L’Escole des filles/9

(auteur présumé)
Texte établi par Poulet-Malassis, Bruxelles, aux dépens des dames de la rue des Cailles (p. 27-76).

L’ESCOLE DES FILLES
OU
LA PHILOSOPHIE DES DAMES


DIVISÉE EN DEUX DIALOGUES

PREMIER DIALOGUE

SUSANNE ET FANCHON, personnages.

Susanne. Bon jour, Fanchon.

Fanchon. Ha ! bon jour, ma cousine, et vous soiez la bien venue. Mon Dieu ! que je suis ravie de vous voir ! et quel bon vent vous ameine donc icy à cette heure que ma mère n’y est pas ?

Susanne. Rien du tout que pour te voir, m’amie, et causer un petit avec toy, car il m’ennuyoit, je t’asseure, et il y avoit trop longtemps que je ne t’avois point veüe.

Fanchon. Que vous ne m’aviez point veüe ? Vrayement je vous suis bien obligée de tant de peine. Et ne vous plaist-il donc pas de vous asseoir ? Vous voiez, il n’y a icy personne que moy, avec nostre servante.

Susanne. Pauvre fille, que fais-tu là ? Tu travailles.

Fanchon. Ouy.

Susanne. Hélas ! je pense que c’est là ton plus grand affaire, car tu ne sors presque point de la maison, et les femmes te peuvent bien venir voir à ta chambre si elles veulent, car pour les hommes, c’est comme un couvent de religieuses, et il n’y en entre non plus que s’il n’en estoit point au monde.

Fanchon. Hélas ! je vous laisse dire, ma cousine. Mais aussi, que ferois-je des hommes, à vostre advis, s’il n’y en a point qui pense à moi ? Et puis ma mère dit que je ne suis pas encore assez bonne à marier.

Susanne. Pas bonne à marier (1) ! une fille de seize ans, grande et grasse comme tu es ! Voilà bien débuté pour une mère qui devroit songer à ton plaisir autant comme elle a fait au sien. Et où est l’amour et charité des pères et mères envers leurs enfants ? Mais ce n’est point encore cela que je te voulois dire, car, dis-moy, au pis-aller, es-tu simple de croire qu’on ne puisse avoir compagnie d’homme sans estre mariée ?

Fanchon. Nenny vrayement, vous ne me dites rien de nouveau, et ne sçavez vous pas aussi qu’il en vient icy assez souvent.

Susanne. Qui sont-ils donc, ces hommes-là ? car je n’en vois point.

Fanchon. Qui ils sont ? ah ! il y a premièrement mes deux oncles, mon parrain, monsieur de Beaumont, mon cousin de la Mothe, et tant d’autres.

Susanne. Holà ! c’est bien de ceux-là que j’entends ! ce sont des parens, ceux-là, mais je dis des estrangers, moy.

Fanchon. Et bien ! des estrangers, n’y a-t-il point du Verger, du Moulin, monsieur de Lorme et le jeune monsieur Robinet, que je devois nommer le premier, car il y vient assez souvent, luy, et me dit assez de fois qu’il m’aime et bien d’autres choses où je ne comprends rien. Mais à quoy me sert cela ? je n’ai pas plus de plaisir avec ces hommes-là qu’avec ma mère et ma tante qui me font rire quelquefois, et j’ayme mieux qu’il n’en vienne point du tout, que de voir ces simagrées qu’ils font (2) ; car quand je parle à eux, ils sont toujours avec plus de cérémonie et me regardent avec des yeux comme s’ils avoient envie de me manger, et au bout du compte ne me disent point un mot qui vaille ; et quand ils s’en retournent, à leur dire, ils sont aussi peu contents comme quand ils estoient venus, et voilà bien de quoy me contenter ; pour moy je suis lasse de tant de façons.

Susanne. Mais ne te disent-ils pas quelquefois que tu es belle, et ne te veulent-ils pas baiser ou toucher en quelque endroit ?

Fanchon. Ho ! ouy bien pour cela, ma cousine ; mais Dieu ! qui est-ce qui vous l’a donc dit ? Je pense que vous devinez ou que vous estiez derrière eux quand ils me parloient, car je vous asseure que c’est la plus grande partie de ce qu’ils me content, de dire que je suis belle, et quelquefois ils approchent leur bouche de la mienne pour me baiser et me veulent mettre les mains sur les tétons ; ils disent bien qu’ils prennent plaisir à toucher cela, mais pour moy je dis que je n’y en prends pas.

Susanne. Et les laisses-tu faire quand ils veulent faire ces actions-là ?

(3) Fanchon. Vrayement nenny, car ma mère m’a dit que ce n’estoit pas bien fait de souffrir ces choses-là.

Susanne. Hé ! que tu es innocente quand je t’écoute parler, et que tu es encore ignorante en tout ce que tu dis.

Fanchon. Et qu’est-ce donc à dire cela, ma cousine ? et y a-t-il quelque chose à sçavoir que je ne sçache point ?

Susanne. Il y a tout, et tu ne sais rien.

Fanchon. Dites-le moy donc, de grâce, afin que je l’apprenne.

Susanne. Voilà ce que c’est d’escouter toujours une mère et prester jamais l’oreille aux paroles des hommes.

Fanchon. Et qu’est-ce que les hommes nous apprennent tant, ceux-là qu’on dit estre si méchants.

(4) Susanne. Hélas ! je le sçay depuis peu, ce qu’ils nous apprennent, à mon grand plaisir. Ils ne sont pas si meschants que tu penses, mon enfant, mais tu es aussi esloignée de le sçavoir qu’un aveugle de voir clair, et tant que tu seras privée de leur compagnie et de leurs conseils, tu seras toujours dans une stupidité et ignorance qui ne te donnera jamais aucun plaisir au monde. Car, dis-moy, en l’estat où tu es, comme une fille qui est toujours avec sa mère, quel plaisir as-tu que tu me puisses dire ?

Fanchon. Quel plaisir ? j’en ay plusieurs, ma cousine. Je mange quand j’ay faim, je bois quand j’ay soif, je dors quand j’ay sommeil, je ris, je chante, je danse, je saute, je vais me promener quelquefois aux champs avec ma mère.

Susanne. Tout cela est bel et bon, mais tout le monde n’en fait-il pas de même ?

Fanchon. Et comment donc, ma cousine, y a-t-il quelque sorte de plaisir que tout le monde n’a pas ?

(5) Susanne. Vrayement ouy, puisqu’il y en a un que tu n’as pas, lequel vaut mieux que tous les autres ensemble, tout ainsi que le vin vaut mieux que l’eau de la rivière.

Fanchon. Je demeure maintenant d’accord que je ne sçais pas tout, ma cousine, et ne sçais non plus quel est ce plaisir dont vous me parlez, si vous ne me le montrez autrement.

Susanne. Mais est-il possible que ces hommes à qui tu parles si souvent, et particulièrement monsieur Robinet, ne t’en ayent rien dit ?

Fanchon. Non, je vous asseure, ma cousine ; si c’est quelque chose de bon, ils n’ont pas eu la charité de me le dire.

Susanne. Comment, si c’est quelque chose de bon ! C’est la meilleure chose du monde. Mais ce qui m’estonne plus que le reste, c’est que monsieur Robinet ne t’en ayt rien dit, luy qui t’a toujours montré plus d’affection que les autres ; il faut que tu luy ayes rendu quelque desplaisir.

(6) Fanchon. Hélas ! au contraire, ma cousine ; il le sçait bien, et quand il soupire et se plaint auprès de moy, bien loin que ce soit moy qui luy cause ce mal, je luy demande toujours ce qu’il a et luy proteste toujours de bon cœur que je voudrois pouvoir quelque chose pour son soulagement.

Susanne. Ah ! je commence à cette heure à comprendre votre mal à tous deux. Mais quand il dit qu’il t’aime, ne luy dis-tu point que tu l’aimes aussi ?

Fanchon. Non, ma cousine, car à quoy cela serviroit-il ? Si je croiois que cela fust bon à quelque chose, je le luy dirois, mais comme il n’est bon à rien, je ne me sçaurois contraindre à luy dire.

Susanne. Voilà qui t’a trompée, pauvre fille, car si tu luy avois dit que tu l’aimes, il t’auroit infailliblement monstré le plaisir que je te veux apprendre, mais il n’a eu garde jusques icy, puisqu’il luy estoit impossible à moins que tu ne l’aimasses.

Fanchon. Certes, vous me dites là une chose estrange, ma cousine, que pour aimer un homme de la sorte, on doit avoir tant de plaisir ; car il me semble que quand j’aimerois Robinet et cent mille autres avec luy, je n’y en aurois pas davantage qu’en ne les aimant point.

Susanne. Cela seroit bon à dire, grosse sotte, si on estoit toujours à se regarder, mais que penses-tu ? dame, on se touche quelquefois.

Fanchon. Mais je l’ay aussi touché plusieurs fois, et bien d’autres garçons aussi, mais je n’ay point eu pour cela plus de plaisir.

Susanne. Tu ne touchois que les habits, mais falloit toucher autre chose.

Fanchon. Oh ! de grâce, ma cousine, ne me faites plus languir, si vous m’aimez, car je n’entends rien à tout cela ; dites moy naïvement ce que je devois faire pour estre si contente avec luy.

(7) Susanne. Pour ne te plus tenir en suspens, tu dois sçavoir qu’un garçon et une fille prennent ensemble le plus grand plaisir du monde, et si cela ne leur couste rien du monde.

Fanchon. Ha ! ma cousine, que j’ay desjà d’envie de le sçavoir. Hé ! qu’est-ce, et comment est-ce ?

Susanne. Donne toy patience, et je te diray tout. N’as-tu jamais veu un homme qui fust tout nud ?

Fanchon. Non, jamais en ma vie ; j’ay bien vu quelquefois des petits garçons.

(8) Susanne. Tout cela n’est rien ; il faut qu’ils soyent grands, tout au moins de l’âge de dix et sept ans, et que la fille en ayt quinze.

Fanchon. Cela estant, non, je n’en ay donc point veu.

Susanne. Escoute, ma pauvre cousine, je t’aime trop pour te rien celer : n’en as-tu pas veu quelqu’un qui pissât, et cest affaire avec quoy il pisse ?

(9) Fanchon. Ouy, bien cela, ma cousine ; j’en ay une fois vu un dans la rue qui pissoit contre une muraille, et qui tenoit quelque chose en la main que je ne pouvois deviner, et comme il me vit venir du long du mur, il se retourna vers moy, et me fit voir comme un bout de boudin blanc qui estoit assez long, dont je m’esmerveillai que je n’en avois point de pareil.

Susanne. Et c’est tant mieux, pauvre ignorante, que tu n’en ayes point, car cela feroit que tu ne pourrois recevoir ce grand plaisir, mais je te diray encore à ceste heure bien des choses dont tu seras encore plus estonnée.

Fanchon. Ma cousine, vous m’obligerez, mais que je vous dise encore ceci auparavant : n’y a-t-il que les garçons et les filles qui peuvent avoir ce plaisir ?

Susanne. Vrayement, nous sommes bien loin de compte, il y en a de toutes les façons (10) ; il y a premièrement donc les garçons et les filles, et il y a les messieurs et les dames, qui est une autre façon, et de plus les maris et les femmes, mais tout cela s’appelle communément les hommes et les femmes.

Fanchon. N’y a-t-il pas de différence entre eux pour ceste chose-là ?

Susanne. Le mary et la femme, cela est bon, vois-tu, mais il n’est pas encore si bon que les autres, à cause qu’il est plus ordinaire et que c’est leur pain quotidien ; car c’est la difficulté et la rareté qui rend cela un petit meilleur, d’où vient que les femmes, pour prévenir à tout, quand elles sont mariées elles ont toujours des messieurs qui le leur font en cachette, à cause que le mary ne le veut pas et qu’il en seroit jaloux s’il le sçavoit.

Fanchon. Et pourquoy ne le veut-il pas ?

Susanne. C’est un autre fait, et nous le dirons tantost pourquoy, mais le mary va bien chercher aussi ailleurs quand il est dégousté de sa femme, et tesmoin ton père qui a donné le plaisir à Marguerite, la servante que vous avez chassée. C’est pour cela que vous eustes tant de bruict dernièrement au logis. Hé bien ! ta mère, qui est encore belle et qui sçait cela, penses-tu qu’elle n’ait pas quelques messieurs, en secret, qui lui viennent faire ?

Fanchon. Je ne sçais pas, ma cousine, mais les messieurs et dames, qu’est-ce ?

Susanne. Celui-là est bien-plus plaisant que les autres. Les messieurs, ce sont des personnes bien faites, mariez ou d’âge pour l’estre, qui cherchent à donner le plaisir aux femmes, et Paris en est tout plein ; et les dames sont les femmes mariées ou veufves qui sont encore belles, et la plupart de grande condition, à qui les messieurs viennent donner le plaisir chez elles.

Fanchon. Vous me surprenez, ma cousine ; et les garçons ?

(11) Susanne. Les garçons et les filles, c’est le plus plaisant de tout, parce qu’ils sont plus frais et plus jeunes et que la jeunesse est bien plus propre à cela. Mais desquels dirons-nous, à ton avis, pour t’instruire ?

Fanchon. Ma cousine, disons des garçons, qu’il y a plus de plaisir.

Susanne. Des garçons, soit. Premièrement, il faut que tu sçaches que cest engin avec quoy les garçons pissent s’appelle un vit.

Fanchon. Ah ! vous jurez, ma cousine.

Susanne. Patience, non fait ; hé ! que tu es importune et qu’il faut bien vrayement que tu ostes tous ces scrupules, si tu veux que je te die quelque chose dont tu seras tantost ravie.

Fanchon. Hé bien ! j’escouteray tout ce que vous voudrez.

(12) Susanne. Je dirai encore cul, con, vit et coüillons.

Fanchon. Hé bien ! il n’importe.

Susanne. Cest engin donc avec quoy les garçons pissent s’appelle un vit, et quelquefois il s’entend par le membre, le manche, le nerf, le dard et la lance d’amour, et quand un garçon est tout nud, on voit cela qui lui pend au bas du ventre, comme une longue tette de vache, à l’endroit où nous n’avons qu’un trou pour pisser.

Fanchon. Oh ! quelle merveille !

(13) Susanne. De plus, il y a deux ballottes dessoubs, qui pendent dans une bourse, qui s’appellent deux coüillons, mais il ne faut pas les nommer devant le monde, et qui sont de la forme, à les toucher, de deux grosses olives d’Espagne ; et tout cela est environné d’un poil frisotté, de mesme qu’aux filles, et qui sied bien à le voir à l’entour.

Fanchon. Je comprends ce que vous me dites, ma cousine, mais pourquoy est-il fait comme cela aux hommes, et à quoy leur peut-il servir ? ce n’est pas seulement pour pisser, autrement ils n’en auroient pas plus à faire que nous.

Susanne. Tiens, m’amour, c’est avec cela qu’ils nous donnent ce plaisir, car quand un garçon aime bien une fille (14), voici comment il luy fait quand il la rencontre seule en quelque part. Il se met à genoux devant elle et luy demande, le plus gracieusement du monde : — M’aimez-vous bien, ma bonne ? car je vous aime bien aussi ; — et tandis qu’il luy dit cela, il la regarde avec des yeux mourants, comme s’il avoit envie à se tuer pour elle, et si la fille luy dit : — Ouy, — alors il se relève, et la prend de force de corps, et la porte sur le lict, où il la couche à la renverse, et puis il luy trousse la cotte et la chemise, et luy fait ouvrir les cuisses bien large, pendant qu’il dénoue l’aiguillette de son haut-de-chausse pour se descouvrir aussi. Et quand il a fait, il se couche comme cela sur le ventre de la fille, et lui fourre, dans le trou par où elle pisse, ce long engin, avec le plus grand plaisir et délice du monde.

Fanchon. Je suis grandement estonnée de ce que vous me contez là, ma cousine. Mais comment peut-il faire pour entrer là dedans cest engin qui est si mol et si flasque ? Faut donc qu’il l’enfonce avec les doigts.

(15) Susanne. Hé ! pauvre idiote ! il n’est pas toujours si mol quand cela arrive. Au contraire, quand il le fait voir à la fille, il est tout changé et ne paroist plus ce qu’il estoit auparavant ; il est grossi et allongé de moitié, il est dur et roide comme un baston, et à force de se bander comme je dis, il y a une peau vers le bout qui se retire contre le ventre et descouvre une teste qui est faite comme un gros bigarreau rouge, et cela est plaisant à toucher au possible.

Fanchon. Et quand il bande, comme vous dites, c’est alors qu’il le fourre dans le trou de la fille ?

(16) Susanne. Vrayement ouy, car il ne le pourroit autrement, mais c’est encore un autre plaisir de voir la peine qu’il se donne pour le faire entrer, car cela n’entre pas tout d’un coup, comme tu pourrois imaginer, mais petit à petit, et le garçon est quelquefois tout en eau avant que le tout soit dedans, à cause que le trou de la fille n’est pas assez large, et c’est là encore où il y a du plaisir, parce que la fille sent l’engin du garçon qui l’entr’ouvre à force et qui frotte fort contre les bords du con, ce qui la chatouille doucement et voluptueusement.

Fanchon. J’aurois peur, au contraire, que cela ne luy fist du mal.

Susanne. Point du tout, mon cœur, et cela luy fait grand bien. Il est bien vray que le premier coup de vit que l’on luy donne, en le luy mettant dedans, elle sent une petite cuisson, à cause qu’elle n’y est pas accoustumée, mais par après, cela ne fait plus que chatouiller et exciter le plus grand plaisir du monde.

(17) Fanchon. Et l’engin de la fille, comment l’appelez-vous ?

Susanne. Je l’appelle un con, et quelquefois il s’entend par le bas, le chose, le trou mignon, le trou velu, etc. Et quand un garçon fait cela à une fille, cela s’appelle mettre vit au con, ou bien l’on dit qu’il la fout, la chevauche, et les garçons nous apprennent à dire cela quand ils nous tiennent. Mais garde-toi bien d’en parler devant le monde, car on dit que ce sont des vilains mots qui font rougir les filles quand on les leur prononce.

(18) Fanchon. O ! je n’ai garde, vrayement, mais comment fait donc le garçon, ma cousine, pour faire entrer cest engin roide dedans le con ?

Susanne. Il n’a pas plus tôt adjusté dans le trou de la fille, qu’il le pousse du croupion, et puis se retire un peu arrière, puis repousse plus fort avant, et la fille pousse aussi de son costé, pour l’enfiler mieux, tant que le tout soit dedans, et elle sent cependant remuer les fesses du garçon qui est dessus elle.

Fanchon. Il faut donc qu’il remue toujours, sans arrester aucunement ?

Susanne. Vrayement ouy.

Fanchon. Et comment fait-il donc pour pouvoir remuer si à propos en le faisant entrer petit à petit ?

Susanne. Tiens, voilà, comme il fait, regarde comme je remue, et tandis qu’elle le voit ainsi remuer, elle l’embrasse, elle le baise à la bouche, elle le touche à l’estomach, tantost aux fesses et aux cuisses, l’appelant son cœur et son âme, et sent cependant son vit qui luy entre dans le con avec la plus grande douceur qu’on se puisse imaginer.

Fanchon. Vrayement, ma cousine, il me semble que je voudrois bien esprouver cela de la façon que vous dites ; je pense pour moy que j’y aurois bien du plaisir, et les filles, certes, doivent bien estre obligées aux garçons qui leur font de telles choses. Mais n’y ont-ils pas aussi du plaisir (19), eux qui se donnent tant de peine pour en faire aux autres ?

Susanne. Comment penses-tu donc ? vrayement ouy, et ils le leur témoignent assez. Quand ils pasment d’aise sur elles en leur faisant, on ne leur entend rien dire autre chose sinon : — Hé ! mon cœur, hé ! m’amour, je me meurs ; et fais, je n’en puis plus, fais vite, — et le plaisir de la fille est bien plus grand, quand elle voit que celuy qui luy fait est bien aise, que s’il n’estoit pas ; car si le garçon donne du plaisir à la fille, il faut bien que la fille en donne aussi au garçon.

Fanchon. C’est ce qui est bien raisonnable, ma cousine, et cela estant, je pense que les filles sont bien longtemps à se tenir les garçons dessus ; car si c’estoit à moy, je ne laisserois jamais sortir cest engin qui fait tant de bien dans le mien.

Susanne. O ! que cela n’est pas comme tu penses.

Fanchon. Et comment donc ?

Susanne. Parce que l’on finit de faire après quelque temps, après on recommence.

Fanchon. Mais je croiois que cela duroit tousjours, sans finir, et tant que l’on vouloit, et qu’il ne falloit que mettre cet engin là dedans.

Susanne. C’est ce qui te trompe, cousine, et il est bien mieux de la façon que je te le vais dire.

Fanchon. Expliquez-moi donc cela, en un mot, comment cela se fait, et pourquoy il finit et recommence, et qu’est-ce qui fait que l’on ressent ce plaisir, le vit estant dedans le con de la fille, puisqu’en y mettant le doigt ce seroit bien quelque chose.

(20) Susanne. Premièrement, tu doibs sçavoir que cest engin du garçon a une peau par dessus, douillette et unie, qui donne du plaisir à la fille quand elle y touche avec la main. Il est dur et plein de nerfs par dedans, et l’on sent cela par dessous la peau, qui est mouvante, en le frottant haut et bas, fors et excepté devers la teste, qui est composée d’une glande de chair tendre et délicate et qui ressemble proprement, comme j’ay dit, un gros bigarreau rouge. Par dessous et le long de cet engin, il y a un tuyau qui paroist enflé comme une grosse veine et qui aboutit à la teste, là où il y a une petite fente en long, comme d’un coup de lancette, et qui est tournée de mesme sens comme celle du con. Pour la fille, je ne sçais comment elle est faite, mais on dit qu’elle a un engin par dedans, fait comme celui du garçon. Or voicy ce qui arrive quand la fille reçoit le vit au con (c’est le mot) : la peau du vit rebourse, qui ne peut entrer, et le membre coule par dedans toute la teste ; le garçon cependant pousse tousjours avec le cul le membre, qui est pressé parce qu’il est trop gros, dans le conduit de la fille ; cela fait que la peau qui le couvroit, et qui ne luy a descouvert que la teste, vient à frotter par dessous contre le tuyau que j’ay dit. A mesure qu’il pousse et retire le cul pour le faire entrer, la fille aussi, qui résiste, sent le frottement, et celuy que la peau et l’engin du garçon luy font dans son conduit, tout cela leur ameine du plaisir, avec les autres caresses qu’ils se font. Enfin, à force de frotter et de remuer le cul de part et d’autre, il arrive que tous deux viennent à s’eschauffer d’aise par une petite démangeaison et chatouillement qui leur vient le long de leurs conduits. Le garçon en avertit la fille et elle le garçon ; cela les oblige à frotter plus fort et à remuer plus viste les fesses. Le chatouillement cependant s’augmente toujours, et, par conséquent, le plaisir, lequel enfin devient si grand petit à petit, qu’ils en soupirent d’aise et ne peuvent parler que par eslans ; ils clignottent des yeux, et semblent expirer en s’embrassant de plus fort en plus fort. Alors le chatouillement les saisit de telle sorte que l’on les voit pasmer d’aise et à petites secousses (21) à mesure qu’ils viennent à descharger par les conduits ce qui les chatouilloit si fort, qui est une liqueur blanche et espaisse comme bouillie, qu’ils rendent tous deux l’un dans l’autre, avec un délice qui ne se peut exprimer.

Fanchon. Il faut, ma cousine, que ce plaisir soit bien furieux, puisqu’il les fait tant oublier de ce qu’ils sont. Mais qu’arrive-t-il par après ?

(22) Susanne. Rien davantage. Tous deux sont contents pour ce coup, et le vit, qui estoit droit auparavant, sort du con tout lasche et abattu.

Fanchon. Cela est estrange, et ne leur prend-il point envie de recommencer ?

Susanne. Quelquefois, quand, à force de baisers et d’attouchements, le vit se dresse, ou que la fille vient à le redresser avec la main, car alors, ils le remettent encore une fois dedans et esprouvent le même plaisir.

Fanchon. Comment, s’il estoit abattu, une fille le pourroit-elle bien redresser ?

Susanne. Ouy dea, avec la main, en le frottant doucement, et si tu savois les vertus (23) de la main de la fille, et combien elle a de pouvoir à donner du plaisir aux garçons, tu en serois esmerveillée.

Fanchon. De grace donc, ma cousine, dites-moy comment et en quelle rencontre cela arrive.

Susanne. Voicy comment il arrive : quelquefois que le garçon et la fille sont seuls dans une chambre ou dans un jardin, il n’importe point où, et s’entretiennent de choses indifférentes, le plus souvent ils ne pensent point à se faire bien aises ny à se donner du plaisir, à cause de quelque autre soucy qu’ils auroient en tête, et le garçon voudroit seulement baiser une fois la fille avant de s’en aller, comme par manière d’acquit. La fille qui est faite à cela, si tost qu’elle sent la bouche du garçon contre la sienne, vient à pousser petit à petit sa langue en pointe dedans, et la fait frétiller contre ses lèvres avec un grand ragoust ; que cela met en humeur le garçon, qui la prie de recommencer. Alors, la fille peut prendre un autre plaisir, qui plaist aussi encore au garçon, et ayant regardé tout autour d’elle si personne ne la voit, elle met la langue aussitost dans la bouche du garçon (24). Tandis qu’elle luy fait cela, elle le baise, coulant sa main sur son engin, qu’elle prend dans la braguette, et quand elle l’a patiné quelque temps, de mol qu’il estoit auparavant, elle le fait devenir dur comme un baston. Et on ne sçauroit dire pourtant comme cela se fait ny par quelle vertu, car elle le frotte seulement deux ou trois fois par dessus la peau, et le garçon qui sent cela ne sçauroit s’empescher de dresser, quand il voudroit. Et comme il faut que tout se fasse par ordre et dans les règles du plaisir, et que la fille est assez bien instruite à cela, si tost qu’elle l’a fait ainsi droit, elle le retire hors de la braguette, et le regarde et luy donne une petite secousse pour l’achever, et puis le laisse ainsi tendu en estat, pour s’en servir en après.

Fanchon. Ho ! ho ! je ne pourrois retenir tout cela, et faut-il, ma cousine, qu’une fille sçache toutes ces choses ?

Susanne. Et bien d’autres encore ; ce n’est pas là tout, et quand elle a demeuré quelques temps ainsi, elle essaye un autre plaisir pour faire encore au garçon.

Fanchon. Encore !

(25) Susanne. Ouy, encore ; elle lui met la main sur les ballottes qu’il a au-dessous de cest engin et les soulève mignardement en les passant et repassant doucement entre les doigts, et quand elle a fait en cest endroit, elle lui vient manier les fesses et les cuisses, en gravonnant entre ses poils, revient à luy branler l’engin, en sorte que la teste, qui est tout en sueur, s’allonge et redresse et ressemble un qui voudroit vomir et qui ne peut. Mais le garçon ne sent aucune douleur de cela, au contraire : il est si ayse qu’il ne peut parler ; il pousse le cul en avant, pour que la fille luy fasse toujours ; il obéit à tout ce qu’elle veut et semble qu’il escoute tout ce qu’elle luy fait, et à voir comme son visage est attentif à toutes les caresses qu’elle lui départ de sa main, il semble qu’elle le gratte bien où il luy démange et qu’il n’a point d’autre soucy au monde que celui-là. Mais par après, quand il se voit chevauché par elle qu’il devroit chevaucher luy mesme, ô dame, c’est alors qu’il est bien plus ayse, et que cela luy est presque aussi doux à supporter que comme s’il deschargeoit continuellement.

(26) Fanchon. Certes, voilà bien des sortes de plaisirs, et je ne sçais si je pourray bien retenir tout. Et comment fait donc la fille, ma cousine, pour chevaucher le garçon quand il est si ayse ?

Susanne. C’est alors qu’il se couche à la renverse, et que la fille monte dessus et se remue dessus luy.

Fanchon. Ho ! ho ! voilà encore une autre façon, et l’on fait donc ce doux jeu en bien des postures ?

Susanne. De plus de cent, vois-tu, et l’on y prend plaisir à toutes, mais tu le sçauras plus à loisir.

Fanchon. Et pourquoy le garçon a-t-il plus de plaisir quand il est chevauché de la fille, que quand il chevauche ?

Susanne. C’est qu’il dit qu’il luy est bien obligé de tant de peine qu’elle prend, et qu’il juge mieux par là de sa bonne volonté ; et il dit qu’il se veut soumettre à elle par humilité et qu’il n’est pas digne de prendre le dessus, et la fille, qui est pleine de reconnaissance, elle fait un grand effort sur son courage.

Fanchon. Aussi vrayement elle le doibt, car voilà une grande civilité du garçon.

Susanne. Et qui est continuée jusqu’à la fin, car il ne se remue en façon du monde et luy laisse faire à elle ce qu’elle veut, qui n’y a pas moins de plaisir cependant que luy.

Fanchon. Cela estant, ma cousine, il me semble que la peine qu’elle prend luy doit estre bien agréable, car vous m’avez mise tout en humeur à vous entendre seulement dire qu’elle se remue ainsi sur le garçon.

Susanne. J’ay bien encore une autre raison que celle-là, mais j’attendray à la dire jusqu’à ce que tu sois mieux instruite des choses que tu doibs sçavoir auparavant.

Fanchon. Grand mercy, ma cousine, vous aurez la bonté donc de me l’apprendre. Cependant, puisque nous sommes en discours, dites-moy pourquoy, la pluspart des nuicts, je sens des démangeaisons en cet endroit (à sçavoir au con) qui ne me laissent presque point dormir. Je me tourne, je me vire d’un côté et d’autre, sans que, cela se puisse appaiser. Qu’est-ce qu’il me faudroit alors ?

(27) Susanne. Il te faudroit un bon gros vit nerveux, et le fourrer dedans ta nature pour y faire le doux nectar qui appaiseroit ta chaleur. Mais, à faute de cela, quand cela te adviendra, il faut le frotter avec le doigt quelque temps ; après tu sentiras le plaisir de la descharge.

Fanchon. Avec le doigt ! est-il possible ?

Susanne. Ouy, avec le doigt du milieu, en faisant sur le bord comme cela.

Fanchon. Certes, je ne l’oublieray pas. Mais, à propos, ma cousine, ne m’avez-vous pas dit que vous avez ce plaisir quelquefois ?

Susanne. Ouy dea, quand je veux, et c’est un garçon que j’aime bien qui me le donne.

Fanchon. Vrayement, je le pense, et il faut bien qu’il soit vray que vous l’aimiez, car vous dites qu’il ne se peut autrement ; mais que je suis esmerveillée ! et cela vous fait-il donc bien ayse ?

Susanne. Si ayse que je n’en puis plus.

Fanchon. Et comment ferois-je pour en avoir un qui m’en fist autant ?

(28) Susanne. Il en faut prendre un qui t’aime bien, qui soit discret et qui n’en dise mot à personne.

Fanchon. Et qui pourrois-je prendre, à vostre avis, qui fust propre à cela ?

Susanne. Pour moy, je ne sçay, je n’en connois point de plus propre que le jeune Robinet, car il t’aime bien et de plus il est beau et de bonne grâce. Et je l’ay veu une fois baigner en la rivière, où je fus tout esmerveillée, parce qu’il a une belle chair blanche, ni trop grasse ni trop maigre ; il a les cuisses grosses et nerveuses, et les reins forts et larges, avec un grand et puissant engin par devant, cotonné d’un poil follet, et toutes ces bonnes qualitez contribuent beaucoup au plaisir de la fille.

(29) Fanchon. Mon cœur, je tremble, je ne sçay pourquoy, quand je suis si proche à me porter à cela ; mais, ma cousine, n’y a-t-il point de mal à le faire ?

Susanne. Et quel mal y auroit-il, sotte ? regarde comme je suis.

Fanchon. Mais cela n’est-il donc point défendu ?

Susanne. Pourquoy défendu, m’amour ? il y a tant de plaisir ! et puis l’on n’en sçaura rien, car qui est-ce qui le diroit ? Je me fie bien à toy, ne te fieras-tu pas bien à moy ? A ceste heure, Robinet n’aura garde de l’aller dire, parce qu’il est discret ; outre que s’il l’avoit dit, il y perdroit autant que toy, car il ne te verroit plus, et on ne feroit plus compte de luy parmy la ville.

(30) Fanchon. Quel malheur ! Mais quand on est marié (quand j’y pense), un mary ne fait-il pas donc moins cela à sa femme, et s’il venoit à reconnoistre qu’un autre luy eust desjà fait ?

Susanne. Tu n’as que faire de craindre, car quand cela t’arriveroit, je te donneray un secret pour qu’il n’y paroisse plus.

(31) Fanchon. Mais y a-t-il d’autres filles qui le fassent aussi ? car elles n’oseroient, et puis si on venoit à le sçavoir, on ne les marieroit plus par après.

Susanne. On n’a garde, m’amie, de le sçavoir, puisqu’elles le font en cachette, et on ne le sçait non plus d’elles que l’on le sçaura de toy, ou de moy aussi. Vrayement, il y a plus de la moitié qui le font, et si par hazard les parents viennent à le sçavoir de quelqu’une, ils n’en disent mot à personne, et ne laissent pas cependant de la marier à quelqu’un qui n’en sçait rien.

Fanchon. Et Dieu qui sçait tout ?

(32) Susanne. Dieu qui sçait tout ne le viendra pas dire et ne descouvre rien aux autres. Et puis, à bien dire, ce n’est qu’une petite peccatille que la jalousie des hommes a introduite au monde, à cause qu’ils veulent des femmes qui ne soyent qu’à eux seuls ; et croy-moy d’une chose, que si les femmes gouvernoyent aussi bien les églises comme font les hommes, elles auroient bien ordonné tout au rebours.

(33) Fanchon. Les hommes pourtant, à ce qu’il me souvient avoir entendu dire à ma mère, ne laissent pas de dire qu’ils font mal comme nous, et s’ils avoient estably cette loy, comme vous dites, ils ne l’auroient point establie contre eux-mesmes.

Susanne. C’est pour abuser d’autant plus qu’ils en ont fait. Car s’ils ne s’estoient pas soubmis à ceste loy qu’ils ont inventée, les femmes auroient dit : Ho ! ho ! et pour quoy ferons-nous mal là où les hommes n’en font point ? Mais cependant ils n’ont pas laissé de se tirer de pair par une autre raison : c’est qu’ils disent que devant Dieu ce péché est un péché comme les autres ; c’est pourquoy ils font tout de mesme et sans crainte d’estre punis, non plus que s’ils avoient mangé des œufs en carême (34). Mais, pour les femmes, ils y ont attaché un certain point d’honneur, afin de les tenir toujours en crainte devant eux, et une note d’infamie à celles qui contreviendroient aux lois de cet honneur, laquelle les prive (quand on le sçait) de plusieurs avantages qui sont parmy elles.

Fanchon. Quand on ne le sçait pas ?

Susanne. Elles sont aussi honnestes que les autres.

Fanchon. Tellement donc qu’il n’y a que la croyance qu’on a de leur honnesteté qui les rende honnestes ?

Susanne. Non certes, et il vaudroit mieux pour elles qu’elles eussent ce plaisir et que l’on n’en sçeut rien, car elles seroient aussi honnestes que si elles ne l’estoient point et qu’on vînt à se l’imaginer. Car il faut que tu sçaches encore qu’il y en a qui sont si malheureuses que l’on croit d’elles ce qui n’est point, et c’est le pis qui leur peut arriver que cela. C’est pourquoy, si j’estois d’elles, et que je visse que je ne pusse oster cette croyance du monde, je voudrois du moins la rendre véritable en effect et prendre un plaisir qui ne me cousteroit rien et dont il ne me sçauroit arriver pire, outre que j’empescherois que tant de monde, par un faux et mauvais jugement, fussent damnés, car il n’y a que l’opinion qui fait le mal.

Fanchon. Vrayement, c’est bien raisonné, et faire toujours le bien contre le mal. Et cela estant, si j’estois une fille comme vous dites, je n’en ferois pas moins pour esteindre la mesdisance, mais le meilleur à tout cela, comme vous avez desjà dit, c’est de se comporter si bien que l’on vienne à n’en sçavoir rien.

(35) Susanne. Dame ouy, et cela n’est point mal aysé quand on a un amy qui est discret et qui ne se vante de rien, et quand tu auras un peu accoutumée cette vie, tu auras un plaisir non pareil. Quant au reste des filles, tu en verras cent à l’église, dans les rues, dans les compagnies, qui passeront pour honestes, desquelles tu te mocqueras impunément, d’autant qu’elles n’auront garde de s’aller imaginer cela de toy. Tu passeras devant elles, selon ta condition, ne parlant que de choses bonnes et honestes ; tu seras louée et estimée de chacun, car la connoissance intérieure de ce que tu auras expérimenté en cachette te donnera une certaine petite joye et suffisance de toy-mesme qui te rendra plus hardie en compagnie et mieux disante ; d’où vient que l’on te préférera aux autres filles qui sont pour la pluspart honteuses et stupides. Et il ne se peut faire qu’à la fin, parmy tous ceux qui t’aimeront (envers lesquels tu useras toujours d’une petite sévérité honeste), il n’y en ayt quelqu’un qui donne dans le panneau pour t’épouser. Cependant tu verras ton amy indifféremment aux lieux publics et l’entretiendras sans scrupule, goustant avec luy la douce satisfaction de tromper tant de gens, et le bon de tout cela est qu’après que tu auras bien employé la journée à causer et discourir, et que tu te seras mise en humeur par les contes et bonnes chères qu’on t’aura faites, te mocquant en ton âme de la sottise de tes compagnes qui emploient si mal la nuict toutes seules, tu la viendras passer amoureusement entre les bras d’un amy qui la passera aussi doucement que toy et fera tous ses efforts de nature pour tascher de satisfaire ta passion.

(36) Fanchon. Certes, vous estes bien heureuse, ma cousine, à ce que je voy, et il me tarde bien desjà que je n’aye commencé de faire comme vous. Mais comment est-ce que je m’y doibs gouverner, car je ne le sçay pas et j’ay besoin de vostre courtoisie et conseil, et si vous ne m’assistez, je sens bien que je ne feray rien de ce que j’ay le plus à cœur.

Susanne. Hé bien ! voions ; mais pour qui est-ce que tu aurois le plus d’inclination ?

Fanchon. Pour Robinet, n’en faut point mentir.

Susanne. Il faut donc s’arrester à luy et le prendre ; il a toutes les qualitez d’un honeste homme.

Fanchon. Mais comment faire cela ? je n’ai pas la hardiesse de le luy demander.

Susanne. Hé bien ! je luy diray pour toy ce qu’il faudra ; tu n’auras qu’à le laisser faire. Mais sur tout, quand vous serez ensemble une fois, avisez bien aux moiens de vous revoir souvent, car ce plaisir est si attachant de soy que depuis qu’on en a gousté on ne s’en pourroit plus passer par après.

Fanchon. J’entends bien, et quand est-ce que nous commencerons ?

Susanne. Le plus tost que faire se pourra. Robinet ne viendra-t-il point te voir aujourd’huy ?

Fanchon. Je l’attends, ma cousine, et voicy tantost son heure.

Susanne. Sans différer davantage, il faut le prendre en arrivant. Tu ne sçaurois trouver une plus belle occasion que celle-là. Ta mère est aux champs et ne reviendra qu’à ce soir, et il n’y a que la servante au logis. Pour elle, on trouvera bien moyen de l’employer à quelque chose, et quand Robinet viendra je luy parleray de toy ce qu’il faut et puis je m’en iray, et si quelqu’un te viendra demander, tu feras dire que tu n’y es pas : Voilà un lict qui est tout propre à vostre besoigne, et si l’on le trouvoit gasté, tu diras que tu t’es couchée dessus. Tu ne mentiras pas, car, si tost qu’il sera venu, il ne manquera pas de t’y adjuster d’une façon ou d’autre.

Fanchon. Mon cœur, je tremble. Et quand j’y seray, le laisseray-je faire, ma cousine ?

Susanne. Vrayement ouy, il le faut laisser faire ; il te mettra son engin dans le tien et te fera bien ayse.

Fanchon. Et cependant n’y aura-t-il plus rien à faire après cela, et ce plaisir me viendra-t-il comme à vous ?

Susanne. Ne te l’ay-je pas desjà dit ? tu n’auras à faire que ce qu’il t’enseignera.

Fanchon. Je vous demande pardon, ma cousine, c’est que je suis ignorante. Mais en attendant qu’il viendra, dites-moy un peu, je vous prie, comme vostre amy vous fait quand vous estes couchés ensemble, afin que je ne sois pas si novice quand le mien me voudra faire de mesme.

(37) Susanne. Volontiers pour cela. Tu dois savoir que le plaisir de mettre le vit au con est accompagné de cent caresses et assaisonnements en amour qui le font trouver meilleur. Une fois entre autres, mon amy m’en fit esprouver en une nuict la plus grande partie ; je ne le vis jamais tant en humeur qu’il estoit ceste nuit-là.

Fanchon. Mais quand il vous approche, comment vous dit-il, comment vous fait-il ?

(38) Susanne. Voicy à peu près la façon qu’il est accoustumé d’en user. Premièrement, il me vient voir la nuict, quand tout le monde est couché, par un petit escalier desrobé, et me trouve le plus souvent au lict, que je suis couchée et quelquefois endormie. Lors, sans perdre de temps, il se déshabille et met la chandelle allumée au chevet du lict, et cela fait, il se couche tout de son long à costé de moy. Quand il a esté un peu de temps à se réchauffer, il s’avise et commence à me dire : Dormez-vous, m’amie ? — et allongeant une main sur mon estomach : — Je suis si fatigué d’aujourdhuy que je ne me saurois remuer. Et tout disant cela il me conte sa douleur, et me met la main sur le sein, et en me maniant les tétons à gogo, me conte tout ce qu’il a fait le long de la journée. Cependant il manie toujours mes mamelles, et quand il a fait à l’une il vient à l’autre et puis à toutes deux, et me dit quelquefois : — Que je suis heureux, m’amie, d’avoir un tel ordinaire. Lors je le sens qui se tourne sur le côté et qu’il prend la fantaisie, et je lui dis quelquefois : — Mon cœur, mon amy, je dormirois bien, laisse-moy. Et lui, sans faire semblant de m’entendre, me met la main sur le ventre, et quand il trouve la chemise, il la lève et m’appuye la main sur la motte qu’il pince et frise quelque temps avec les doigts. Après, il met sa bouche sur la mienne et me coule la langue dedans, et puis il vient me toucher les fesses et les cuisses, et de là il retourne au ventre, et tantost me succe une des mamelles. Et pour se donner au cœur joye, parce qu’il est bien ayse de voir, il esloigne le drap et la couverture, et quand ma chemise l’empesche il me la fait oster et me regarde partout avec la chandelle. Après, il me fait empoigner son chose, qu’il a roide, et quelquefois me prend à force de corps et me fait rouler sur luy, tantost dessus, tantost dessous, et me fait toucher son engin, ores entre les cuisses, ores entre les fesses, et de là revient à me baiser la bouche et les yeux, m’appelant son cœur et son âme. Ensuite de cela, il me monte dessus, et en me faisant entrer son gros vit bandé au con, il me chevauche jusqu’à ce que son foutre me coule au fond de la matrice.

Fanchon. Comment dites-vous l’autre mot que chevaucher ? il ne m’en souvient plus.

Susanne. C’est à dire qu’il me fout.

Fanchon. Vous en estes donc bien ayse ?

(39) Susanne. Je te laisse à penser ! Or, il y a diverses manières de mettre cest engin-là dans l’autre, ainsi que je l’ay esprouvé avec luy, car tantost il me fait dessoubs, tantost dessus, tantost de costé, tantost de travers, tantost à genoux par devant, et par derrière comme si je prenois un lavement, tantost debout, tantost assise. Quelquefois, quand il est pressé, il me jette sur une forme, sur une chaise, sur un matelas ou au premier endroit qu’il rencontre. Et à toutes les sortes de façons il y a un plaisir différent, car son chose entre plus ou moins et est disposé autrement dans le mien selon les postures qu’il me fait tenir. La peine n’est pas aussi toujours mal plaisante à cela, et c’est ce qui nous donne plus d’envie à faire. Quelquefois que nous nous voyons de jour et que nous sommes seuls, il me fait baisser la tête sur une forme avec les mains, et me retrousse ma robe par derrière jusques par dessus ma tête. En cest estat, il a tout loisir de voir et considérer, et de peur que nous ne soyons surpris, il n’abaisse point son haut de chausse, mais tire son engin par la braguette, qu’il me vient montrer, et puis va escouter tout doucement à la porte s’il n’y a personne, et cela fait, il me fait signe du doigt que je ne bouge et puis il s’en vient à moy et m’enconne brusquement par dessoubs les fesses. Eh bien ! il m’a juré cent fois qu’il avoit plus de plaisir de me le faire ainsi à la desrobbée qu’autrement.

Fanchon. Certes, il faut qu’il y ait bien du plaisir, ma cousine, puis qu’il y a tant de façons, car je m’imagine desjà bien toutes celles que vous me venez de dire, et puisque c’est seulement chercher à mettre un vit dans un con en diverses manières pour le plaisir que l’on y trouve, il me semble que j’en aurois bien tost imaginé d’autres que celles que vous avez dites, puisqu’il n’y a personne qui n’en puisse imaginer de nouvelles en la fantaisie. Mais il n’est pas question à ceste heure de cela. Je voudrois seulement sçavoir comment vous passastes ceste nuict avec votre amy, dans laquelle vous eustes avec luy tant de sortes de plaisirs.

Susanne. Ah ! ce fut hier que m’arriva ceste bonne fortune, et tu vas entendre mille folastreries d’amour et qui ne se pratiquent qu’entre les personnes qui s’aiment beaucoup. Tu as donc à sçavoir qu’il y avoit deux nuicts que mon amy n’estoit venu pour me voir, et je m’impatientois qu’une partie de la troisième fust desjà escoulée sans en avoir des nouvelles, lorsque je le vis entrer dans la chambre, avec une petite lanterne sourde qu’il a tousjours coutume de porter pour s’éclairer, et qu’il tenoit soubs son manteau (40) quelques douceurs et confitures, pour nous mettre en bonne bouche.

Fanchon. Il ne faut pas demander si vous fustes bien ayse alors.

Susanne. Or il se deschargea premièrement de son paquet, et me trouvant en cotte, que je n’estois pas encore couchée, il la troussa incontinent, et sans parler, me renversa là sur le lict, me le fit là sur le champ et me fit taster son gros nerf, qui estoit extrêmement dur, et, en moins de six coups de cul, je me vis arrouzée largement de la liqueur amoureuse.

Fanchon. Mais on n’est donc jamais plus ayse que quand ceste liqueur vient à sortir, et on ne prend jamais tant de peine pour se remuer qu’afin de la mettre dehors ?

Susanne. Non certes. Et quand il eut fait (41), je me mets aussi tost au list, pendant qu’il se deshabilloit, là où je n’avois pas si tost commencé à fermer les yeux (car il faut que tu sçaches encore qu’il n’y a rien qui fasse si bien dormir que cela), quand je le sentis à mon costé qui m’embrassoit amoureusement et me mettoit le vit à la main. Je perdis aussitôt l’envie de dormir.

Fanchon. Mais combien est donc cet engin (42) de temps à se redresser depuis qu’il est abattu, et combien le met-on bien dedans le con en une seule nuict ?

Susanne. Foin, si tu m’interromps toujours. C’est selon les personnes qu’il y a, vois-tu, et comme ils sont plus esmeus à certains temps qu’à d’autres ; car quelquefois il y a des hommes qui feront deux coups sans desconner, et cela fait grand bien à la fille ; d’autres feront leur descharge sept ou huict coups, dix ou douze ; mais cela n’est pas croyable, et cinq ou six coups raisonnables suffisent pour la contenter. Il y en a qui ne peuvent faire que deux ou trois coups, et sont prompts ou longs à descharger. Il faut remarquer que ceux qui en font le moins rendent plus de liqueur que les autres et donnent et reçoivent plus de plaisir, mais quoy qu’il puisse en estre vray des uns et des autres, la fille trouve toujours en si peu qu’il y en a matière d’une très grande satisfaction. La beauté de la fille contribue aussi beaucoup à cela et fait faire un coup ou deux davantage, mais il y a la coustume qui gaste tout et lasse le garçon quand il faut faire cela tous les jours, et alors ce n’est pas mal aller que de le faire tous les soirs une fois et une autre tous les matins. Voilà ce que je t’avois à dire là dessus. Quand tu m’as interrompue, je ne sçai où j’en étois.

Fanchon. C’est alors qu’il vous prit endormie et qu’il vous mit son engin roide en la main.

(43) Susanne. Ah ! il m’en souvient à ceste heure. Je ne l’eus pas plustost senty roide comme il estoit, que je ne songeai plus à m’endormir, mais respondant à ses caresses, m’appelant son cœur et son âme, nous roulasmes longtemps l’un sur l’autre, entrelassez de bras et de jambes, et nous démarames tant que nostre couverture en cheut à bas ; néanmoins, comme il ne faisoit pas froid, nous ne songeames pas à la ramasser, mais nous eschauffant de plus en plus, il me fit oster ma chemise en ostant la sienne, et fit cent bonds sur le lict en me monstrant son vit qui estoit roide. Puis m’ayant demandé permission de folastrer en tous lieux et liberté, il répandit et sema par terre cent boutons de roses, et me les fit aller ramasser toute nue, au beau milieu de la place, me tournant d’un costé et d’autre, et considérant à la lueur du feu et de la chandelle qui estoit en divers endroits de la chambre les diverses postures que je faisois en me baissant et me haussant après. Il me frotta avec une essence de jasmin par tout le corps, et luy s’en frotta pareillement ; et nous estant remis sur le lict, nous fismes vingt culbutes pour nous esgayer. En suite de quoy, me tenant agenouillée devant luy, il me consideroit partout, les yeux ravis en extase. Il exaltoit tantost mon ventre, puis mes cuisses, puis mes tétons, et tantost l’enflure de ma motte qu’il trouvoit ferme et rondelette, y portant quelquefois la main, et je ne dis point que toutes ces petites fantaisies ne me plaisent infiniment. Et puis me tournant par derrière, il contemploit tantost mes épaules, puis mes deux fesses, et puis me faisant baisser les mains sur le lict, il montoit à cheval sur mon dos et me faisoit aller ; et quand il eut ainsi demeuré quelques temps, il descendit de son cheval, non pas de costé, mais à reculons (car il ne craignoit pas, disoit-il, que je luy ruasse des coups de pied), et ainsi tout d’un temps, en descendant son membre par entre mes deux fesses, il me le fichoit dans mon con. Au commencement, je me voulois lever et faisois la rétive, mais luy me prioit, me conjuroit, se désesperoit, si bien que j’en avois pitié ; je me remettois, et luy prenoit son plaisir à me le fourrer dedans et le retirer tout d’un coup, se délectant à le voir entrer et sortir, et (44) cela faisoit un bruict, cousine, comme les boulangers qui enfoncent leur poing dedans la paste et le retirent soudain, ou comme les petits enfants qui retirent leur baston de leur canonnière où ils ont desjà mis un tampon de papier.

Fanchon. Quel dévergondage, ô Dieu ! de part et d’autre. Et aviez-vous du plaisir à cela aussi, vous ?

Susanne. Pourquoy non ? Quand on s’aime bien, ce sont de petites coyonneries qui plaisent toujours et qui ne laissent pas de chatouiller un peu, et cela fait passer autant de temps agréablement, outre que l’on le trouve meilleur par après.

Fanchon. O bien donc, poursuivez, si vous le trouvez bon.

Susanne. Enfin, quand il fut las de me chatouiller de la sorte, nous allasmes, aussi nuds que nous estions, auprès du feu, où il me fit asseoir dans une chaise auprès de luy, et aussi tost alla prendre dans un coin de la chambre une bouteille d’hypocras avec certaines confitures dont il me fit manger, et je me sentis merveilleusement restaurée. Or cependant que nous mangions, il s’estoit remis auprès de moy en posture humble et suppliante, et me cajolloit comme s’il ne m’avoit jamais vue, me contant son martyre et qu’il se mouroit pour l’amour de moy, avec les plus douces paroles du monde. Si bien que, feignant d’en avoir pitié, je lui ouvrois mes cuisses, ainsi mise que j’estois, et luy, tenant son engin au poing, se traînoit à genoux entre deux, disant qu’il le vouloit seulement mettre à couvert. Et ayant aussi tost pourveu à cela, me tenant enfilée sans mouvoir davantage, ainsi en mangeant toujours nous raisonnions doucement de chaque chose, et quand il estoit à moitié mangé nous le renvoyions de bouche en bouche. Tant qu’estans lassés de ceste posture nous en recommençasmes une autre, et tantost une autre, et ainsi à l’infiny, me considérant partout, et il sembloit qu’il ne l’avoit encore jamais fait et qu’il ne s’en deust jamais soûler. Ensuite de quoy il se ravisa et prit un verre sur la table, qu’il remplit d’hypocras, et voulut que je beusse la première. Je le vuiday entièrement, et l’ayant aussitost remply pour luy il en fit autant que moy. Nous continuasmes deux ou trois fois, en sorte que les yeux nous pétilloient d’ardeur et ne respiroient que le combat naturel. Nous fismes donc trève de bonne chère, et retournant à me caresser, me prist soubs les bras et me fit lever, et quand je fus debout il fit mine de me chevaucher ainsy, et se trémoussa vers moy en se baissant et moy vers luy en me haussant ; les culs nous alloient à tous deux comme s’il eust desja le vit au con, et voyant qu’il ne pouvoit rien faire entrer à cause de l’incommodité d’estre debout, il m’apprit au moins que ce qu’il en faisoit estoit pour m’enseigner à remuer les fesses (45) de mesure pour quand nous serions accouplez, et que le remuement de deux fesses bien accordées, qui s’approchent et se retirent quand il est temps, est un grand assaisonnement à la volupté. Il m’apprit ensuite plusieurs autres choses à faire, qu’il trouvoit agréables devant et pendant le déduit. Que diray-je davantage ? il ne nous manquoit qu’un miroir pour mieux contempler nos postures, à faute de quoy il me monstroit tous ses membres qu’il avoit les mieux faits, et vouloit que je les maniasse, prenant autant de plaisir d’estre touché de moy qu’il en avoit à me toucher. Bref il n’avoit jamais mis tant d’apprêts à me chevaucher comme il fit ceste fois là, et luy en ayant tesmoigné ma pensée, je le priay de mettre fin à toutes choses. Il estoit las de baiser, manier, fouiller et farfouiller, c’est pourquoy il m’escouta et nostre plaisir ne put souffrir un plus long delay. Je l’empoignay par le manche et le menay au pied du lict, où je me couchay à la renverse, l’attirant dessus moy ; je m’enconnay moi-même son vit dans mon con jusques aux gardes ; il faisoit craqueter le lict en poussant, et je luy repoussois de toutes mes forces. Bref, tout estoit en agitation parmy nous, et ne pouvions plus rien faire entrer par le remuement des fesses ; je sentois les coüillons d’ayse qui battoient la cadence contre les miennes. Enfin, il eslance de plaisir contre moy et me dit qu’il alloit faire un grand coup, dont je serois toute ravie. Je luy dis qu’il se despeschât vistement, et nous nous dismes en suite plus de vingt fois l’un à l’autre : Et tost, m’amour, mon cœur, et quand feras-tu ? lors il commença à faire la descharge et m’en donna le signal en me baisant et me poussant de force toute sa langue dans la bouche. Il me semble (46) encore que j’y suis, quand il eslança par plus de six fois la liqueur amoureuse en moy, et cela se faisoit à petites secousses, et chaque secousse me faisoit mourir autant de fois. Je fis aussi ma descharge avec luy, et pour bien exprimer quel estoit nostre plaisir, tiens, ma cousine, tu aurois esté ravie en extase en voyant seulement comme il toussoit et se tourmentoit sur moy dans le temps que nous achevions de fournir notre carrière.

Fanchon. Non seulement je le crois, ma cousine, mais je sens une émotion toute pareille dans la description que vous m’en faites, et pour vous dire franchement mon advis, j’aimerois mieux les conclusions en ces sortes d’affaires que de m’amuser autant de sortes d’apprêts que vous m’avez là racontés.

(47) Susanne. C’est au contraire de ce que tu dis. La conclusion ne peut manquer, et cela estant, il faut estre plus mesnagère de ce plaisir, qui autrement seroit de courte durée sans la préparation qu’on lui apporte. Or si je croyois assez avoir de temps avant que Robinet fust venu, je te ferois un petit discours qui te serviroit encore bien d’instruction là-dessus.

Fanchon. Hé ! de grâce, ma cousine, puisque nous y sommes, achevez, et faites que je vous aye l’obligation entière.

Susanne. Apprens donc qu’il y a cent mille délices en amour qui précèdent la conclusion, et lesquelles on ne peut autrement gouster que dans leur temps, avec loisir et attention, car autre chose est le baiser que l’attouchement, et le regard que la jouissance parfaite. Chacun de ces quatre a ses différences ou divisions particulières. Il y a premièrement le baiser du sein et de la bouche et des yeux, bref de tout le visage ; il y a le baiser mordant, qui se fait par l’attouchement et impression des dents dedans la chair ; le baiser de la langue, qui est le plus suave, et le baiser des autres parties du corps, selon que la fantaisie amoureuse, qui n’a point de bornes, est capable d’emporter la raison ; et chacun de ces baisers a ses goûts différents et qui sont capables d’amuser longtemps par la nouveauté et douceur qui s’y rencontrent. Pour l’attouchement, il est divisé selon la division des membres et ses plaisirs sont aussi différents. Le téton ferme et rebondi remplit agréablement la main et fait aussitost dresser le vit par imagination d’autre délices ; du téton l’on vient aux cuisses, et l’on gouste un autre plaisir à sentir deux colonnes d’albâtre, vives et charnues, quand la main se pourmeine autour. Bref, la main va agissant par tout : tantost sur le ventre plein et arrondy, tantost sur la motte velue, qu’elle empoigne et tire par les poils, fouillant et farfouillant des doigts à l’entrée du con, en faisant entr’ouvrir les deux lèvres de nature avec des émotions vives et ardentes, et de là faisant le tour par les hanches, elle est emportée sur les fesses, qui sont d’aimant pour elle et qui l’attirent avec tant de vertu que l’on voit le membre amoureux se tendre roidement vers le centre velu qui l’attire. Ce membre aussi a ses plaisirs particuliers d’attouchement et se plaît d’estre logé tantost dans la main de la dame, tantost entre les cuisses, tantost entre les fesses et tantost entre les mamelles. Si tu sçavois quel plaisir que c’est, quand un corps nud se vautre sur un autre et que les bras, les jambes, les cuisses sont entrelacés les uns parmy les autres d’une douce estrainte, à la façon des anguilles, tu ne voudrois jamais faire autre chose. Pour les regards amoureux, il n’y a rien si plaisant à considérer qu’un beau corps en la personne aymée, la structure de ses membres, ses postures et ses dispositions lascives ; il n’y a rien qui excite davantage au plaisir, autant à voir qu’à estre veu ; toutes les passions s’expriment par là, et l’âme se donne entièrement à connoistre en furetant les lieux qui luy sont plus plaisants à voir. A ceste heure, la joye est si grande de regarder aux yeux de la personne aymée et de luy faire cependant quelque lasciveté au corps, dont elle soit honteuse ou esmue de quelque autre passion, qu’il n’y a langue humaine qui le puisse dignement exprimer. Quelle joye aussi de se montrer nud aux yeux de ce qu’on ayme, et de plus, luy causer ainsi d’abord de l’estonnement et de la confusion par un spectacle qui ne luy doit donner par après que du ravissement. La jouissance vient ensuite dans son rang, comme la dernière, et elle doibt donner lieu et temps que ces premières se soyent passées auparavant, car après elle les autres n’ont presque plus de goust ny de pointe, et elles luy doivent toujours servir d’avantcoureurs. Or cette jouissance dernière comprend et surpasse tous les autres plaisirs, et a ses façons particulières de mettre le vit au con, qui sont de plusieurs sortes : dans le glissement d’un vit dans un con large ou estroit (et il est toujours plus plaisant qu’il soit trop estroit que trop large), dans la considération du temps et des lieux, dans le mouvement prompt ou tardif, dans les delays qu’on prend pour descharger, dans la quantité de la liqueur que l’on répand, dans les accolades et embrassements. Et parmy tout cela, depuis le premier moment qu’on a commencé à baiser, regarder, toucher et enconner, jusques à l’entier accomplissement de l’œuvre, il faut donner place et entremesler cent mille mignardises et agréments : jalousies et petits mots, lascivetés, pudeurs, frétillements, douceurs, violences douces, querelles, demandes, responses, remuements de fesses, coups de main, langueurs, plaintes, soupirs, fureurs, action, passion, gesticulation, souplesse de corps et instruction d’amour, commandements, prières, obéissance, refus, et une infinité d’autres douceurs qui ne peuvent pas être pratiquées en un moment (48). Voilà ce que je t’avois à dire là dessus, ma cousine ; or regarde donc maintenant si toutes ces sortes de douceurs et caresses ne sont pas douces à supporter et si je n’ay pas occasion de me louer de ma bonne fortune qui m’a procuré un amy qui en sçait si bien user dans le temps et qui est si raisonnable d’ailleurs.

Fanchon. Certainement je reconnois que c’est un art bien difficile à apprendre que celui-là, ma cousine, et il y auroit bien encore plus de choses à dire, ce me semble, si l’on demandoit les raisons particulières de chaque point.

Susanne. Vrayement il ne faut pas que tu doutes qu’on n’y puisse adjouster, et quand je te reverray, j’espère bien de t’en raconter davantage. Mais parlons encore de mon amy ; à propos, que t’en semble, encore une fois ?

Fanchon. Je vous dis que vous estes bien heureuse, ma cousine, et que vostre mérite aussi vous rend digne en partie du bien qu’il vous fait recevoir.

(49) Susanne. Point du tout, mon cœur, car mon mérite ne le rend point sage comme il est. Tu ne sçaurois croire au reste la discrétion qu’il a pour moy : quand nous sommes devant le monde, il n’oseroit presque me regarder, par respect, et il semble qu’il n’auroit pas la hardiesse de baiser le bas de ma robe, tant il a peur de m’offenser, et cependant, il faut advouer qu’il sçait si bien bannir le respect quand il est temps, qu’il n’y a sorte de mignardises et de lascivetés qu’il ne commette et ne fasse commettre, pour me donner du plaisir et à tous deux du contentement.

Fanchon. Eh ! paix !

Susanne. Qu’y a-t-il donc ?

Fanchon. Ah ! ma cousine, le cœur me bat, et j’entends Robinet qui vient icy.

Susanne. Eh ! tant mieux ! réjouis-toi ; de quoy as-tu peur ? Que je porte desjà d’envie à ton bonheur et au plaisir que tu vas recevoir. Cependant rasseure-toy toujours un petit et te dispose à luy faire bonne chère de tes faveurs ; je m’en vais au devant de luy pour le recevoir. Tandis que tu l’attendras sur le lict, feignant de travailler à ton ouvrage, je lui conteray comment il se doibt comporter, afin que tu ne sois pas surprise. Adieu.

Fanchon. Adieu, ma chère cousine, je me recommande bien à vous.

FIN DU PREMIER DIALOGUE.