L’Heptaméron des nouvelles/Tome IV/14


PREMIÈRE JOURNÉE

MAUVAIS TOURS DES FEMMES AUX HOMMES
ET DES HOMMES AUX FEMMES

I. — Déportemens d’une Procureuse d’Alençon.

« De 1520 à 1525. Historique. Alençon, Paris ». — L.

Page 251, ligne : En la ville d’Alençon. — Ms. 7576 : En la ville d’Angoulesme. — L.

Page 252, lignes 17-8. — Un Procureur nommé Saint-Aignan. Comme on le verra par les lettres de rémission ci-après rapportées, extraites du Trésor des Chartes, les événements qui sont le sujet de cette Nouvelle sont vrais. Marguerite donne quelques détails très curieux, que Saint-Aignan n’a pas manqué de passer sous silence, afin d’obtenir la grâce qu’il sollicitait. M. Hubaud, auteur d’une Dissertation curieuse sur l’Heptaméron, croit trouver quelque ressemblance entre ces événements & ceux qui sont le sujet d’un petit livre assez rare, contenant le récit des aventures galantes d’une Dame de Bordeaux. Nous avons lu ce volume, qui a pour titre : La Courtisane Bourdeloise, par J. de la Roche, baron de Florigny, 1599, in-12, & nous n’y avons rien trouvé qui soit de nature à justifier l’assertion de M. Hubaud. Voir Dissertation sur le recueil des Contes & Nouvelles de la Reine de Navarre, autrement dit l’Heptaméron, &c ; Marseille, 1850, in-8o, page 15. — L.

LETTRES DE RÉMISSION.

« Françoys, &c., savoir faisons, &c., Nous avoir, &c., de Michel de Sainct-Aignen, Seigneur dud. lieu, contenant que par ci devant il avoit résidé & demouré en la ville d’Allençon par long temps en honneur & bonne réputation ; & pour sa bonne prospérité, vie & gouvernement, y avoit eu plusieurs malveillans & envieulx qui se seroient esforcez lui pourchasser par moyens sinistres, fius & dissimulez, tous les maulx, finesses & tromperies qu’il seroit possible penser, combien que led. suppliant ne leur auroit oncques pourchassé desplaisir, injure ne dommaige ; entre autres ung nommé Jacques Dumesnil, jeune homme auquel led. suppliant auroit faict tous les plaisirs & avantaiges qu’il luy auroit esté possible, donne accès & habitude en sa maison ; pensant que led. Dumesnil feust son loyal amy, chargea à sa femme & serviteurs le traicter comme son frère quant il viendroit, esperant led. suppliant Aignen estre moyeu qu’il espouseroit l’une de ses parentes. Lesquelz bons tours & humanitez led. Dumaisnil auroict mal recougneuz ; mais, faisant le mal contre le bien suyvant la voye de iniquité, auroit mis & efforcé mettre division entre led. de Sainct-Aignen & sad. femme, qui tousjours auroient vescu en bonne, grande & parfaicte amour. Et pour mieulx parvenir à ses fins, auroit voullu donner à entendre à lad. femme, entre autres choses, que led. de Sainct-Aignen ne l’aymoit aucunement ; qu’il desiroit chacun jour sa mort ; qu’elle estoit abusée se fier en luy, & autres meschantes parolles qui ne doyvent estre recitées ; à quoy lad. femme auroit resisté, lui deffendant que plus ne eust à user de telz propoz, autrement le diroit à son mary. Et perseverant led. Dumaisnil, quelque foys que led. de Sainct-Aignen seroit allé dehors, auroict donné entendre à lad. femme qu’il estoit mort, en declarant enseignes & conjectures, pensant, en ce faisant, gangner entrée & allience avecq elle, qui encores y resista. Ce voyant led. Dumesnil, lui auroict donné à entendre que led. de Sainct-Aignen souvent seroit dehors ; qu’elle seroit heureuse si elle avoit ung mary qui se tiensist avec elle. En machiuant la mort dudict suppliant Aignen, luy auroit dict que si elle voulloit consentir à la mort dud. Sainct-Aignen son mary, qu’il l’espouseroit ; & de faict promectoit l’espouser. Et, pour ce que à soy consentir auroit esté reffusante, icelluy Dumaisnil trouva moien gaigner une chamberière de la maison, laquelle, led. Aignen estant hors, comme lad. femme estoit couchée, ouvrit l’huys aud. Dumesnil, qui contraignit lad. femme souffrir se coucher avec elle. Et depuis, icelluy Dumesnil auroict faict plusieurs dons à lad. chamberière, affin d’estre cause d’empoisonner led. suppliant, laquelle y auroict consenty de prime face & à Pasques s’en seroit confessé aud. Sainct-Aignen, luy en demandant pardon ; aussi l’auroit dict & déclaré aux voysins. Et congnoissant led. Dumaisnil que, la chose mise en avant, en auroit blasme & reprouche, en toute dilligence auroit ravye & enlevée lad. chamberière & l’auroit menée hors le pays, d’ont seroit venu scandalle. Daventaige led. Dumesnil auroict esté trouvé plusieurs foys de nuict guectant ès jardins & à la porte pour occire led. St-Aignen comme est commun aud. Allençon par la confession dud. Dumesnil. Lequel Aignen, voyant sad. femme ainsi scandalizée par led. Dumesnil, luy auroit faict remonstrer qu’il eust à soy abstenir de plus venir en sa maison avecques sa femme, & qu’il eust à considerer l’injure & oultraige qu’il luy faisoit, disant qu’il n’en sçauroit plus endurer ; de quoy led. Dumesnil n’avoit voullu entendre, mais déclaré qu’il y frequenteroit malgré tous, & deust il mourir. Lequel Aignen, congnoissant la mauvaise obstination dud. Dumesnil, pour éviter à plus grand inconvénient, auroit laissé la ville d’Allençon, & allé demourer en la ville d’Argentan, distant de dix lieues, où il a mené sad. femme, pensant par cela que led. Dumaisnil se pourroit abstenir, ce qu’il n’auroit faict, ains seroit par plusieurs fois venu en lad. ville d’Argentan, & fréquenté avecq sad. femme, d’ont auroit esté scandalizée aud. Argentan, & ce seroit efforcé led. Sainct-Aignen le destourner ; & pour ce qu’il auroit (sic) la nourrisse de l’enfant dud. St-Aignen, auroit par lad. nourrisse remonstré aud. De Mesnil ; ains auroit persévéré, dict & déclaré qu’il feroit mourir led. Sainct-Aignen, & qu’il yroit en Argentein, deust il mourir. Tant que led. Mesnil, le viiie de ce moys, seroit party d’Alençon à deux ou troys heures du matin, heure suspecte ; se seroit desguisé, prins vestemens contraires à son estat, qui est de la Praticque, ayant cappe de Beart, jaquète de blanchet pardessoubz, toute eschiquetée, une tocque emplumallée sur le chenin (sic), ayant le visaige couvert. Ainsi arriva aud. Argentein, compaigné de deux jeunes hommes logés ès faulxbourgs, enseigne Nostre Dame, où seroit tenu clandestinement depuis xii heures jusques au soir environ unze heures, qu’il demanda à son hoste la clef de la porte derrière pour aller à ses affaires secretz, non voullant estre congneu. Et, à lad. heure suspecte, print son baston à son cousté, se vestit & accoustra desd. vestemens, partit dud. logis avec l’un desd. hommes ; ainsi arriva led. Dumesnil en l’hostel dud. St-Aignen, où il trouva façon d’entrer & gangner une garderobe haulte, près la chambre où lesd. St-Aignen & sa femme couschent. Icelluy Aignen, ne pensant à cela, ains ignorant l’emprinse dud. Mesnil, estant en la salle avec ung nommé maistre Thomas Guérin, qui estoit venu pour ses affaires, se disposa aller couscher, dist à ung sien serviteur nommé Colas qu’il luy apportast son cas. Lequel seroit monté en une garde-robe où lad. femme estoit couchée, en laquelle garde-robe led. Dumesnil estoit mucé, qui soudain, craignant estre congneu, seroit sorty l’espée nue en main ; & auroit crié led. Colas : « A l’aide ! C’est ung brigand ! » Et dit aud. St-Aignen qu’il avoit veu ung homme incongneu qui sembloit n’y estre pour aucun bien ; lequel St-Aignen luy auroict dict : « Il faut savoir que c’est. Appartient-il à personne venir icy à ceste heure ? » Lequel Colas, sur ces termes, seroit allé après led. personnaige, qu’il auroict trouvé en une petite allée près la court de derrière ; lequel personnaige, soudain avoir advisé led. Colas, se seroit efforcé donner de son baston au travers du corps dud. Colas, lequel auroit resisté & donné aud. Dumesnil quelzques coups, pour raison desquelz il auroit crié : « A l’aide ! Au meurdre ! » Sur quoy arriva led. Sainct-Aignen ayant une espée en sa main ; & après y vint led. Guerin ; lequel St-Aignen qui encores ne congnoissoit led. Dumesnil pour raison de son vestement desguisé, aussi qu’il faisoit merveilleusement noir ; & trouva led. Dumesnil criant : « Au meurdre ! Confession ! » Auquel cry led. Sainct-Aignen le congneut, dont fut merveilleusement perplex, esbahy & courrossé, de veoir son ennemy à telle heure en sa maison, trouvé en sa garde-robe embastonné. Et ramenant led. Sainct-Aignen à memoyre les peynes & ennuyctz qu’il luy avoit donnez, lui donna led. Sainct-Aignen deux ou troys coups de chaulde colle, puis lui dist : « Hél meschant que tu es, qui t’a icy amené ? Te suffisoit il pas du mal que par venant tu m’as faict ? Je ne le t’avoys pas desservy. » A quoy led. Dumaisnil dist : « Il est vray, je vous ay par trop offensé & suis trop meschant ; je vous en requiers pardon. » Et sur ce, tombe à terre comme mort. Quoy voyant led. Sainct-Aignen, congnoissant le scandalle advenu, demoura sans dire mot, se recommandant à Dieu, & se retira en sa chambre, où il trouva sa femme couschée, qui rien n’entendit. Pour le jour dud. débat, & ung peu aprés, seroit allé veoir que faisoit led. Dumesnil, qu’il auroit trouvé en la court mort & aidé à le porter en l’estable, dont auroit esté led. de Sainct-Aignen trop courrossé. Et sur ce que led. Colas luy demanda qu’il seroit faict du corps, led. de Sainct-Aignen n’entendit à ce propos parce qu’il n’estoit pas maistre de ses premiers mouvemens ; mais seullement dist aud. Colas qu’il en feist ce qu’il verroit bon, & qu’il le convenoit inhumer en terre saincte ou le mectre en la rue ; puis se seroit retiré en sa chambre coucher avec sad. femme, avec laquelle estoient les chamberières. Et lendemain dist icelluy Colas aud. Sainct-Aignen qu’il avoit porté inhumer led. corps pour eviter scandalle. A toutes lesquelles choses led. de Sainct-Aignen ne s’arresta, pour la peyne & grande doulleur où estoit, & auroit lendemain envoyé quérir les deux jeunes hommes dud. Dumesnil estans en son logis, & faict oster lesd. chevaulx dud. logis, donné charge à l’un d’iceulx ramener. Pour raison duquel cas se seroit absenté, &c., en nous humblement requérant, &c., & que en tous autres, &c., pour quoy, &c., si donnons, &c., aulx Bailliz de Chartres & de Caen, ou à leurs Lieutenans, & à chacun d’eulx, &c., & à tous, &c., & affin, &c., & sauf, etc. Donné à Chastelleraut, au moys de Juillet, l’an de grace mil cinq cens vingt six, & de nostre règne le douziesme.

Signé : « Par le Roy, à la relation du Conseil :
« De Nogent.
« Visa : contentor.
« De Nogent. »

(Archives nationales, Registre J 234, no 191.)

Page 252, ligne 2. — Dans l’édit. de 1558 & dans les édit. suivantes, au lieu de ces mots : « L’evesque de Séez », on lit : D’un prelat d’église, duquel je tairay le nom, pour la révérence de l’estat. — L.

— Jacques de Silly, Évêque de Séez, Abbé de Saint-Vigor & de Saint-Pierre-sur-Dive, était le second fils de Jacques de Silly, Seigneur de Lonray, de Vaux-Pacey, &c., & d’Anne de Prez-en-Pail, sa femme.

Le père de cet Évêque avait été successivement Écuyer d’écurie, Conseiller, Maître d’hôtel & Chambellan du Roi. À la suite d’une mission de confiance qui lui fut donnée par S. M. pour s’opposer à une tentative du Duc de Lorraine contre le duché de Bar, il fut nomme, en 1482, Capitaine de deux cents Archers français de la petite garde du corps du Roi. En 1491, il devint Bailli d’épée de Caen, accompagna Louis XII en Italie en 1495, & fut Maître de l’artillerie de France en 1501 (cette charge ne fut érigée en office de la Couronne qu’un siècle plus tard). Il mourut en 1503. Anne de Prez-en-Pail mourut le 29 octobre 1529. Jacques de Silly fut nommé Évêque de Séez le 26 février 1511. En 1519, Charles, Duc d’Alençon, & Marguerite, sa femme, ayant fondé un monastère de filles à Essei, Jacques de Silly en fit la dédicace. Il consacra trois autres Maisons de femmes de l’Ordre de Sainte-Claire : la première, en 1519, à Alençon ; la seconde à Mortagne, en 1529 ; la troisième à Argenton, la même année. François Rometens lui dédia, en 1520, une édition des lettres de Pic de la Mirandole. Jacques de Silly tint un synode en 1524, dans lequel il publia différentes constitutions. On doit à cet Évêque plusieurs constructions d’une certaine importance ; on y voyait les armoiries de sa famille. Il mourut le 24 avril 1539, dans le village de Fleury, à cinq lieues de Rouen, & fut inhumé dans le chœur de son église épiscopale. (Voy. Gallia christiana, t. XI, p. 702.) — L.

Page 252, lignes 18-9. — Ms. 75762 : « Affin de pouvoir voir à son ayse le fils du Lieutenant, nommé Du Mesnil ». Les éditions de 1558 & 1559 ne nomment pas le fils du Lieutenant. — L.

Page 253, lignes 17-8 : Pensant que, quant il l’entendroit. — Que manque dans le Ms. ; il se trouve dans le Ms. 75762 : « Pensant que, quant il l’entenderoit, cela le chastiroit d’aimer tant », &, dans l’édition de 1558 : « Pensant que, quand il entendroit cela, il se chastiroit de l’aymer tant. » — L.

Page 254, ligne 19 : Suspection. Ms. 75762 : « suspicion ». — L.

Page 257, ligne 1. — Que, nécessaire au sens & sauté dans le Ms., se trouve dans l’édition de 1558. — M.

Page 260, ligne 14. Ms. de Thou : « Il seroit exent de payer les XVe escus qu’il devoit au père du trepassé ». — L.

Page 260, ligne 24-5. Ms. 75762 : « Il nous faut faire de telles images de cire que celles-ci, & celles qui auront les braz pendans se seront ceus que nous ferons mourir, & ceux qui les auront élevées, &c. » — Ms. de Thou : « Parce qu’elle aymoit tant ce vieil serviteur du Mesnil & avoit en tant d’autres choses connu la méchanceté du Procureur ».

Il s’agit ici de cette pratique criminelle & superstitieuse connue sous le nom d’envoûtement, & dont l’histoire nous fournit plusieurs exemples. Elle fut en usage en France jusqu’à la fin du XVIe siècle, & était connue depuis longtemps au commencement du XIVe. M. Léon de Laborde, dans une note curieuse qu’il a faite sur ce sujet, t. Ier, p. 49, de la Renaissance des arts à la Cour de France, &c., (Paris, 1850, in-8o), cite un envoûtement qui remonte au delà de l’année 1316.

En 1330, cette criminelle pratique fut mise en usage par le fameux Robert d’Artois, qui, retiré en Brabant & devenu presque fou de fureur & d’ennui, s’occupait à piquer à coups d’épingle la représentation en cire de Philippe de Valois, son beau-frère, & de la Reine sa sœur. Voy. à ce sujet Mémoires historiques sur le procès de Robert d’Artois, par Lancelot, t. XII & XV des Mémoires de l’Académie des Inscriptions, édit. in-12, t. XV, p. 426. Voy. aussi deux articles publiés dans la Revue de Paris des 21 juillet & 4 août 1839. Pendant la Ligue, cette pratique fut encore mise en usage par les ennemis de Henri III & du Roi de Navarre. — L.

M. Delisle, dans son Inventaire des Manuscrits français de la Bibliothèque nationale, indique (II, 133) que le ms. Harlay, 18,452, contient, entre autres documents relatifs à des affaires criminelles, une pièce de laquelle il résulte que Cosme Ruggier, Florentin, fut accusé, en 1574, d’avoir fait une image de cire contre Charles IX. Voir aussi Laborde, Glossaire des émaux, p. 215 ; Bordier, La veuve de l’Amiral Coligny, 1875, in-8o, p. 39-41, & Thiers, Traité des superstitions, 1689, in-12, p. 138-9. — M.

Page 261, lignes 3-4. — Le chancelier d’Alençon, Jean Brinon. « Guillaume Brinon, seigneur de Villaines, vivoit l’an 1440 & eut pour fils Guillaume Brinon, Procureur en la Cour de Parlement de Paris, enterré en l’église de Saint-Séverin, où il avoit une chapelle. Il fut père de Guillaume Brinon, aussi Procureur, lequel le fut de Jean Brinon, premier Président du Parlement de Rouen, dont la postérité s’éteignit en son fils Jean. » (T. I, p. 43, d’un recueil manuscrit intitulé : Les Familles de Paris. Biblioth. de l’Arsenal ; Hist. franç., 756, in-fol.)

M. Floquet, dans son Histoire du Parlement de Normandie, dit, à propos du Président Jean de Brinon : « Celui que nous voyions, en 1517, haranguer François Ier, négociateur habile, qui, d’abord en Italie (1521), puis en Angleterre (1524), rendit d’éminents services & la France ; homme des anciens temps, que le poëte Le Chandelier compare aux Aristide, aux Fabricius, aux Scipion ; qui, comme eux, après une vie passée dans les hauts emplois & dans le maniement des plus importantes affaires, n’était pas plus riche qu’à son entrée en charge, que dis-je ? voulant être encore, après sa mort, utile à son pays, affectait par testament trente acres de terre au soulagement des prisonniers de la Conciergerie de Rouen. » T. Ier, p. 463.

Dans un curieux Mémoire pour servir à l’histoire du village & de l’ancienne seigneurie de Médan, près Poissy, inséré t. IX, p. 3, du Bulletin du Bibliophile, année 1849, M. Jérôme Pichon parle en ces termes de Jean Brinon : « Pernelle Perdrier porta la seigneurie de Medan à Jean Brinon, dont la famille était alliée à celle de sa mère, & dont le père, Guillaume Brinon, Conseiller au Parlement en 1472 & 1490, était Seigneur de Villaines, village voisin de Médan & relevant féodalement du comté de Dreux. Jean Brinon, Conseiller au Parlement en 1498, devint premier Président du Parlement de Rouen. Il était mort le 11 mai 1528, avant que Pernelle Perdrier, sa veuve, fit hommage au Roi du fief de Marcilly, de la haulte justice de Médan & des Bruyères, leurs appartenances & dépendances, mouvants du Roi à cause de sa châtellenie de Poissy, & en outre d’Auteuil & de Boissy-sans-Avoir, mouvants de Montfort-l’Amaury. »

Jean Brinon était dans les bonnes grâces de Marguerite ; plusieurs lettres de cette Princesse lui sont adressées. Il fut présent au contrat de mariage de Marguerite avec Henri, roi de Navarre. Il prend les qualités suivantes : « Jehan Brinon, Chancelier, Seigneur de Villaines, de Remy & Autheuil, Conseiller du Roy & premier Président de sa Court séant à Rouen, Chancelier d’Alençon & de Berry. » (Voyez p. 444 des Lettres de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier, &c., publiées par F. Génin, Paris, 1841, in-8o. — L.

« (1528.) Au dict an, samedy, quatriesme avril, avant Pasques, trespassa à Paris Monsieur Brinon, premier Président de Rouen, & Chancelier d’Alençon ; & fut inhumé en l’église de Saint-Severin & avoit environ quarante-quatre ans ; il estoit fort homme de bien & bon justicier & estimé en science & église. » (Journal d’un Bourgeois de Paris sous le règne de François Ier, &c., p. 341.) — L.

M. Paul Lacroix (Hept. 1858, p. 23), fait remarquer que la Bibliothèque Françoise de La Croix du Maine range Jean Brinon parmi les écrivains pour un poême intitulé Les Amours de Sydire.

Il avait deux devises anagrammatiques, une française : RIEN BON N’Y HA (Jehan Brynon), & une latine : RUINA BONIS (Janus Brino). — M.

Page 261, ligne 17. Ms.. de Thou : « Et avoit en tant d’autres choses connu la méchanceté du Procureur. » — L.

Page 262, ligne 9. — Le Prévost de Paris nommé La Barre. Jean de La Barre, Prévôt & Gouverneur de Paris, était, en 1522, Bailli de Paris. Cette dernière charge, par un édit du mois de mai 1526, fut réunie à celle de la Prévôté. Jean de La Barre exerça les fonctions de Prévôt de Paris jusqu’au mois de mars de l’année 1533, époque de sa mort. Ses obsèques ont eu lieu à Paris avec un grand cérémonial. (Voy. l’Histoire de Paris de Félibien, T. V, p. 342.)

Jean de La Barre a joui, sous le règne de François Ier, d’une assez grande faveur. Fait prisonnier avec ce Prince à Pavie, il demeura constamment près de lui, comme un des serviteurs attachés à sa personne. On a de Jean de La Barre plusieurs lettres, une, entre autres, adressée à Louise de Savoie, en date du 4 mars 1525, dans laquelle il rend compte des premiers jours de la captivité du Roi. (Voy. Aimé Champollion, Captivité de François Ier, &c.), p. 132 ; voy., pour d’autres lettres, le recueil des Lettres de Marguerite, publié par M. Génin.) — L.

— Il sera encore question de Jean de La Barre dans la LXIII Nouvelle, &, à ce propos, M. Le Roux de Lincy avait mis dans ses additions (iii, 300) : « Dans le Journal d’un Bourgeois de Paris sous le règne de François Ier, publié récemment par M. Lalanne pour la Société de l’Histoire de France (1854, in-8o, p. 125), à l’année 1522 on lit: « Audict an le Roy créa & ordonna à tousjours en la ville de Paris un Bailliage pour estre divisé & hors de la Prévosté de Paris & pour en faire une jurisdiction à part & pour, par icelle, congnoistre des causes des privilégiés de l’Université de Paris, &, pour ce faire, y establit & ordonna un Baillif, lequel se nommoit Monsieur de la Barre, qui estoit l’un de ses mignous, natif de Paris & de pauvres gens, auquel il donna ledict Bailliage gratis, à cause qu’il estoit en sa grâce, &c. »

« (1534.) En l’an 1533, au commencement de mars, mourut à Paris Monsieur le Prévost de Paris, nommé de La Barre, en l’hostel de Monsieur Poncher, Général de Languedoc. Et estoit lors le Roy à Paris, en son chasteau du Louvre ; y eut grand triomphe à son obsèque & fut porté inhumer à sa seigneurie de Veretz, près Tours. » — L.

— On avait lu & imprimé Verity ; c’est Véretz qu’il faut lire; on trouvera dans les comptes des Batiments du Roi au XVIe siècle de M. de Laborde, publiés récemment par la Société de l’histoire de l’art français, de fréquentes mentions de ce Prévost de Paris, tantôt sous son nom, tantôt sous celui de Comte d’Etampes & de Seigneur de Véretz. — M.

Page 262, ligne 21. (I) Ms. de Thou: « Et sa mort commuée en quelque autre preve peine corporelle. » — L.

Page 262, ligne 23. Aux Galeires de Saint-Blancard; Ms. 75762, Le manusc. que nous suivons portait : Saint-Blanchet. — L.

Voici l’explication de ce passage, que je dois à l’obligeance de M. Tollon, juge au tribunal de Marseille. Je cite textuellement la lettre qu’il a bien voulu m’écrire à ce sujet :

« Honoré Bouche, dans son Histoire chronologique de Provence, t. II, p. 554, après avoir raconté comment le Roi François Ier, se rendant prisonnier en Espagne, s’arrêta aux îles Sainte-Marguerite le 21 juin 1525, ajoute : Après le passage du Roy en Espagne, les affectionnez au bien de la France, considerant combien il etoit important à l’Etat d’avoir plusieurs galères à la mer Méditerranée, ordonnèrent d’en faire promptement treize en la ville de Marseilles, quatre pour le baron de Saint-Blancart, tout autant pour André Doria, &c. Il résulte de là que cette Nouvelle a été composée après l’année 1525, ce qui n’est pas une découverte bien importante ni bien nécessaire. Mais j’y trouverai quelque chose de mieux ; si le moindre doute pouvait exister encore sur le véritable auteur de l’Heptaméron, la phrase citée plus haut fournirait, à mon avis, un grand argument en faveur de la Reine de Navarre, une Princesse pouvant seule parler sur ce ton de familiarité d’un personnage dont la position était si élevée. »

Bernard d’Ormezan, baron de Saint-Blancard, Amiral des mers du Levant, conservateur des ports & tour d’Aigues-Mortes, était, en 1521, Général des galères du Roi. En 1523, il battit l’armée navale de Charles-Quint, &, deux ans plus tard, il recevait le titre de citoyen de Marseille. Il ne mourut qu’après 1538. Il fut chargé de conduire Marguerite en Espagne. Dans une lettre, du 26 octobre 1525, au Chancelier d’Alençon, cette Princesse écrivait : « Le pauvre baron de Saint-Blancard feist quelques frais extraordinaires pour mon voyage, dont, à ce que j’ay entendu, il n’a esté remboursé. Je vous prie l’avoir pour recommandé & qu’il congnoisse que je ne suis ingrate du bon service qu’il m’a fait, car il s’y est acquitté de sorte que j’ay occasion de m’en louer. » (Lettres de Marguerite d’Angoulême, &c., publiées par M. Génin ; Paris, 1841, in-8o, p. 193.) L’éditeur des Lettres de Marguerite, dans sa note sur Saint-Blancart, a confondu l’Amiral avec son fils Jacques, dont la fille unique a porté la baronnie de Saint-Blancart dans la maison de Gontaut. Bernard de Saint-Blancart s’était chargé d’enlever François Ier prisonnier en mer, quand ce Roi fut transporté d’Italie en Espagne. Voy. une lettre qu’il a écrite à Louise de Savoie, Régente, p. 181, du volume de M. Aimé Champollion-Figeac sur la Captivité de François Ier. Paris, 1847, in-4o. (Collection des Documents inédits relatifs à l’Histoire de France.) — L.

Page 263, ligne 31. Ms. 75762. Le manusc. que nous suivons portait : « Par une chose véritable, &c. » — L.

II. — Vertu d’une Muletière d’Amboise.

« 1530, mois de Juillet. Historique. Amboise. » — L.

Les événements de cette Nouvelle, qui paraissent véritables, ont dû se passer après le mois d’Août 1530, époque où Marguerite accoucha d’un fils, nommé Jean, qui ne vécut que deux mois. — L.

Page 265, ligne 10. — Amboise est sur la rive gauche de la Loire ; il n’y a jamais eu & il n’y a encore aujourd’hui rien sur la rive droite, mais, plus près du côté d’Amboise que de l’autre, il y a aux deux tiers du pont une île avec des maisons. La Muletière logée au delà des ponts demeurait nécessairement dans l’île de la Loire. Par conséquent l’église de Saint-Florentin, qui était dans le château, était loin de sa maison. — M.

Page 268, lignes 6-7. — Print par force celle que n’avoit plus de deffense. Brantôme a cité cette Nouvelle dans l’article de Marie Stuart (Éd. Lalanne, vii, 438). Il vient de dire que le bourreau resta seul avec le cadavre de la Reine décapitée : « Cependant la deschaussa & la mania à sa discrétion. On doubte s’il luy en fist de me ce misérable Mulletier dans les Cent Nouvelles de la Reyne de Navarre à l’endroit de cette pauvre femme qu’il tua. Il arrive des tentations aux hommes plus estranges que celle-là. Après qu’il heut faict ce qu’il vouloit, le corps fut porté en une chambre joignante celle de ses serviteurs… » — M.

Page 269, ligne 16. — Elle n’était pas en effet femme de la Ville puisqu’elle demeurait dans l’île de la Loire, au milieu du pont. Voir une note de la page précédente. — M.

Page 269, ligne 17. Ms. de Thou : « De l’accompagner & honorer. » — L.

Page 270, lignes 13-5. — « Le livre de vie ». Voir Apocalypse, III, 5 ; XIII, 8 ; XV, 8 ; XX, 12, 15 ; XXI, 27 ; XXII, 19. — M.

Page 270, ligne 30. — (1) Et sur toutes à une ; Ms. de Thou. — Ms. 75762 : « Et sur toutes à Ennasuite. » — L.

III. — D’une Reine de Naples.

« Vers 1450. Historique. Naples. » — L.

Page 273, ligne 10. — Du temps du Roy Alphonse. Le Roi, à qui est attribuée l’aventure racontée dans cette Nouvelle, doit être Alphonse V, Roi d’Aragon & de Sicile, surnommé le Savant ou le Magnanime. Heureux compétiteur du Roi René au trône de Naples, il l’occupa paisiblement depuis 1443 jusqu’à sa mort, qui arriva en 1458. Il avait épousé, le 29 juin 1415, Marie fille d’Henri III, Roi de Castille. Il vécut en fort mauvaise intelligence avec cette Princesse, qui ne mit jamais le pied en Italie, suivant les auteurs de l’Art de vérifier les dates. Ajoutons que, mariée en 1415, la Reine Marie ne devait plus être de la première jeunesse en 1443, ce qui nous porte à croire que la Reine de Navarre a reculé à dessein l’époque où cette aventure très vraisemblable a eu lieu. Du reste, suivant Muratori, les mœurs du Roi Alphonse étaient des plus licencieuses. — L.

— Brantôme a fait allusion à cette troisième Nouvelle dans son premier Discours des Dames galantes, à la suite d’un récit que nous n’avons pas à reproduire : « Dans les Cent Nouvelles de la Reyne de Navarre y a celle & très belle de la Reyne de Naples, quasi pareille à celle-cy, qui de mesme se vengea du Roy son mary, mais la fin n’en fut si tragique. » Éd. Lalanne, ix, 84. — M.

Page 273, ligne 11. — Duquel la lasciveté estoit le sceptre de son royaume, c’est-à-dire qui faisoit servir son autorité souveraine à arriver à l’accomplissement de ses desirs amoureux. — M.

Page 273, ligne 16. — Éd. de 1558 : « Jusques à un caresme entrant. » — L.

Page 274, ligne 25 : « loing » ; Ms. 75762 : « longtemps ». — L.

Page 274, ligne 18 : Ce qu’il veut ; Ms. 75762. Le manusc. que nous suivons portait : « Ce qu’il veoyt ».

Page 275, ligne 5. — Et pour ne perdre la présence du Roy. Leçon de l’éd. de 1558. Notre Ms. donne seulement… sa présence, qui fait amphibologie. — M.

Page 275, ligne 26. Délibéra le rendre ; Éd. de 1558 : « Pensa rendre la pareille au Roy. » — L.

Page 277, ligne 6. Éd. de 1558 : « Le Gentilhomme lui dist : Madame. » — L.

Page 278, ligne 23 : Ms. 75762. Ces mots manquent dans le manusc. que nous suivons. — L.

Page 279, ligne 14. — Qui estes si parfaictes que. Il y a, dans le Ms. & dans l’édition de 1558, « estant », qui laisse la phrase boiteuse. — M.

Page 280, ligne 1. — Jouèrent la vengeance dont la passion avoit esté importable. Cette phrase est une allusion aux Mystères ou pièces de théâtre religieuses, dont les représentations étaient si fréquentes aux XV & XVIe siècles. Le Mystère de la Vengeance vient, dans l’ordre chronologique des faits, après les Mystères de la Passion & de la Résurrection. Il contient la représentation des malheurs qui ont frappé les auteurs principaux de la mort de Jésus-Christ, de Ponce Pilate entre autres. Il se termine par la prise de Jérusalem & la destruction de cette ville par l’armée de Titus. Voy. l’analyse de ce Mystère, t. II, p. 352, de l’Histoire du Théâtre Français, des frères Parfait. — L.

Page 281, lignes 3-4. — « Autrefois il y avait dans tous les châteaux une Galerie ornée de bois de cerfs & d’autres trophées de chasse. Mais, à Naples, il est d’usage de placer à l’entrée des maisons un bois de cerf, ou bien une corne d’élan, pour crever le mauvais œil ou détourner la fâcheuse influente du regard de certaines personnes qu’on accuse d’être messagères de malheur. Les préservatifs « du mauvais œil sont l’index & le petit doigt de la main étendue, les cornes, les poignards, les pointes de toutes sortes, &c. » — P. Lacroix, éd. de 1858, p. 33.

IV. — Folle outrecuidance d’un Gentilhomme vis-à-vis d’une Princesse.

De 1520 à 1526. Historique. — L.

Page 285, ligne 13. — Il y avoit au pays de Flandres, &c. Brantôme, dans ses Vies des Hommes illustres & grands Capitaines françois, t. II, p. 162, dit, à propos de l’Amiral Bonnivet : « Il y a un conte dans les Nouvelles de la Reyne de Navarre, qui parle d’un Seigneur, favory d’un Roy, qui, l’ayant convié en une de ses maisons & toute sa Court, avoit faict une trappelle en sa chambre, qui alloit en la ruelle du lict d’une grande Princesse, pour coucher avec elle, comme il fist & y coucha, mais, comme dict le conte, il n’en tira que des esgratigaures ; toutefois c’est assavoir. Ce conte est de luy, mais je ne nommeray point la Princesse. »

Et aussi dans les Dames galantes, Discours IV, t. VII, [368], des Œuvres complètes, en parlant de Mme de Chastillon : « Ce fut celle-là qui bailla ce beau conseil à cette Dame & grande Princesse qui est escrit dans les Cent Nouvelles de la dite Reine, d’elle & d’un Gentilhomme qui avoit coulé la nuict dans son lict par une trappelle dans la ruelle & en vouloit jouir ; mais il n’y gagna que de belles esgratignures dans son beau visage, &, elle s’en voulant plaindre à son frère, elle luy fit cette belle remonstrance qu’on verra dans cette Nouvelle, &c… Et si voulez sçavoir de qui la Nouvelle s’entend, c’estoit de la Reyne mesme de Navarre & de l’Admiral de Bonnivet, ainsi que je tiens de ma feue grande mère, dont pourtant me semble que la dite Reyne n’en devoit celer son nom, puisque l’autre ne peut rien gagner sur sa chasteté. »

L’assertion de Brantôme est généralement regardée comme vraie. Il faut observer cependant que Marguerite a eu le soin de mettre dans son récit plusieurs circonstances de nature à dérouter les curieux. Ainsi Marguerite n’était pas veuve de deux époux, puisque le Roi de Navarre lui a survécu ; elle avait une fille de son second mariage, tandis que la Princesse de Flandre mise en scène n’avait pas d’enfants vivants de ses deux époux. La tentative de l’Amiral de Bonnivet ne peut avoir eu lieu qu’avant la bataille de Pavie (mars 1525), puisque ce beau & hardi séducteur y fut tué. En représentant la Princesse comme veuve, Marguerite a eu sans doute la pensée de rendre moins criminelle la conduite du Gentilhomme. Marguerite a pris soin de dire dans cette Nouvelle que le galant si maltraité était un des plus beaux hommes de son temps. Ce trait s’applique parfaitement à l’Amiral de Bonnivet, dont un portrait au crayon se trouve à la Bibliothèque nationale, au Cabinet des estampes (trois volumes in-fol. de portraits au crayon, t. Ier).

L’Amiral de Bonnivet joue dans l’Heptaméron un rôle assez important ; il est question de lui dans plusieurs Nouvelles, & celle qui porte le no xv lui est entièrement consacrée. C’est pourquoi nous croyons devoir donner, d’après l’Histoire généalogique du Père Anselme (t. VII, p. 880), une note biographique sur ce personnage :

« Guillaume Gouffier, cinquième fils de Guillaume Gouffier, Seigneur de Boissy, & de Philippe de Montmorency, sa seconde femme, Seigneur de Bonnivet, de Crèvecœur, de Thois & de Querdes, Chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, Amiral de France, Gouverneur de Dauphiné, de Guienne & de la personne de Monseigneur le Dauphin, gagna les bonnes grâces de François Ier, auprès duquel il avoit été élevé & qui l’employa dans toutes les grandes affaires de son temps. Il s’étoit signalé au siège de Gènes, en 1507, & à la journée des Éperons en 1513. Après la mort de l’Amiral de Graville, il fut honoré de la charge d’Amiral de France, le 31 décembre 1517, & donna quittance, en cette qualité & celle de Chambellan ordinaire du Roi, le dernier juillet 1518, pour avoir assisté, comme l’un des Commissaires du Roi, à l’assemblée des trois États de Normandie, tenue à Rouen au mois d’août précédent. Ce Prince l’envoya, en 1518, en Allemagne, pour y négocier en sa faveur auprès des Princes Électeurs de l’Empire. Étant de retour, il fut fait Gouverneur du Dauphiné & de la personne de Monseigneur le Dauphin en 1519, & dépéché la même année en ambassade extraordinaire en Angleterre, pour y conclure la paix & une alliance entre les deux couronnes. C’est par son moyen que se fist l’entrevue de François Ier & de Henri VIII, en 1520, entre les villes d’Ardres & de Calais. En suite il fut Gouverneur de Guienne, en 1521, & chef de l’armée envoyée en Navarre, avec laquelle il prit Fontarabie. Il passa de là en Italie en qualité de Lieutenant général de l’armée du Roi, mit le siège devant Milan en 1523, qu’il fut obligé de lever, &, l’année suivante, eut encore le malheur d’être défait à la retraite de Rebec ; enfin il perdit la vie le 24 février 1524, à la bataille de Pavie, dont il avait été le principal auteur, contre l’opinion des plus anciens & plus expérimentés capitaines. »

Brantôme a consacré une notice assez étendue à l’Amiral de Bonnivet. Voy. Capitaines françois (édition Lalanne, III, 61-9). — L.

— « J’ay ouy raconter à une Dame de grande qualité & ancienne, que feu M. le Cardinal du Bellay avoit espousė, estant Évesque & Cardinal, Madame de Chastillon & est mort marié, & le disoit sur un propos qu’elle tenoit à M. de Manne, Provençal, de la maison de Seulal & Évesque de Fréjus, lequel avoit suivy l’espace de quiuze ans en la Cour de Rome ledit Cardinal & avoit esté de ses privez Protonotaires, &, venant à parler dudit Cardinal, elle lui demanda s’il ne luy avoit jamais dit & confessé qu’il eust esté marié. Qui fut estonné ? ce fut M. de Manne de telle demande. Il est encore vivant, qui pourra dire si je mens, car j’y estois. Il respondit que jamais il n’en avoit ouy parler, ny à luy ny à d’autres. « Or, je vous l’apprens donc », dit-elle, « car il n’y a rien de si vray qu’il a esté marié & est mort marié réellement avec ladite Dame de Chastillon. » Je vous asseure que j’en ris bien, contemplant la contenance estonnée dudit M. de Manne, qui estoit fort conscientieux & religieux, qui pensoit savoir tous les secrets de son feu Maistre, mais il estoit de Gallice pour celuy-là ; aussi estoit-il scandaleux, pour le rang saint qu’il tenoit. Cette Madame de Chastillon estoit la veufve de feu M. Chastillon, qu’on disoit qui gouvernoit le petit Roy Charles huitiesme avec Bourdillon & Bonneval, qui gouvernoient le sang royal. Il mourut à Ferrare, ayant esté blessé au siège de Ravenne, & là fut porté pour se faire penser.

« Cette Dame demeura veufve fort jeune & belle, sage & vertueuse, & pour cela fut eslue pour Dame d’honneur de la feue Reyne de Navarre. Ce fut celle-là qui bailla ce beau conseil à cette dame et grande Princesse, qui est escrit dans les Cent Nouvelles de ladite Reyne, d’elle & d’un Gentilhomme qui avoit coulé la nuict dans son lit par une trappelle dans la ruelle & en vouloit jouir, mais il n’y gagna que de belles esgratigneures dans son beau visage. Elle s’en voulaut plaindre à son frère, elle luy fit cette belle remonstrance qu’on verra dans cette Nouvelle & lui donna ce beau conseil, qui est un des beaux & des plus sages, & des plus propres pour fuyr scandale qu’on eust sçeu donner, & fust-ce esté un Premier Président de Paris, & qui moustroit bien pourtant que la Dame estoit bien autant rusée & fine en tels mystères que sage & advisée, & pour ce, ne faut douter si elle tint son cas secret avec son Cardinal. Ma grande-mère, Madame la Séneschalle de Poitou, eut sa place après sa mort, par l’élection du roy François, qui la nomma & l’esleut, & l’envoya quérir jusques en sa maison, & la donna de sa main à la Reyne sa sœur pour la connoistre très-sage & très-vertueuse Dame, mais non si fine, ny rusée, ny accorte en telle chose que sa précédente, ny convolée en secondes nopces.

« Et si voulez sçavoir de qui la Nouvelle s’entend, c’estoit de la Reyne mesme de Navarre & de l’Amiral de Bonnivet, ainsi que je tiens de ma feue grande-mère, dont pourtant me semble que ladite Reyne n’en devoit céler son nom, puis que l’autre ne peut rien gagner sur sa chasteté & s’en alla en confusion, & qui vouloit divulguer le fait, sans la belle & sage remonstrance que lui fit cette dite Dame d’honneur Madame de Chastillon ; & quiconque l’a leue la trouvera telle, & je crois que M. le Cardinal, son dit mary, qui estoit l’un des mieux disants, sçavants, éloquents, sages & advisez de son temps, luy avoit mis cette science dans le corps pour dire & remonstrer si bien. Ce conte pourroit être un peu scandaleux, à cause de la sainte & religieuse profession de l’autre ; mais, qui le voudra faire, il faut qu’il desguise le nom. Et, si ce trait a esté tenu secret touchant ce mariage, celui de M. le Cardinal de Chastillon dernier n’a pas esté de même ; car il le divulgua & publia luy-mesme assez, sans emprunter de trompette, & est mort marié sans laisser sa grande robbe & bonnet rouge. D’un costé, il s’excusoit sur la religion réformée, qu’il tenoit fermement, &, de l’autre, sur ce qu’il vouloit tenir son rang tousjours & ne le quitter (ce qu’il n’eust fait autrement), & entrer en Conseil, là où entrant il pouvoit beaucoup servir à sa religion & à son party, ainsi que certes il estoit très-capable, très-suffisant & très-grand personnage. Je pense que mon-dit sieur Cardinal du Bellay en a peu faire de mesme ; car, de ce temps-là, il penchoit fort à la religion & doctrine de Luther, ainsi que la Cour de France en estoit un peu abreuvée, car toutes choses nouvelles plaisent, & aussi que ladite doctrine licentioit assez gentiment les personnes, & mesme les ecclésiastiques, au mariage. Or, ne parlons plus de ces gens d’honneur, pour la révérence grande que nous devons à leur Ordre & à leurs saints grades ». Brantôme, éd. Lalanne IX, 678-80.

Page 286, ligne 7. Éd. de 1558 : « Qui estoit de joyeuse vie, qui estoit la meilleure compagnie qu’il estoit possible. » — L.

Page 289, ligne 20. — Il trouva son mirouer sur sa table. On sait la petitesse des anciennes glaces, qui n’ont été longtemps pas plus grandes que des miroirs à main. Celui de Marie de Médicis, qui lui fut offert par la République de Venise & qui est enrichi des camées les plus précieux, est un des honneurs de la galerie d’Apollon au Louvre ; on en sait la petitesse, comme aussi celle des carrés, de la taille de petites vitres, qui, sous Louis XIV, ont été employées pour la Galerie des glaces de Versailles. Avant de devenir de la grandeur d’un panneau, les glaces, quand elles ont grandi, n’ont été d’abord que des cadres suspendus au mur. — M.

Page 289, lignes 24-5. — Chemise dorée. C’est-à-dire agrémentée de broderies de fil d’or. On en voit dans les portraits peints de l’École de Janet, où ces broderies forment un dessin courant sur les bords du col & de l’ouverture de la poitrine. Voir les Comptes des Bâtiments du Roi au XVIe siècle de M. de Laborde, publiés par la Société de l’histoire de l’art français, II, 379 : « Une chemise à ouvrage d’or ; une chemise à ouvrage blanc. » Les deux belles chemises de toile de Hollande, « ouvrées richement de filz d’or & de soye, au prix de six escus pièce » (II, 401), sont à usage de femme. — M.

Page 291, lignes 26-7. Éd. de 1558 : « Laissez faire à l’amour & la honte, qui le sçauront mieux tourmenter que vous, & le faictes pour vostre honneur ». — L.

Page 294, lignes 2-3. Var. en correction du Ms. 75762. Le manusc. que nous suivons portait : « Qu’ilz la fuient le plus qu’ilz peuvent. — L.

V. — Comment une Batelière de Niort échappa à des Cordeliers.

Nulle indication de date. À Coulon, près de Niort. — L.

Page 299, ligne 8. — Au port de Coullon, près de Nyort. Le bourg de Coulon, dans le Poitou, département des Deux-Sèvres, est à onze kilomètres environ de la ville de Niort. Il est situé sur la Sèvre Niortaise, qui en cet endroit a beaucoup de largeur. — L.

Page 302, ligne 1. — Éd. de 1558 : « Eux & la Justice s’y en allèrent ». — L.

Page 302, ligne 7. — « Abscondit se Adam a facic Dei ». Genes. III, 8. — M.

Page 302, ligne 13. — Ms. 75762 : « Fiez vous en ces Beaux Pères ». — L.

Page 302, ligne 14. — L’édit. de 1558 & celle de 1560 ajoutent après « oster à nos femmes » : « Le mary disoit : Ils n’osent toucher l’argent la main nue, & veullent bien manier les cuisses des femmes, qui sont plus dangereuses ». — L.

Page 302, lignes 16-20. « Væ vobis, Scribæ & Pharisæi hypocritæ, quia similes estis sepulcris dealbatis, quæ a foris parent hominibus speciosa, intus vero plena sunt ossibus mortuorum & omni spurcitia. » Matthæi xxiii, 27.

Siquidem ex fructu arbor cognoscitur ». Matthæi xii, 33 ; « Unaquaque enim arbor ex fructu suo cognoscitur ». Lucæ vi, 44. — M.

Page 302, ligne 24. – Éd. de 1560. Ces derniers mots « furent… délivrez » manquaient dans le manusc. que nous suivons. — L.

Page 303, ligne 9. — Le manusc. 75762 ajoute : « qu’il est impossible qu’elles ne soient femmes de bien ». — L.

Page 303, ligne 17. — Après « chasteté » l’édit. de 1558 ajoute : « Que doivent faire celles qui, ayant leur vie acquise, n’ont autre occupation que verser ès sainctes lettres, & à ouyr sermons & prédications, & à s’appliquer & exercer en tout acte de vertu ? » — L.

VI. — Comment une jeune femme profita de ce que son mari était borgne.

Vers 1525. Historique & romanesque. — L.

Il y avoit un vieux valet de chambre de Charles, dernier Duc d’Alençon. Bien que Marguerite attribue l’aventure qui fait le sujet de cette Nouvelle à un des officiers domestiques de son premier mari & nous dise qu’elle est très véritable, il est hors de doute que cette aventure a servi de thème à plusieurs de nos vieux conteurs français. Voici l’indication des principaux ouvrages où elle se trouve :

Pierre Alphonse (Disciplina Clericalis, fabula vii, Paris, 1824, p. 59-61, & dans le Castoiement d’un père à son fils, ibidem, conte VII, De la male Dame, p. 47-50. — M.).

De la Mauvaise Femme ; Fabliaux de Legrand d’Aussy, t. IV, p. 188.

Gesta Romanorum, cap. CXXII. (Violier des histoires romaines, chap. CXLV. — M.)

Boccace, Décaméron, Journ. VII, Nouv. VI.

Cent Nouvelles Nouvelles,Nouv. XVI, intitulée : le Borgne aveugle. (Éd. Wright, I, p. 84-90).

Les imitations en langues italienne, latine ou française, ont été nombreuses depuis la Reine de Navarre. Voy., à ce sujet, l’édition des Cent Nouvelles, &c., Paris, 1841, in-18 — L. — & la note de M. Gustave Brunet au 'Violier, éd. Jannet, p. 419-20. — M.

Page 310, ligne 21. — Éd. de 1558 : « Mais si vous pensez que les finesses des hommes, dont chacun vous estime bien remply, soient plus grandes que celles des femmes, je vous laisse bien mon rang pour nous en compter quelque autre ». — L.

VII. — Finesse d’un Marchant de Paris pour couvrir l’honneur d’une fille.

Historique. Paris. Nulle indication de date. — L.

Page 316, ligne 17. — « On ne sçauroit faire le feu si bas que la fumée n’en sorte ». Adages François, XVIe siècle ; Le Roux de Lincy, Livre des Proverbes Français, 1859, II, p. 362. — M.

VIII. — Mésaventure de Bornet, qui se fait cocu lui-même.

Romanesque. Comté d’Aletz, en Languedoc. Nulle indication de date. — L.

Page 319, ligne 10. — Alais ou Aletz, sur le Gardon, est une ville & un évêché du bas Languedoc, dans le Diocèse de Nîmes, au pied des Cévennes, qui avait le titre de Comté. Il a été possédé par Charles de Valois, Duc d’Angoulême, fils naturel de Charles IX, & son fils, Emmanuel de Valois, est toujours désigné sous le nom de Comte d’Alais. Il passa, par le mariage de sa fille, dans la branche de la Maison de Lorraine établie en France. Un annotateur de Marguerite a désigné à tort Aleth, aussi en Languedoc & sur l’Aude, qui a été un évêché depuis 1319, mais qui n’a jamais été un Comté. — M.

— La même observation que celle que nous avons faite à la note de la Nouvelle vi s’applique à celle-ci. Le tableau des origines & des imitations, que nous donnons plus loin, le prouve suffisamment. Quoi qu’il en soit, il est possible qu’une aventure analogue ait eu lieu à l’époque où vivait la Reine de Navarre. Le nom des personnages & l’état exercé par l’un d’eux donneraient quelque autorité à notre conjecture.

Sous le titre d’Origines, nous citons les ouvrages antérieurs à l’Heptaméron ; sous celui d’Imitations, les ouvrages qui l’ont suivi.

Origines. — Le Meunier d’Aleu, fabliau, par Enguerrand d’Oisy. Fabliaux de Legrand d’Aussy, t. III, p. 256-61. — (M. Francisque Michel en a donné une édition spéciale, Paris, Silvestre, 1833, in-8o de 8 & 16 p. Nous l’avons donné dans notre Recueil de Fabliaux, tome II, 1877, pages 31-45. — M.)

Boccace, Décaméron, Journ. VIII, Nouv. iv.

Poggii Facetiæ : (D’un Foullon d’Angleterre qui fit chevaucher sa femme à son valet, ccXXXVI : Cum essem in Anglia…, Guillaume Tardif, cv, & D’un Meusnier qui fut déçeu de sa femme par lui même ; CCLXIX : Adjicietur inferioribus confabulationibus Mantuæ inter omnes nota… Guillaume Tardif, cx. — M.)

Novelle di Francesco Sacchetti, t. II, Nov. CCVI.

Les Cent Nouvelles nouvelles, Nouv. IX.

(Morlini Novella Lxxxix, De Comite qui adulterum uxorem dedolantem sociavit, éd. Jannet, 153-4. — M.)

Malespini, Ducento Novelle, part. II, Nov. XCVI. (Marguerite n’a pu connaître que Boccace, Pogge par la traduction de Tardif & les Cent Nouvelles. — M.)

(Nous joignons à ces indications huit hexamètres d’un conte analogue, qui se trouve dans un manuscrit du XIVe siècle du Mont-Cassin :

Servus ait domino : « Gratis famulabor in annum
Si facis ut famula qualibet arte fruar. »
Post is herus coïtum ponit sibi servula noctem ;
Ille thoro famulum collocat, hic dominam.
Res casu patuit ; uxorem vir trahit in jus.
Facta refert ; risum facta relata movent ;
Uxor & ancilla laudantur virque monetur,
Ne messem famuli sic eniat ulterius.

I codici e le arti a Monte-Cassino per D. Andrea Caravita (Monte-Cassino, vol. II, in-12, 1870, p. 289. — M.)

Imitations. — Othonis Meleandri Jocondia, p. 298.

Contes latins de Phil. Béroalde ; voy. Poggii Imitationes, éd. Noël, II, p. 245.

Le Hore di Recreazione, &c., del Guicciardini, p. 103.

Folio 44 verso du Premier Recueil de toutes les chansons nouvelles, tant amoureuses, rustiques, que musicales, nouvellement imprimé, prins sur la copie imprimée à Troyes, chez Nicolas du Ruau, 1990, in-18, on trouve une chanson sur le même sujet que cette Nouvelle ; elle a pour titre : Discours facécieux & récréatif d’un certain laboureur d’un village près Paris, qui, pensant jouyr de sa servante, coucha avec sa femme, &c. Cette chanson a été réimprimée dans plusieurs autres recueils des XVIe & XVIIe siècles.

Serées de Bouchet, VIIIe serée. (Éd. Roybet, Paris, Lemerre, 1873, II, 115. — M.).

Facetieuses Journées, &c., p. 213.

La Fontaine, Contes : Les Quiproquo, livre V, conte VII.

Le Passe-Temps agréable, p. 27. — L.

Page 319, lignes 19-20. — Le manusc. de Thou donne cette phrase ainsi : « Auquel change il ne gagnoit que le plaisir qu’apporte quelquefois la diversité des viandes. » — L.

Page 322, ligne 3. — Éd. de 1558 : « Et, en se partant du lict, se joua à elle &, se jouant, luy arracha un anneau. » — L.

Page 322, lignes 25-7 ; Ms. de Thou 75765. Le manusc. que nous suivons, ainsi que plusieurs autres, porte : « Ne serois-je pas bien cocu moi mesme ? ». — L.

Page 325, ligne 1. — Éd. de 1558 : « Qui fut bien esbahy & desesperé ? » — L.

Page 325, lignes 21-2. — Éd. de 1558 : « Hircan & Saffredent ne vouldroient pourchasser les Chambrières de leurs femmes. » — L.

Page 327, lignes 11-3. — Ms. 75762. Au lieu de cette phrase, le manusc. que nous suivons porte, comme l’éd. de 1558 : « Dagoucin, dist Hircan, je vous veulx dire que si nostre amour, &c. » — L.

Page 328, ligne 20. — Dans le Breviarium magnum ad usum Parisiensem, in-folio gothique, 1492, bb8 recto, colonne 2, on trouve, au 28 décembre, dans l’Oratio, le passage cité par Marguerite : « Deus, cujus hodierna die preconium Innocentes martyres, non loquendo sed moriendo, confessi sunt, omnia in nobis viciorum mala mortifica ut fidem tuam, quam lingua nostra loquitur, etiam moribus vita fateatur. Per Dominum, &c. » — M.

Page 328, ligne 26. — Nous avons fait passer dans le texte le puisque ceulx de l’édition de 1558, meilleur que le & ceulx, qui est la leçon du ms. — M.

Page 329, ligne 5. — Ms. 75762. Cette phrase, dans le manusc. que nous suivons, était restée incomplète. — L.

IX. — Vertu d’un Gentilhomme qui mourut d’amour.

Vers 1544, trois ans avant l’époque où Marguerite écrivait. Entre Dauphiné & Provence. — L.

Page 332, ligne 5. — Entre Dauphiné & Provence, &c. Marguerite nous assure que l’événement qui fait le sujet de cette Nouvelle s’était passé depuis trois années. Cela est fort possible, & nous n’avons aucun motif pour révoquer en doute son assertion ; mais nous devons remarquer en même temps qu’il y a une grande analogie entre cette Nouvelle & l’histoire d’un des plus anciens Troubadours dont le nom soit parvenu jusqu’à nous. Nous voulons parler de Geoffroi Rudel de Blaye, qui vivait à la fin du XIIe siècle & qui, au simple récit des perfections morales & physiques dont la Comtesse de Tripoli était douée, devint épris d’elle si éperdument qu’il s’embarqua, déjà bien malade, pour aller la trouver. Arrivé au port de Tripoli, Geoffroi n’eut pas la force de quitter le vaisseau qui l’avait amené. Touchée de tant d’amour, la Comtesse de Tripoli vint le trouver à bord &, lui prenant la main, elle lui fit un accueil bienveillant. Geoffroi put à peine adresser à sa maîtresse quelques paroles de remercîment ; son émotion fut si vive qu’il expira aussitôt. L’histoire de Geoffroi Rudel est racontée d’une manière touchante par J. de Nostredame ; Vies des plus célèbres & anciens Poëtes Provensaux, &c., &c. Lyon, 1575, in-12, p. 23. Voy. aussi Raynouard, Choix des Poésies originales des Troubadours, &c. Paris, 1820, in-8o, t. V, p. 165, & l’Histoire littéraire de la France, &c., t. XIV, sp. 559. — L.

Page 332, lignes 8-9. — Le manusc. 75762 ajoute en marge les corrections suivantes : « Que celuy qui n’avoit aulcune prétente à mieulx se contentoit toutes fois », ou : « que celuy qui ne vouloit prétendre à mieulx s’en contentoit. » — Éd. de 1558 : « Que luy qui l’avoit prétendue meilleure se contentoit très fort. » — L.

Page 335, ligne s. — Ce m’est grand gain de la perdre. Le ms. donne : ce n’est… La correction, ou plutôt la restitution, est absolument évidente. — M.

Page 338, ligne 19. — Fortune ayde aux audatieux. C’est le mot de Virgile : « Audentes fortuna juvat » ; Æn. x, 284.

Page 338, dernière ligne. — Éd. de 1559 : « Ne fut bien assaillie sans être prinse. » — L.

Page 339, lignes 3-4. — Éd. de 1558 : « Que vostre adresse a esté si meschante, veu que vous estimez les femmes toutes pareilles. » — L.

Page 339, lignes 12-3. — Les deux vers du Roman de la Rose sont les vers 14, 832-3 de l’édition de Méon & de M. Francisque Michel. — M.

Page 358, ligne 1. — Éd. de 1558 : « Et puisque la dernière reste m’est donnée… » — L.

X. — Histoire espagnole d’Amadour & de Floride.

De 1503 à 1513. En Espagne & en Roussillou. Historique. — L.

Nous avons tout lieu de croire que cette Nouvelle a été inspirée à la Reine de Navarre par quelque aventure advenue à la cour de Charles VIII & de Louis XII. La Princesse, en déguisant les noms des acteurs principaux, a cependant mêlé à son récit des événements réels. Le début de cette Nouvelle pourrait même donner à penser que Marguerite a fait allusion à une aventure qui lui était personnelle. Cette Comtesse d’Arande restée veuve, toute jeune encore, avec un fils & une fille, cela ressemble beaucoup à Louise de Savoye & à ses deux enfants. Du reste, nous n’avons pas la prétention de soutenir cette supposition, toute gratuite de notre part.

Pour ceux qui voudraient essayer de résoudre ce petit problème historique, voici l’indication de quelques faits qui se sont passés à l’époque où la Reine de Navarre place son récit :

Prise de Salces par les Français, en 1496. Don Henri d’Aragon, comte de Ribagorce, était alors Vice-Roi de Catalogne, & Don Henri Henriquez Gouverneur de Roussillon. — Trêve entre la France & l’Espagne en 1497. — Révolte à Grenade en 1499. — En 1500, révolte des Maures dans les Alpujares ; le Roi Don Fernand y marche en personne. — En 1501, défaite des Espagnols, dans laquelle sont tués Don Alphonse d’Aguilar, Pierre de Sandoval, &c., &c. Le Duc de Najère est envoyé contre eux. — En 1503, une flotte Mauresque, composée de dix flustes, ravage les côtes de Catalogne. Cette même année, le Roi Ferdinand brûle Leucate. — En 1513, le Roi d’Espagne, pour apaiser la querelle existant entre le Comte de Ribagorce & le Comte d’Aranda, charge le P. Jean d’Estuniga, Provincial de l’Ordre de Saint-François, de ménager un accommodement entre eux, au moyen d’un mariage entre la fille aînée du Comte d’Aranda & le fils aîné du Comte de Ribagorce. Ce dernier refuse ; il est banni du royaume. Quant au fils de l’Infant fortuné, ce doit être Don Alphonse d’Aragon, Comte de Ribagorce, Duc de Ségorbe, seul héritier mâle de la Maison de Castille, proposé, en 1506, comme mari de Jeanne la Folle. Son père, Henri d’Aragon, Duc de Ségorbe, avait été surnommé l’Infant de la Fortune, parce qu’il naquit en 1445, après la mort de son père.

Tels sont les événements que la Reine de Navarre a mêlés à un récit dont elle nous déclare avoir changé les noms, les lieux & les pays. — L.

Page 342, lignes 2-3. — Éd. de 1558 : « En son château de la Jafferie ». — L.

Page 342, ligne 14. — Éd. de 1558 : « Or avoit le Viceroy en sa compagnie ». — L.

Page 342, lignes 22-3. — Éd. de 1558 : « De gouverner une république ». — L.

Page 344, lignes 15-6. — Éd. de 1558 : «Mais à cause qu’il estoit puisné, n’avoit pas grand bien de patrimoine ». — L.

Page 345, lignes 1-2. — Éd. de 1558 : « Le Gouverneur de Catalonne la venoit souvent visiter, & n’avoit garde de faillir Amadour à la compagnie pour avoir le plaisir seulement de parler à Florinde ». — L.

Pî»gc 34S, ligne 5. — Éd. de 1558 : « Laquelle avoit estée nourrie d’enfance avec Florinde ». — L.

Page 346, lignes 26-8. — Éd. de 1558 : « S’il est possible que de ceste court elle n’ait tous les cueurs des Princes & des Gentils hommes ». — L.

Page 347, ligne 8. — Ms. 75762. — Ms. de Thou. Dans le manusc. que nous suivons & dans l’édition de 1558, Infant est écrit par un E au commencement. — L.

Page 347, lignes 8-9. — Éd. de 1558 : « Dont l’un estoit de la maison fils de l’Enfant Fortuné, & l’autre estoit le jeune Duc de Cadouce ». — L.

Page 349, ligne 2. — Éd. de 1558 : « Luy promist faire tout son pouvoir. » — L.

Page 350, ligne 7. — Éd. de 1558 : « Se conduisoit si sagement & finement. — L.

Page 350, ligne 26. — Éd. de 1558 : « Durant ce temps escrivoit souvent Amadour à sa femme, mais le plus fort de la lettre estoit des recommandations à Florinde ». — L.

Page 352, ligne 22. — Éd. de 1558 : « Et sur toutes d’une contesse de Pallamons, qu’on estimoit en beauté la première de toutes les Espaignes ». — L.

Page 353, lignes 19-20. — Éd. de 1558 : « Ma dame, je vous prie me vouloir conseiller ». — L.

Page 354, lignes 6-10. — Éd. de 1558 : « L’une parce que j’attendois par long service vous en donner l’expérience ; l’autre, parce que je doubtois que penseriez une grande outrecuidence en moy, qui suis un simple Gentil homme, de m’adresser en lieu qu’il ne m’appartient de regarder ». — L.

Page 358, lignes 21-2. — Édit. de 1558 : « Où je ne demande rien d’advantage que la persuasion ». — L.

Page 360, ligne 1. — Éd. de 1558 : « Amadour jugea par ceste parolle qu’elle estimoit qu’il prenoit plaisir ». — L.

Page 361, ligne 1. — Ms. 75762 : Ces mots par le menu manquent dans le manuscrit que nous suivons. – L.

Page 361, lignes 16-7. — Tant de perdre son plaisir qu’il avoit de paour de trouver mutation à son retour. La phrase est boiteuse ; il suffirait d’ajouter : Tant de perdre,… que de paour de trouver… — M.

Page 361, lignes 22-3. — Éd. de 1558 : « Sinon que la Contesse d’Arande lui donnast sa femme pour compagne ». — L.

Page 361, ligne 25. — Éd. de 1558 : « Que la Contesse & Floride luy promirent » — L.

Page 362, ligne 4. — Ms. 75762. Le manusc. que nous suivons portoit : « Quand Floride seulle ouyt le ». — L.

Page 362, ligne 19. — Ms. 75762. Le manusc. que nous suivons portait, après ce mot logis : « qui fut cause qu’il n’arresta & Barselonne. » – L.

Page 362, lignes 25-6. — Éd. de 1958 : « Car au lieu de compte faudroit faire un bien grand livre ».

Page 363, ligne 8. — Ms. de Thou. Le manusc. que nous suivons & le manusc. 75762 portaient : « Faisoient la guerre guerroyable ». — L.

Page 363, ligne 12. — Ms. 75762. Cette phrase manque dans le manusc. que nous suivons. — L.

Page 364, ligne 2. — Éd. de 1558 : « De mettre le feu à Palamons, & le brusler en la maison où il tenoit fort contre eux ». — L.

Page 366, lignes 27-8. — Ms. 75752 ; éd. de 1558. Le manusc. que nous suivons portait : « Lequel, congnoissant son grand & honneste cueur & l’amour qu’elle luy portoyt ». — L.

Page 369, ligne 9. — Éd. de 1558 : « Dont il tomba en telle maladie ». — L.

Page 371, lignes 3-4. — Éd. de 1558 : « Et en ce disant, se laissa tomber entre ses bras ». — L.

Page 372, lignes 12-4. — Éd. de 1558 : « Car, quand vous avez esté à marier, j’ay si bien sçeu vaincre mon cueur que vous n’avez jamais sçeu congnoistre ma volonté ; mais, maintenant que vous estes mariée… ». — L.

Page 372, lignes 17-20. — Éd. de 1558. Dans le manuscrit que nous suivons, les deux phrases n’en faisaient qu’une : « Car par la force d’amour je vous ay si bien gaingnée que celuy qui premier a eu vostre cueur a si mal poursuivy le corps qu’il a mérité perdre, &c. ». — L.

Page 373, ligne 3. — Après : « ne peuvent pêcher » le Ms. 75762 ajoute en correction : « quoi qu’ils fassent ». — L.

Page 373, ligne 8. — Tout ce passage depuis : « Quand l’amour force, &c. p. 372, ligne 28, n’est pas dans les éditions de 1559 ou 1560 ; on y lit en place les paroles suivantes : « Ne doubtez point que ceulx qui ont esprouvé les forces d’amour ne rejectent le blasme sur vous, qui m’avez tellement ravy ma liberté & esblouy mes sens par vos divines graces que, ne sçachant désormais que faire, je suis contrainct de m’en aller sans espoir de jamais vous reveoir ; asseuré toutesfois que, quelque part où je sois, vous aurez tousjours part du cueur, qui demeurera vostre à jamais, soit sur terre, soit sur eau, ou entre les mains de mes plus cruels ennemis ». — L.

Page 374, lignes 24-6. — Éd. de 1558 : « Par quoy vous fault quant & quant rompre l’espérance que vous avez jamais eue en moy, & vous délibérer qu’en quelque lieu… ». — L.

Page 375, lignes 5-6. — Éd. de 1558 : « En telle rompure ». — L.

Page 379, lignes 4-5.— Marguerite a bien pu mettre : tout le papier d’Espagne ne le saurait contenir, seulement parce que la scène se passe dans ce pays, mais il faut en même temps remarquer que l’Espagne — dont le papier a longtemps été de très petit format, ce qui est une trace d’habitudes anciennes, & qui, depuis l’expulsion des Maures, a vu son industrie & son agriculture décroître de plus en plus — a été antérieurement importante dans l’histoire de la fabrication de papier. C’est au XIIIe siècle que celui-ci a commencé ; ce n’est qu’au XIVe que les fabriques du nord de la France &, par extension, celles de la Hollande & de l’Allemagne, se sont développées. Mais au XIIIe, par conséquent à la première heure, il y a eu, dans la partie la plus méridionale & alors la moins française de notre pays, en particulier dans le Roussillon, des fabriques de papier de chiffe qui ne s’y sont pas maintenues. Comme, — après le papyrus qui, sauf la Sicile, ne se pouvait fabriquer qu’en Égypte, — le papier de coton, dont la matière absolument orientale était nécessairement une importation méditerranéenne, a été jusqu’au XIIIe siècle la fabrication exclusive & comme le monopole de l’Espagne, la difficulté de se procurer la matière première & sa cherté sont ce qui a dû amener à modifier la fabrication & à substituer au coton, dans la pâte de papier, le chiffon de toile, c’est-à-dire la fibre végétale, cette fois occidentale, du lin & du chanvre. Les ouvriers des dernières fabriques de papier de coton ont dû être les premiers ouvriers de celles de papier de chiffe, & il est naturel que la fabrication nouvelle sortît d’Espagne & passât dans le midi de la France & dans l’Italie génoise & florentine avant de remonter au-dessus de la Loire. Ce fait, qui se présente dans des conditions toutes naturelles, serait curieux & important à élucider en détail & à préciser par des documents. C’est au Midi & à l’Espagne que la preuve incomberait, mais les travaux d’érudition n’y sont pas beaucoup plus en honneur que l’industrie. — M.

Page 379, lignes 11-2. — Éd. de 1558 : « Au hazard de laquelle il se mettoit, sa pensée conclue & délibérée, feit tant… » L.

Page 379, ligne 15. — Éd. de 1558 : « Sur Locate, & se hazarda de… ». — L.

Page 382, ligne 14. — Par quoy ne pouvez avoir par force ce que vous demandez. Le sens demanderait « que par force… » — M.

Page 383, ligne 5. — Éd. de 1558 : « Vostre meschanceté & appétit désordonné ». — L.

Page 384, ligne 5. — Éd. de 1558 : a Ainsi que vous avez ouy ». — L.

Page 386, ligne 1. — Éd. de 1558 : « Elle ne l’est point oye ». — L.

Page 386, ligne 10. — Éd. de 1558 : « En ce disant, print congé de luy ». — L.

Page 387, lignes 21-2. — Ms. 7576a. Le manusc. que nous suivons portait : « En volunté de s’en venger ». — L.

Page 387, lignes 24-5. — « Que nulle mort ne sçauroit faire ». L. de L. a mille, ce qui emporterait le pluriel. — M.

Page 395. Table. — Comme les sommaires des Nouvelles sont dans le texte empruntés au manuscrit, nous avons dans les tables copié ceux de Boaistuau, qui expriment autrement la même chose. — M.