L’Escole des filles/9-1

(auteur présumé)
Texte établi par Poulet-Malassis, Bruxelles, aux dépens des dames de la rue des Cailles (p. 77-79).

ADVERTISSEMENT
AUX DAMES


Mes belles dames, il y aura encore quelque chose à profiter icy pour vous, et après avoir contenté les plus pressées dans le précédent discours, vous verrez que ce dialogue icy ne mérite pas moins de porter le titre, sur la fin, de la Philosophie des Dames, pour les belles et rares difficultés qui y sont expliquées, que celuy qu’il continue de porter, de l’Escole des Filles. Je ne doute point, mes dames, que vous ne soyez assez bien instruites à toutes les mignardises et délicatesses de l’amour, et que vous ne sçachiez mettre en pratique, encore mieux que l’on ne sçauroit dire, tout ce que l’art et la nature ont inventé de plus ingénieux pour les rendre plus désirables. Mais il y en a toujours quelques unes entre vous qui font déshonneur à leur sexe, et c’est une honte de les voir ainsi belles, grandes et bien formées qu’elles sont, néanmoins, pour avoir esté mal instruites, après plusieurs années d’escole et d’apprentissage, se tenir immobiles au lict comme des souches aux plus vifs attouchements, ne respondre que froidement aux plus chaudes caresses qui leur sont faites, et n’avoir pas l’esprit de dire seulement ce qu’elles sentent. La faute vient sans doute de ce qu’elles n’ont pas eu la théorie avant la practique, et elles méritent pour cela d’estre renvoyées à l’Escole, pour y apprendre les commencements avec les filles. Pour vous, mes dames, qui estes montées jusques à la première classe et qui estes passées maistresses dans ceste Escole, et qui sçavez les moyens, quand il vous plaist, pour enyvrer un amant de vos moindres faveurs et luy faire sentir mille morts délicieuses avant qu’il soit venu jusques à la dernière, c’est à vous que je dédie ces hauts raisonnements, tirés de la plus subtile doctrine de l’amour. Ils ne sont pas indignes de vostre attention, et vous y trouverez infailliblement des nouveautés qui occuperont vostre esprit à les lire et à les examiner, pour peu que vous incliniez aux belles choses. J’ose mesme croire, mes dames, que vous en ferez vostre profit, comme j’ay dit, et que dans vos esbats particuliers, ayant l’imagination remplie de ces agréables idées, ceux qui auront l’honneur de vous posséder prenant part à vos pensées, vous unirez vos corps par de plus douces estraintes et ferez des embrassements plus mols et plus voluptueux, à vostre grande satisfaction.