit d’avoir eu à traverser le Campo Vaccino par un jour brûlant pour avoir senti toute la justesse de la remarque de Cicéron, faite par lui sans doute quand il descendait du Capitole pour retourner à sa maison du Palatin. Voici ce passage important pour la topographie du Forum « Ut ii qui sub novis solem non ferunt, item ille cum æstuaret, veterum… umbram est seculus. (Cic., Acad. prior, II, 22.)
  76. Horace (Sat., II, 3, 18) parle d’un Janus medius.
  77. Curcul. IV, 119 et suiv.
  78. On appelait le côté opposé le sommet du Forum ; celui-ci présentait peut-être un plan un peu incliné à partir du Capitole ; le Miliarium aureum était in capite Fori, peut-être aussi appelait-on la tête du Forum la partie la plus noble, celle où se trouvait le Comitium.
  79. Gell. Noct. att., IV, 20.
  80. C’est ce qui résulte d’un passage de Tertullien où, disant qu’il n’a pas l’ambition de jouer un rôle, qu’il ne court point après les places, il ajoute : Canales non odoro ; je ne vais point flairer les canaux ; comme nous dirions je ne vais point prendre vent auprès des canaux. Ceci, en ce qui concerne la topographie du Forum, montre qu’au temps de Tertullien le Forum était traversé par plusieurs de ces canaux, et à cause du double sens du mot odoro, semble indiquer que les canaux, probablement mal entretenus au troisième siècle, ne sentaient pas bon.
  81. Canalicolæ forenses homines pauperes, (sic) diati quod circa canales fori consisterent. (P. Diac., p. 45.)
  82. Les exemples que l’on cite des comices par tribus tenus dans le champ de Mars sont de la fin de la république.
  83. App. B. Civ., III, 50. À l’époque de Cicéron, les septa du Forum étaient des treillis en bois, cancellos fori (Cic., pro Sest., 37) ; mais ou pouvait, quand besoin, était, les enlever.
  84. Cicéron (De Div., II, 35) dit que le tonnerre entendu à gauche était un signe heureux partout, excepté dans les comices. Le préjugé populaire ne fut pas toujours conforme à cette opinion, mais on doit penser que Cicéron, qui était augure, connaissait les vrais principes de la science fulgurale. S’il en est ainsi, on ne saurait guère expliquer cette singularité qu’en supposant que les comices étant tournés vers le nord avaient le couchant, qui était la région funeste, à leur gauche, tandis que le templum, comme le dit Varron, était tourné du côté du midi, et avait ainsi le couchant à sa droite ; je conclus donc de ce qu’établit Cicéron, que les comices étaient tournés vers le nord. C’était la direction du Comitium et celle des septa du champ de Mars, ce devait donc être aussi celle des septa du Forum. En les plaçant ainsi, ceux qui y entraient pour aller voter avaient à franchir le canal ; de là peut-être était venu l’usage du pont qui figure dans les comices par tribus comme dans les comices par centuries.
  85. Cum ex generibus hominum suffragium feratur curiata comitia esse ; cum ex censu et ætate, centuriata ; cum ex regionibus et locis, tributa (Lælius felix ap. Gell, XV, 27,4.) Populus (pour plebs) … fuse in tribus convocatus. (Cic., de Legg., III, 19.)
  86. Selon Tite Live (I, 59), c’est à la multitude, c’est-à-dire aux plébéiens, que Brutus proposa d’abord le bannissement de Tarquin ; ils accueillirent cette résolution avec transport ; mais Tite Live (II, 2) dit aussi qu’une loi portée par les curies prononça l’abolition de la royauté.
  87. In Foro. (Tit. Liv., VIII, 14) Il en fut toujours ainsi. Romanum Forum est ubi nunc rostra sunt. (Serv., Æn., VIII, 361.)
  88. Ad Comitium. (Asc., ad Cic. Mil., § 12.)
  89. Autour de la statue de Servius Sulpicius, qui était placée sur les rostres, un espace de cinq pieds en tous sens avait été réservé pour que lui et ses descendants pussent de là assister aux combats des gladiateurs. Il y avait donc au moins un espace de cinq pieds entre la tribune et le Comitium. (Cic., Phil., IX, 7.)
  90. C’est ce que prouvent ces mots de Cicéron à propos de son frère, précipité de la tribune : Pulsus e rostris in Comitio jacuit ; et le passage souvent cité de Pline (Hist. nat., VII, 60), qui dit que l’on déterminait l’heure de midi en regardant le soleil du haut des degrés de la curie, entre les rostres et la græcostase. Ces deux objets étaient donc l’un à la gauche, l’autre à la droite d’un homme placé sur les degrés de la curie et regardant le soleil à midi. La græcostase, destinée aux ambassadeurs qui attendaient que le sénat leur permit d’entrer dans la curie, était un lieu découvert, car on croyait qu’il y avait plu du sang et du lait (Beck., Handb. p, 275), sur l’esplanade du Vulcanal (Tit. Liv., IX, 46 ; Varr., De L. lat., V, 156), à la droite de la curie et au delà du Comitium. Sub dextrâ huius (curiæ) a Comitio locus substructus. (Varr., De L. lat., V, 156.) Plus tard on la trouve, sous le nom de græcostadium, reportée au côté sud du Forum, entre le Vicus Jugarius, qui la séparait du temple de Saturne, et la basilique Julia, ou un peu plus à l’est. (Notit., reg., VIII.) Il est inconcevable qu’on ait donné ce nom de Græcostase aux trois belles colonnes du temple de Castor, situé loin de la curie, vers l’extrémité orientale du Forum. Cicéron, parlant de la foule qui l’a applaudi, nomme en même temps la græcostase et la curie. (Ad Fratr., II, 1.) D’ailleurs, les trois colonnes ont évidemment fait partie d’un temple ; or la græccostase n’était pas un temple, pas même un édifice, c’était un espace qui n’avait ni murs ni toit, une portion de la plate-forme du Vulcanal, ou l’on construisit deux temples, un à la Lune (Grut., Lus., 135, 2), un à la Concorde et une basilique (Varr., De L. lat., V, 156), la basilique Opimia.
  91. C’est là ce que veut dire au milieu du Forum. On employait cette expression, au milieu dans ce cas, comme lorsqu’on parlait du Janus medius qui était peu éloigné de la tribune. Præ Rostris. (Grucquius, Schol. ; Hor., Sat., III, 2, 18.)
  92. Diod. Sic., XII, 26.
  93. (Rostra) prope juncta curiæ. (Asc., in Cic. pr. Mil. § 12.)
  94. Speculatur atque obsidet rostra vindex temeritatis et moderatrix officii curia. (Cic., Pro Flacc., 24.) Ante hunc (C. Host.) rostra. (Varr., De L. lat.. V, 155.)
  95. Un portique, dont l’extrémité n’était séparée du temple de Saturne que par la montée triomphale, longeant le Capitole, arrivait au Senaculum (sur le Vulcanal); de là on montait par des degrés à la curie. Voilà comme j’entends cette phrase de Tite Live (XLI, 27) Porticus ab æde Saturni in Capitolium ad Senaculum, et super id, curiam. On voit que la curie était très-élevée, comme il convenait à la majesté du sénat. Quand Tarquin avait précipité Servius du haut des marches de la curie, il l’avait fait rouler au bas d’un véritable escalier.
  96. Pl., Hist. nat., XVI, 4,3. on voyait des becs de vaisseaux tyrrhéniens mis là en signe de victoire. (O, Müller, Etr., I, p. 299.)
  97. Les Grecs appelaient cela άκροτηριάξειν. Dans le port de Rhodes,
  98. In suggestu. (Pl., Hist. nat., V, 11, 1.
  99. Pline parle de la colonne (XXXIV, 11, 1) et Tite-Live de la statue (VIII, 13). La position de cette colonne, appelée la colonne Mænia, est représentée par Cicéron comme intermédiaire entre le Capitole et les septa du Forum. (Cancelli, Pro Sest. 58.) On annonçait la dernière heure quand le soleil avait franchi tout l’espace du ciel qui s’étendait de la colonne Mænia jusqu’au couchant. (Pl., Hist. na., VII, 60.) L’expression de Pline, ad carcerem inclinato sidere, est singulière. Pline, qui connaissait Rome, ne pouvait croire que le soleil se couchât au-dessus de la prison Mamertine. Je crois qu’il faut lire ad vesperem. Ce qui montre en tout cas que la colonne Mænia était bien au midi et achève de déterminer l’emplacement des rostres et de la curie, c’est que Pline en parle tout de suite après avoir mentionné l’observation du soleil à midi faite sur les degrés de la curie, entre les rostres et la græcostase, et suit, en ce qui concerne la colonne Mænia, le cours du soleil depuis midi jusqu’au soir.
  100. Pline, XXXIV, 11, 4.
  101. Tribuni in rostris consederuut. (Tit. t.iv. XXXVIII, 51.)
  102. Plut., Cic., 49.
  103. Tit. Liv., VIII, 13. Si l’on suppose orienté exactement d’après les quatre points cardinaux, ainsi que c’était l’usage pour tout templum, le carré long qui formait la tribune, l’orateur, en faisant face au Comitium, regardait obliquement une partie du Forum. Telle était, je crois, la vraie position des rostres elle permettait aux orateurs de se tourner vers les patriciens en s’adressant aux plébéiens. Quand Caïus Gracchus se tourna vers ceux-ci, il se tourna en dehors, dit Plutarque, στραφείς έξω (C. Gr., 5), c’est-à-dire un peu plus à gauche, léger changement, mais qui en annonçait bien d’autres.
  104. Suét., Oth., 6.
  105. Il était assis, dit Asconius (Ad Cic., pro Mil., p. 41), ad Ærarium, pro Ærario. L’Ærarium était le trésor placé dans le temple de Saturne. Le débris du Suggestus dont je parle est en effet au-dessous du temple de Saturne.
  106. Canina croit avoir reconnu les trous dans lesquels entraient les tenons de fer qui les attachaient. (Esp top., p. 352.)
  107. Serv., Æn., IV, 58 ; Macr., Sat., III, 12.
  108. Pl., XXXIV, 11, 2.
  109. Plut., Pomp., 22.
  110. Gell., Noct. att., VI, 22.
  111. Den. d’Hal., VI, 13.
  112. Ceci prouve que sous la république la continuation de la voie Sacrée suivait le côté méridional du Forum pour gagner le Capitole, car le temple de Castor et Pollux était de ce côté.
  113. C’est parce que Castor, héros renommé pour son habileté dans l’équitation, fut adopté par les chevaliers romains comme une sorte de patron, que son nom fut souvent donné seul au temple des Dioscures. L’édifice dédié aux deux frères est fréquemment appelé temple de Castor, jamais temple de Pollux.
  114. Den. d’Hal., II, 7.
  115. Dans l’ordre honorifique, le grand pontife ne venait qu’après le roi des sacrifices et les flamines ; mais son titre, Pontifex maximus, et le rôle qu’il joua toujours à Rome, montrent qu’il était le premier en importance ; peut-être on plaçait les autres prêtres avant lui, parce qu’ils étaient plus anciens. Le roi des sacrifices et les flamines étaient consacrés au culte de divinités sabines ; le roi des sacrifices sacrifiait dans les Agonales (Ov., Fast., I, 318, 333), et les flamines, prêtres sabins, à Mars, à Quirinus, dieux sabins.
  116. Varr., De L. lat., V, 83.
  117. Elle est rejetée par le savant grand pontife Q. Mutius Scævola, mais la sienne, pontifex, de posse et facere (ibid.), est encore moins admissible. Göttling (R. Verf., p. 173) propose pontifices, de pompifices. Ce serait, comme les marais Pontins, de pomptinæ paludes.
  118. Ov., Fast., III, 698-9. Les préteurs, les dictateurs, les consuls, quand ils entraient en charge, offraient un sacrifice à Vesta. (Macr., Sat., III, 4.)
  119. Par la loi Ogulnia, 300 ans avant J. C.
  120. Varr., De L. lat., wsmall>VI, 28 ; Serv., Æn., VIII, 654.
  121. Tit. Liv. IV, 18 ; Tac., Ann., III, 19.
  122. Tit. Liv., VIII, 30.
  123. Serv., Æn., II, ’178.
  124. P. Diac., p. 18.
  125. Varr., De L. lat., V, 47. Cela montre que dans l’antiquité le prolongement de la voie Sacrée, qui allait jusqu’au Capitole, fut la voie qui côtoyait le Forum du côté du sud, car c’est elle que l’on trouvait en descendant de l’Arx ; l’autre embranchement de la voie Sacrée, celui du côté septentrional du Forum, ne pouvait encore conduire jusqu’à la citadelle, car il eût dû passer entre la curie et le Comitium, entre lesquels il ne paraît pas qu’alors une voie passât. Quand la curia Julia, placée au sud du Comitium, eut remplacé la curia Hostilia, qui était au nord, la voie longeant le Forum au nord devint un autre prolongement de la voie Sacrée, par où elle put également atteindre le Capitole.
  126. Elle suivait la ligne augurale appelée Decumanus Maximus, comme Ilygin l’a remarqué pour d’autres voies. (Göttl., R. Verf., p. 202.)
  127. L’augure se tournait vers l’est, car Valère Maxime (VIII, 2, 1) nous apprend l’existence d’une maison tres-élevée sur le Cælius, qui fut démolie parce qu’elle faisait obstacle à ceux qui prenaient les auspices de la citadelle. Si l’augure eût regardé au sud, sa vue n’eût point été gênée par le mont Cælius. Sachant que l’Arx était au-dessus du palais Caffarelli, et tirant de là une ligne droite vers l’orient, nous arrivons vers la porte Majeure. C’est de ce côté qu’était la maison de Claudius Centumalus, qui fut démolie ; ceci nous montre qu’on donnait le nom de Cælius au plateau qui continue cette colline vers le nord, le plateau de Saint-Jean de Latran et de Sainte-Croix de Jérusalem.
  128. Tac., Ann., XI, 15.
  129. Cicéron (De Div., II, 24) parle du Summus Haruspex.
  130. Cic., ad Fam., VI, 18.
  131. Plaut., loc., cit. Près du cirque dit Juvénal et près de l’agger (Sat., VI, 588) ; vers l’agger était le champ funèbre de l’Esquilin, fréquenté par les sorcières.
  132. Cic., De Legg., II, 8.
  133. Mars, Quirinus, Flora, Furina, Carmenta. Tout prouve que l’institution des flamines était sabine ; on l’attribuait à Numa. (Tit. Liv., I, 20.) Les flamines sacrifiaient à la bonne foi (Tit. Liv., I, 21), et le flamine Dialis à Consus, avec les Vestales (Tert., De Spect., 5), à Acca Larentia (Gell., Noct. att., VII (VI), 7, 7), divinités des Sabins.
  134. Cette interdiction ne fut pas toujours observée.
  135. Gell., Noct. att., X, 15 ; Plut., Quæst, rom., 50.
  136. Le nom de ces prés ne peut venir de Flaminius, qui y établit au sixième siècle un cirque, car ils sont appelés flaminiens à une époque beaucoup plus ancienne par Tite Live. (III, 55.)
  137. Serv., Æn., XI, 206.
  138. T. I, p. 358.
  139. Les Saliennes sacrifiaient dans la Regia de Numa. (Fest., p 329.)
  140. Luc., Phars., IX, 477 ; Juven., Sat., 604 ; Den. d’Hal., II, 70. Les saliens étaient un des trois grands corps sacerdotaux. (Polyb., XXI, tO.)
  141. Le rapport des saliens à Quirinus est attesté par Servius. (Æn., VIII, 663.)
  142. Ilor., Carm., I, 37, 2.
  143. Epulati essemus saliarem in modum. (Cic., Ad Att., V, 9.)
  144. C’est ce qu’indiquent les mots mansiones saliorum palatinorum dans une inscription.
  145. Denys d’Halicarnasse (II, 70) dit que les saliens du Palatin furent institués par Numa et ceux du Quirinal par Tullus Hostilius. Une fondation sabine sur le Palatin au temps de Numa n’est pas vraisemblable, mais peut-être les saliens du Palatin étaient-ils en effet plus anciens que les saliens du Quirinal ; alors leur existence remonterait à l’établissement primitif des Sabins avant Romulus.
  146. Vers la cime du mont. (Voy. Den. d’Hal., I, 32.) Là était la partie la plus élevée du Palatin avant qu’il eût été nivelé. Denys (Frag., XIV, 5) et Plutarque (Camil., 32) parlent d’une chapelle de Mars, c’était le sanctuaire qui dépendait du couvent.
  147. Dans le pronaos du temple de la Concorde.
  148. Dans le temple d’Ops.
  149. Devant le temple de Junon.
  150. Les frères Arvales ne se réunirent sur le Palatin que lorsqu’ils furent reçus dans le palais par les empereurs. (Voy. Marquardt, Handb. d. alt, IV, p. 421.)