L’Heptaméron des nouvelles/Nouvelle 01

Texte établi par Claude Gruget, Vincent Sertenas (p. 7r-10v).

LES NOVVELLES DE LA
ROYNE DE NAVARRE.


Vne femme d’Alençon auoit deux amis, l’un pour le plaiſir, l’autre pour le profit : elle feit tuer celuy des deux, qui premier s’en apperceut, dont elle impetra remißion pour elle & ſon mary fugitif, lequel de puis pour ſauuer quelque argẽt, s’adreſſa à vn Necromancien, & fut leur entreprinſe deſcouuerte, & punie.


PREMIERE NOVVELLE.



En la ville d’Alençon du viuant du Duc Charles dernier Duc, y auoit vn procureur nõmé ſainct Aignan, qui auoit eſpouſé vne gentil-femme du pays, plus belle, que vertueuſe : laquelle pour ſa beauté & legereté, fut fort pourſuyuie d’vn prelat d’Egliſe, duquel ie tairay le nom pour la reuerence de l’eſtat. Qui pour paruenir à ſes fins, entretint ſi bien le mary, que non ſeulemẽt il ne ſ’apperceut du vice de ſa femme, & du prelat, mais qui plus eſt, luy feiſt oublier l’affectiõ qu’il auoit touſiours euë au ſeruice de ſes maiſtre & maiſtreſſe. En ſorte que d’vn loyal ſeruiteur, deuint ſi contraire à eux, qu’il chercha à la fin des inuocations pour faire mourir la Ducheſſe. Or veſquit longuement ce prelat auec ceſte malheureuſe femme, laquelle luy obeiſſoit plus par auarice, que par amour, & auſsi que ſon mary la ſollicitoit de l’entretenir. Mais il y auoit vn ieune homme en ladicte ville d’Alençon fils du lieutenant general, lequel elle aimoit ſi fort, qu’elle en eſtoit demy enragée. Et ſouuent ſ’aidoit de ce prelat pour faire donner commiſſion à ſon mari, à fin de pouuoir voir à ſon aiſe le fils du lieutenant de la ville. Ceſte façon de faire dura ſi long temps, qu’elle auoit pour ſon profit le prelat, & pour ſon plaiſir ledict fils du lieutenant, auquel elle iuroit que toute la bonne chere qu’elle faiſoit au prelat, n’eſtoit que pour continuer la leur plus librement : Et que quelque choſe qu’il y euſt, ce dict prelat n’en auoit eu que la parolle, & qu’il pouuoit eſtre aſſeuré que iamais homme que luy, n’en auroit autre choſe. Vn iour que ſon mary s’en eſtoit allé deuers ce prelat, elle luy demanda congé d’aller aux champs, diſant que l’air de la ville luy eſtoit trop contraire. Et quand elle fut en ſa metairie, eſcriuit incontinent au fils du lieutenant, qu’il ne failliſt à la venir trouuer enuirõ dix heures du ſoir. Ce que feit le pauure ieune homme, mais à l’entrée de la porte trouua la chambriere, qui auoit accouſtumé de le faire entrer, laquelle luy diſt : mon amy, allez ailleurs, car voſtre place eſt prinſe. Et luy penſant que le mary fuſt venu, luy demanda comme tout alloit. La pauure femme ayant pitie de luy, le voyant tant beau ieune & honneſte homme, d’aimer ſi fort, & eſtre ſi peu aimé, luy declara la follie de ſa maiſtreſſe, penſant que quand il entendroit cela, il ſe chaſtiroit de l’aymer tant. Et luy compta comme le prelat n’y faiſoit que d’arriuer & eſtoit couché auec elle : choſe à quoy elle ne s’atendoit pas, car il n’y deuoit venir que le lendemain. Mais ayãt retenu chez luy ſon mary, s’eſtoit deſrobbé de nuict pour la venir voir ſecrettement. Qui fut bien deſeſperé, ce fut le fils du lieutenant, qui encores ne la pouuoit du tout croire. Et ſe cacha en vne maiſon aupres, & veilla iuſques à trois heures apres minuict, tant qu’il veit faillir le prelat dehors, non ſi bien deſguisé, qu’il ne le cogneuſt plus qu’il ne vouloit. Et en ce deſeſpoir s’en retourna à Alençon, ou bien toſt apres ſa meſchante amie alla, qui le cuidant abuſer comme elle auoit accouſtumé, vint parler à luy. Mais il luy diſt qu’elle eſtoit trop ſaincte, ayãt touché aux choſes ſacrées, pour parler à vn pecheur cõme luy, duquel la repentance eſtoit ſi grande, qu’il eſperoit bien toſt que le peché luy ſeroit pardonné. Quãd elle entendit que ſon cas eſtoit deſcouuert, & que excuſe, iurement, & promeſſe de plus n’y retourner n’y ſeruoient de rien, elle en feit la plainte à ſon prelat. Et apres auoit bien conſulté la matiere, vint ceſte femme dire à ſon mary, qu’elle ne pouuoit plus demeurer en la ville d’Alençon, pource que le fils du lieutenãt qu’elle auoit tant eſtimé de ſes amis, la pourchaſſoit inceſſamment de ſon honneur : & le pria de ſe tenir à Argentan, pour oſter toute ſuſpicion. Le mari qui ſe laiſſoit gouuerner à elle, s’y accorda. Mais ils ne furent pas longuement audict Argentan, que ceſte malheureuſe manda au fils du lieutenant, qu’il eſtoit le plus meſchant homme du monde, & qu’elle auoit bien ſceu que publiquement il auoit dict mal d’elle & du prelat, dont elle mettroit peine de l’en faire repentir. Ce ieune homme qui n’en auoit iamais parlé qu’à elle meſme, & qui craignoit d’eſtre mis en la malle grace du prelat, s’en alla à Argentan auec deux de ſes ſeruiteurs. Et trouua ſa damoiſelle à veſpres aux Iacobins, ou il ſ’en vint agenouiller aupres d’elle, & luy diſt : Madame, ie viens icy pour vous iurer deuant Dieu, que ie ne parlay iamais de voſtre honneur à perſonne du monde, qu’à vous meſmes. Vous m’auez faict vn ſi meſchant tour, que ie ne vous ay pas dict la moitié des iniures que vous meritez. Car s’il y a homme ou femme qui vueille dire que iamais i’en aye parlé ie ſuis icy venu pour le deſmentir deuant vous. Elle uoyant que beaucoup de peuple eſtoit en l’Egliſe, & qu’il eſtoit accompaigné de deux bons ſeruiteurs, ſe contraignit de parler le plus gracieuſement qu’il luy fut poſsible, luy diſant qu’elle ne faiſoit nulle doubte qu’il ne diſt verité, & qu’elle l’eſtimoit trop homme de bien pour dire mal de perſonne du monde, & encores moins d’elle, qui luy portoit tant d’amitié. Mais que ſon mari en auoit entendu quelques propos : parquoy elle le prioit, qu’il vouluſt dire deuãt luy qu’il n’en auoit point parlé, & qu’il n’en croyoit rien. Ce qu’il luy accorda tres-volontiers : & la penſant accompaigner à ſon logis, la print par deſſoubs les bras : mais elle luy diſt, qu’il ne ſeroit pas bon qu’il vint auec elle, & que ſon mari penſeroit qu’elle luy feit porter ces parolles. Et en prenant vn de ſes ſeruiteurs par la mãche de ſa robbe, luy diſt : Laiſſez moy ceſtui-cy, & incontinẽt qu’il ſera temps, ie vous enuoyray querir par luy : mais en attendant, allez vous repoſer en voſtre logis. Luy qui ne ſe doubtoit point de ſa conſpiration, s’y en alla. Elle donna à ſoupper au ſeruiteur qu’elle auoit retenu, qui luy demandoit ſouuent, quand il ſeroit temps d’aller querir ſon maiſtre. Elle luy reſpondit touſiours, qu’il viendroit aſſez toſt. Et quand il fut minuict, enuoya ſecrettement de ſes ſeruiteurs querir le ieune homme, qui ne ſe doubtant du mal qu’on luy preparoit, ſ’en alla hardimẽt en la maiſon dudict ſainct Aignan : auq̃l lieu la damoiſelle entretenoit ſon ſeruiteur, de ſorte qu’il n’en auoit qu’vn auec luy. Et quãd il fut à l’ẽtrée de la maiſon, le ſeruiteur qui le menoit, luy diſt que la damoiſelle vouloit bien parler à luy auant ſon mary, & qu’elle l’attendoit en vne chambre, ou il n’y auoit que l’vn de ſes ſeruiteurs auec elle, & qu’il ſeroit biẽ de renuoyer l’autre par la porte de deuãt. Ce qu’il feit. Et en montant vn petit degré obſcur, le procureur de ſainct Aignan, qui auoit mis des gens en embuſche dedans vne garderobbe, commença à ouyr le bruit, & en demandant qu’eſtce, luy fut dict, que c’eſtoit vn homme qui vouloit ſecrettement entrer en ſa maiſon. A l’heure vn nommé Thomas Guerin, qui faiſoit meſtier d’eſtre meurtrier, & qui pour faire ceſte execution eſtoir loüé du procureur, vint dõner tant de coups d’eſpée à ce pauure ieune hõme, que quelque defence qu’il peut faire, ne ſe peut garder qu’il ne tombaſt mort entre leurs mains. Le ſeruiteur qui parloit à la damoiſelle, luy diſt : i’ay ouy mon maiſtre qui parle en ce degré, ie m’en vois à luy. La damoiſelle le retint, & luy diſt : Ne vous ſouciez, il viendra aſſez toſt. Et peu apres oyant que ſon maiſtre diſoit : ie me meurs, ie recõmande à Dieu mon eſprit, il le voulut aller ſecourir : mais elle le retint, luy diſant ne vous ſouciez, mon mary l’a chaſtié de ſes ieuneſſes, allons voir que c’eſt. Et en s’appuiant ſur le bout du degré, demanda à ſon mary, Et puis, eſt-ce faict ? lequel luy diſt : venez y voir. A ceſte heure vous ai-ie vẽgée de celuy qui vous a tant faict de honte. Et en diſant cela donna d’vn poignart qu’il auoit dix ou douze coups dedans le ventre de celuy, que viuant il n’euſt oſé aſſaillir. Apres que l’homicide fut faict, & que les deux ſeruiteurs du treſpaſsé ſ’en furent fuiz pour en dire les nouuelles au pauure pere, penſant ledict ſainct Aignan que la choſe ne pouuoit eſtre tenuë ſecrette, regarda que les ſeruiteurs du mort ne debuoient point eſtre creuz en teſmoignage, & que perſonne en ſa maiſon n’auoit veu le faict, finõ les meurtriers, vne vieille chãbriere & vne ieune fille de quinze ans. Par quoy voulut ſecrettement prendre la vieille : mais elle trouuva façon d’eſchapper de ſes mains, & ſ’en alla en frãchiſe aux Iacobins, qui fut le plus ſeur teſmoing que lon ait eu de ce meurtre. La ieune chambriere demoura quelques iours en ſa maiſon : mais il trouua façon de la faire ſuborner par l’vn des meurtriers, & la mena à Paris au lieu public, à fin qu’elle ne fuſt plus creuë en teſmoignage. Et pour celer ſon meurtre, feit bruſler le corps du pauure treſpaſsé : & les oz qui ne furẽt conſommez par le feu, les feit mettre dedans du mortier, là ou il faiſoit baſtir en ſa maiſon. Et enuoya à la court en diligence demander ſa grace, donnant à entendre qu’il auoit pluſieurs fois defendu ſa maiſon à vn perſonnage, dont il auoit ſuſpicion qu’il pourchaſſoit le deshonneur de ſa femme. Lequel nonobſtant ſa defence eſtoit venu de nuict en lieu ſuſpect pour parler à elle. Parquoy le trouuant à l’entrée de ſa chambre plus rempli de colere que de raiſon, l’auoit tué. Mais il ne peut ſi toſt faire deſpecher ſa lettre à la chancellerie, que le Duc & la Ducheſſe ne fuſſent par le pauure pere aduertiz du cas : leſquels pour empeſcher ceſte grace, enuoyerent au chancellier. Ce malheureux voyant qu’il ne la pouuoit obtenir, s’enfuit en Angleterre, & ſa femme auec luy, & pluſieurs de ſes parents. Mais auant que partir, diſt au meurtrier qui à ſa requeſte auoit faict le coup, qu’il auoit eu lettres expreſſes du Roy, pour le prendre & faire mourir. Mais à cauſe des ſeruices qu’il luy auoit faicts, il luy vouloit ſauuer la vie. Et luy dõna dix eſcuz pour s’en aller hors du royaume : ce qu’il feit, & oncques puis ne fut trouué. Ce meurtre icy fut ſi bien verifié tant par les ſeruiteurs du treſpaſſé, que par la chãbriere qui s’eſtoit retirée aux Iacobins, & par les oz qui furent trouuez dans le mortier, que le proces fut faict & parfaict en l’abſence dudict fainct Aignan & de ſa femme, & furent iugez par contumace, condamnez tous deux à la mort, leurs biens confiſquez au prince, & quinze cens eſcuz au pere pour les fraiz du proces. Ledict ſainct Aignan eſtant en Angleterre, voyant que par la iuſtice il eſtoit mort en France, feit tant par ſon ſeruice enuers pluſieurs grands ſeigneurs, & par la faueur des parents de ſa femme, que le Roy d’Angleterre, feit requeſte au Roy de luy vouloir donner ſa grace, & le remettre en ſes biens & honneurs. Mais le Roy ayant entendu le vilain & enorme cas, enuoya le proces au Roy d’Angleterre, le priant de regarder ſi c’eſtoit cas qui meritaſt grace, & luy diſant que le Duc d’Alençon auoit ſeul ce priuilege en ſon royaume de donner grace en ſa duché. Mais pour toutes ſes excuſes n’appaiſa point le Roy d’Angleterre, lequel le pourchaſſa ſi treſinſtamment, qu’à la fin le procureur l’eut à ſa requeſte, & retourna en ſa maiſon. Or pour acheuer ſa meſchanceté, s’accointa d’vn inuocateur nommé Gallery, eſperant que par ſon art il ſeroit exempt de payer leſdicts quinze cens eſcuz, qu’il deuoit au pere du treſpaſſé. Et pour ce faire s’en allerent à Paris deſguiſez, ſa femme & lui. Et voyãt ſa dicte femme qu’il eſtoit ſi longuement enfermé en vne chambre auecques le dict Gallery & qu’il ne luy diſoit point la raiſon pourquoy, vn matin elle l’eſpia, & veit que ledict Gallery luy monſtroit cinq images de bois, dont les trois auoient les mains pendantes, & les deux leuées contremont. Et parlant au procureur, luy diſoit : il nous fault faire de telles images de cire que ceux-cy, & celles qui auront les bras pendans, ſeront ceux que nous ferõs mourir. Et ceux qui les eſleuent, ſeront ceux que qui voudrons auoir la bonne grace & amour. Et le procureur diſoit : ceſte cy ſera pour le Roy, de qui ie veux eſtre aymé, & ceſte cy pour monſieur le chancelier d’Alençon Brinon. Gallery luy diſt : Il fault mettre les images ſoubs l’autel ou ils oyront leur meſſe, auecques des parolles, que ie vous feray dire à l’heure. Et en parlant de celles qui auoient les bras baiſſez, diſt le procureur que l’vne eſtoit pour maiſtre Gilles du Meſnil pere du treſpaſsé. Car il ſçauoit bien, que tant qu’il viuroit, il ne ceſſeroit de le pourſuyre. Et vne des femmes qui auoient les mains pendantes, eſtoit pour ma dame la Ducheſſe d’Alençon ſœur du Roy, parce qu’elle aimoit tant ce vieil ſeruiteur du Meſnil, & auoit en tant d’autres choſes cogneu la meſchanceté du procureur, que ſi elle ne mouroit, il ne pourroit viure. La ſeconde femme ayant les bras pendans, eſtoit pour la femme, laquelle eſtoit cauſe de tout ſon mal, & ſe tenoit ſeur que iamais n’amẽderoit ſa meſchante vie. Quand ſa femme qui voioit tout par le pertuis de la porte, entendit qu’il la mettoit au reng des treſpaſſez, ſe penſa qu’elle luy enuiroit le premier. Et faignant d’aller emprunter de l’argent, à vn ſien oncle, maiſtre des requeſtes, dudict Duc d’Alançon, luy va compter ce qu’elle avoit veu & oy de ſon mari. Ledict oncle, comme bon vieillard ſeruiteur, s’en alla au chancellier d’Alençon, & luy compta toute l’hiſtoire. Et pource que le Duc & la Ducheſſe d’Alençon n’eſtoient point ce iour à la court, ledict chancelier alla compter ce cas eſtrange à ma dame la regente mere du Roy, & à la Ducheſſe, qui ſoudainement enuoya querir le preuoſt de Paris nommé la Barre, lequel feiſt ſi bonne diligence, qu’il print le procureur & Gallery ſon inuocateur, leſquels ſans gehenne & contraincte, confeſſerent librement la debte, & fut leur proces faict & rapporté au roy. Quelques vns voulans ſauuer leur vie, luy dirent qu’ils ne cherchoient que ſa bonne grace en leurs enchantements. Mais le Roy ayant la vie de ſa ſœur auſsi chere que la ſienne, commanda que lon donnaſt la ſentence telle, que s’ils l’euſſent attenté à ſa perſonne propre ! Toutesfois ſa ſœur la Ducheſſe d’Alençon, le ſupplia que la vie fuſt ſauuée audict procureur, & de commuer ſa mort en quelque autre griefue peine corporelle. Ce qui luy fut octroyé, & furent luy & Gallery enuoyez à Marſeille aux galleres de ſainct Blanquart, ou ils finerent leurs iours en grande captiuité, & eurent loiſir de recongnoiſtre la grauité de leurs pechez. Et la mauuaiſe femme en l’abſence de ſon mari, continua ſon peché plus que iamais, & mourut miſerablement.

Ie vous ſupplie, mes dames, regardez quel mal il vient pour vne meſchante femme, combien de maulx ſe feirent par le peché de ceſte cy. Vous trouuerez que depuis que Eue feit pecher Adam, toutes les femmes ont prins poſſeſsion de tourmenter, tuer, & damner les hommes. Quand eſt de moy i’en ay tant experimenté la cruaulté, que ie ne penſe iamais mourir que par le deſeſpoir enquoy vne m’a mis. Et ſuis encores ſi fol que fault que ie confeſſe que ceſt enfer lá, m’eſt plus plaiſant venãt de ſa main, que le paradis donné de celle d’vn autre. Parlamente faignant n’entendre point que ce fuſt pour elle qu’il tenoit tels propos, luy diſt : Puis que l’enfer eſt auſsi plaiſant que vous dictes, vous ne debuez point craindre le diable qui vous y a mis. Mais il luy reſpondit en colere : Si mon diable deuenoit auſsi noir quil m’a eſté mauuais, il feroit autãt de peur à la cõpaignie, que ie prends plaiſir à le regarder. Mais le feu de l’amour me faict oublier celuy de ceſt enfer. Et pour n’en parler plus auãt, ie donne ma voix à madame Oiſile, eſtãt ſeur, que ſi elle vouloit dire des femmes, ce qu’elle en ſçait, elle fauoriſeroit mon opinion. A l’heure toute la compaignie ſe tourna vers elle, la priant vouloir commencer : ce qu’elle accepta & en riant commença à dire : Il me ſemble, mes dames, que celuy qui m’a donné ſa voix, a tant dict de mal des femmes par vne hiſtoire veritable d’vne malheureuſe, que ie doibs rememorer tous mes vieux ans pour en trouuer vne, dont la vertu puiſſe deſmentir ſa mauuaiſe opinion. Et pource qu’il m’en eſt venuë vne au deuant digne de n’eſtre miſe en oubli, ie la vous vay compter.