Imprimerie Franco-Américaine (p. 106-107).

CHAPITRE XX

Repentir et réconciliation



Quand Saint-Ybars reprit ses sens, il était dans le pavillon du wharf ; tous les membres de la famille l’entouraient. L’ouragan était passé ; tout était tranquille ; on n’entendait que le clapotement ordinaire de l’eau sous le wharf. Parmi les personnes présentes était le médicin de l’habitation ; il recommanda à Saint-Ybars de ne pas parler, et il lui fit prendre toutes les dix minutes une cuillerée de vin de Madère.

Huit esclaves, mis à la disposition du médecin, attendaient ses ordres. Saint-Ybars avait été placé sur un lit de repos. Deux traverses furent passées sous la couchette, et quatre nègres l’enlevèrent ; les quatre autres suivirent, pour relayer leurs camarades. Toute la famille suivit la civière, à pied, silencieuse, recueillie. Démon, pansé par le médecin, portait un bandeau ; il tenait sa mère par la main. À côté de lui marchait Chant-d’Oisel. Il avait l’air grave et pensif ; sa sœur était abattue, ses yeux portaient encore la trace de ses larmes.

À quelque distance, derrière le cortège des parents, Nogolka et Pélasge marchaient ensemble, lui calme et réfléchi comme toujours, elle horriblement triste.

La grande avenue étant encombrée de débris, on prit le chemin des charrettes. Au moment d’arriver, Pélasge parlant à voix basse, demanda à Nogolka ce qu’elle pensait de l’affreuse journée qui finissait.

« J’ai de bien noirs pressentiments, répondit-elle ; le malheur est entré aujourd’hui dans cette maison ; je crois qu’il n’est pas près d’en sortir. »

Dans la soirée, Saint-Ybars fit appeler Pélasge, et lui dit en présence de sa famille :

« On m’a appris, Monsieur, tout ce que vous aviez fait pour nous sauver, mon fils et moi ; je vous en remercie du plus profond de mon cœur. Je regrette infiniment de vous avoir offensé ce matin ; faites-moi l’honneur, je vous prie, d’agréer mes excuses. »

Pélasge serra la main que Saint-Ybars lui tendait, et répondit :

« Tout est oublié, Monsieur. »