Texte établi par Ernest Flamarion,  (Tome II : 1916-1918p. 170-180).


DÉCEMBRE 1917


— Les commerçants changent leurs étiquettes, de jour en jour, avec frénésie. Ils ne sont plus occupés qu’à cela. À peine peuvent-ils suivre la hausse. Ils en ont les bras rompus. Il y avait déjà la « crampe de l’écrivain ». Il y a la crampe du commerçant.

— Le 2. C’est aujourd’hui que les Russes doivent signer l’armistice et proposer la paix générale. Mais on sait peu. On ne parle guère plus. Il y a de la stupeur dans les esprits. Puis de l’hésitation. Faut-il injurier ? Faut-il réserver l’avenir ? On attend.

— Clemenceau appelle à Paris l’écrivain Paul A…, pour l’affecter au Bureau de la Presse. Il l’avertit qu’il n’y a plus de Censure, sauf la diplomatique et la militaire : mais tout journal qui parlera en faveur de la paix sera traduit devant un conseil de guerre !

— Painlevé se plaint qu’on soit injuste pour lui. On oublie qu’il fut l’artisan de l’expulsion de Constantin de Grèce, de l’entrevue de Rappalo d’où sortit le commandement interallié préparé de longue date, des accords franco-anglais qui assurent notre ravitaillement, du choix de Pétain, d’une répression modérée des mutineries, des arrestations de Duval, Bolo, de l’envoi instantané de troupes françaises en Italie, etc., etc.

— Le 6. Des mots de Clemenceau. Le premier jour où se réunit son Cabinet en Conseil, le hasard des allées et venues le laissa en tête à tête avec Poincaré. Un silence. Puis Clemenceau : « Eh bien, mon vieux Raymond, on va faire l’amour ? »

Variante. On demandait à Clemenceau ce qu’il avait fait dans ce tête-à-tête : « L’amour. »

On examinait en Conseil le sort des Français à Petrograd, en particulier celui de l’ambassadeur Noulens. On craignait qu’ils ne fussent molestés. Clemenceau dit : « Si on les tue, on les mangera, car la famine règne. » Il rêve, puis : « C’est peut-être bon, du Noulens ? »

— La Conférence interalliée n’a rien donné. Elle rappela ces vaudevilles où les portes claquent. Lloyd George partit avant la fin parce que l’Angleterre n’y avait pas plus d’influence que la Serbie. Cadorna l’imita. Il ne voulait pas de Castelnau au lieu de Foch au comité de guerre interallié. Enfin, le bruit persiste que l’Amérique, en la personne de House, ne veut pas que l’Alsace-Lorraine soit une condition préalable de paix. On dit que Clemenceau, — qui prétendait imposer ses vues et ses hommes, le chapeau sur l’oreille, serait fort déçu.

— Des forêts du Nord sont livrées aux Anglais qui les rasent. Ce n’est rien à côté des vies humaines, mais quelle image des ruines de longtemps irréparables.

— Le 6. Wilson a lancé récemment un nouveau message. La traduction française en serait tronquée et faussée. Il reviendrait à la formule « paix sans annexion ni indemnités » votée par le Reichstag le 19 juillet dernier. On y discernerait que le retour de l’Alsace-Lorraine ne serait plus une condition sine qua non de la paix. Ce message apparaît à certains la préface des négociations.

— Lecture des « citations », à l’Officiel. Je n’arrive pas à admettre un état de civilisation où l’on décerne de la gloire « pour avoir tué de sa main, etc… »

— On dit qu’on détrousse énormément, qu’il y a de véritables associations de déserteurs attelés à cette besogne. On ne tue pas, car chacun se dépouille sans résistance. Je suggère que c’est peut-être une façon de forcer les souscriptions à l’Emprunt…

À propos de l’Emprunt : imitant les méthodes anglo-américaines, on a ouvert des guichets dans le tank et la nacelle du Zeppelin exposés aux Invalides.

— On dit qu’Almereyda, demi-mort d’un cancer au foie, souffrant du manque de morphine et trouvant une nuit sa cellule ouverte, se glissa dehors, prit ses cordons de souliers, se pendit à son lit en se laissant tomber à terre. C’est ainsi que ses gardiens le trouvèrent au matin. Or, ils auraient dû fermer la cellule, lui enlever ses souliers, le surveiller. Ils découpèrent donc sa chemise en lanières et simulèrent ainsi un suicide qu’il aurait pu régulièrement tenter ; cela pour couvrir leurs fautes professionnelles.

— Le 8. Un réquisitoire du procureur général Herbaut conclut à la levée de l’immunité parlementaire de Humbert.

Un groupe de rédacteurs du Journal débarque férocement leur ancien directeur. Ce geste est accueilli sévèrement.

— Les lettres d’Anatole France. En voici une du début de décembre. « Si vous voulez mon avis, cher ami, je ne crois pas, contrairement à l’opinion générale, publique, souveraine, auguste, que ce soient Malvy et Caillaux qui aient empêché nos braves généraux de chasser les Allemands de France et de Belgique ; je ne crois pas que cette poignée de financiers et d’agents d’affaires qu’on va juger très militairement aient eu beaucoup d’influence, par leurs escroqueries, sur la marche de la guerre. Je ne crois pas que les pauvres institutrices et ces innocentes gardiennes d’ouvroir, coupables seulement de pitié et qu’on livre aux rigueurs des conseils de guerre, aient porté le trouble dans le cœur de nos soldats. Mais la commune bourgeoisie le croit fermement. Et si Clemenceau ne se hâte pas d’assurer la victoire par le supplice de ces millions de traîtres qui se montrent dans les cauchemars des concierges et des propriétaires, il sera bientôt tenu lui-même pour traître. Pour homme faible, tout au moins, et cela commence… »

— Autre lettre, arrivée le 9 décembre : « Vous l’avez su, cher ami, le président Wilson a ses desseins qui ne sont pas ceux de l’Angleterre, de la France et de l’Italie. Il fait la guerre aux Allemands pour leur perfectionnement moral. Il ne déposera les armes que lorsque les Boches, formant un peuple de justes, marcheront dans les voies du Seigneur sous des chefs inspirés du ciel, tels que les juges d’Israël ou les présidents des États-Unis d’Amérique, et suivront les préceptes saints d’un nouveau Gédéon ou d’un autre Wilson. Il prie son dieu d’opérer promptement cette transformation merveilleuse. Cependant Guillaume demande au sien de ne pas permettre que le peuple allemand soit soumis aux dieux des nations étrangères. Le dieu de Guillaume et le dieu de Wilson sont deux puissants dieux, dont les foudres peuvent longtemps s’entre-croiser sur nos têtes. Lord Lansdowne veut détourner ce présage. Sa lettre a soulevé en Angleterre des colères de presse qu’on nous a étalées. On ne nous a pas communiqué les approbations que les journaux libéraux ont données à ce vieux conservateur. Au reste, nous ne savons rien des choses d’Angleterre.

« Le docteur Boigey, qui est un homme de sens et, après trois ans de tranchées, qui a quelque expérience de la guerre, m’a parlé comme vous des transports. Je n’en attends qu’avec plus d’impatience le résultat de vos réflexions. »

— Dans une conférence sur la Société des Nations, Jean Hennessy en préconise le futur emblème, le drapeau bleu.

— Nulle « courbe » plus houleuse en cette guerre que celle où se fût inscrite la vie de Charles Humbert. En août 1914, il craint pour sa vie. Ne l’accuse-t-on pas d’avoir provoqué la guerre en dénonçant notre impréparation ? Au contraire, il prend figure de prophète dans la guerre. Sa campagne « des canons, des munitions », le rend le plus populaire des patriotes. Le Journal est à lui. Généraux, gens en place, lui font une plate cour à domicile. Il dédaigne d’être ministre. « J’en vaux trois. » Puis éclate l’affaire Bolo. Ce gros homme lutte, menace, et soudain se dégonfle. Il est inculpé. Ses rédacteurs le renient. Pour un temps, il n’est plus rien.

— Le 11, Deux courants se dessinent dans la Presse. L’énorme majorité exprimante veut attendre le plein concours militaire américain (bien que les gens informés sachent que les États-Unis donneront au plus 500.000 hommes en 1918). Et une minorité voudrait accrocher la paix générale à la paix russe.

— Le 11. Prise de Jérusalem. Les cloches sonnent à Londres, pour la première fois de la guerre. C’est un gage pris par les Anglais et une satisfaction pour nos catholiques.

— Dans les revues théâtrales, l’actrice qui représente la Russie est sifflée et ne veut plus entrer en scène que flanquée de l’Angleterre et de l’Amérique.

— Le 12. La demande de poursuites contre Caillaux éclate. C’est une stupeur parmi les partisans de sa politique. Le réquisitoire qui demande la levée de l’immunité est signé Dubail. Le ton de ce réquisitoire surprend. On y fait grief à Caillaux d’être resté fidèle à Almereyda et Bolo après leur inculpation. N’y a-t-il pas quelque chose de généreux dans cette fidélité ? Quant aux conversations en Italie — second grief — elles sont rapportées par des attachés navals et militaires à Rome… Personnages hostiles à Caillaux, fatalement.

L’origine de l’impopularité de Caillaux, c’est l’impôt sur le revenu. Certes, c’est comique, quand on réfléchit que la guerre, acceptée, honorée par les privilégiés de la fortune, va faire passer l’ensemble de leurs impôts du simple au quintuple. L’impôt sur le revenu, qu’ils vont avoir par surcroît, les eût infiniment moins lésés. N’importe, la campagne réactionnaire contre Caillaux date du jour où il voulut cet impôt. Ajoutez la tractation d’Agadir, l’action de la presse, la fièvre obsidionale et ses visions « d’espionnite », le besoin d’expliquer le malheur par la trahison.

Les mobiles de Clemenceau ? La haine de son chauvinisme contre l’apôtre d’une paix raisonnable, la nécessité, pour l’homme au pouvoir, de tenir les engagements de l’homme de l’opposition. La croyance qu’il obéit à un mouvement d’opinion (qu’il concourut à créer par ses attaques.) Enfin, une chance de durer.

— Cette affaire Caillaux, la haine déchaînée contre lui — plus, il est vrai, chez les bourgeois petits et grands que chez l’ouvrier organisé — révèlent de nouvelles profondeurs de la bêtise humaine. C’est un sondage dans des abîmes inexplorés.

— Dubail proteste qu’il n’a pas signé son réquisitoire sans le lire. Il semble bien que ce soit surtout l’œuvre d’Ignace, le sous-secrétaire d’État à la justice militaire, qu’on surnomme Ignace de Loyola.

— Ô guerre, ne serviras-tu pas au moins à montrer l’ignoble injustice d’un état social où, sur mille hommes, un seul parle et mène les autres, qu’il s’agisse du troupeau civil ou du troupeau militaire ?

— Le 16. Déjeuner avec Anatole France. Sur l’affaire Caillaux, il déclare formellement qu’en somme il vaut mieux que la haine contre Caillaux se soit fixée en une accusation ouverte. Peut-être les deux grands partis représentés par Clemenceau et Caillaux vont-ils se grouper et se compter, chacun sous sa bannière.

— Le 17. L’emprunt a été clos le 16. Jusqu’au bout, on colla de nouvelles affiches. Victoires échevelées et gueulantes, drapeaux au vent. Au cinéma, on projetait d’immenses cimetières militaires avec l’objurgation de venger nos morts. On me dit enfin qu’on accorda des permissions aux soldats qui voulaient souscrire.

— Une appréhension pèse sur la ville et la vie. Peut-être s’imagine-t-on que les troupes allemandes rendues disponibles par l’armistice russe vont être instantanément transportées et mises en action ?

C’est le 16 au soir qu’on a su la signature de cet armistice, un des plus grands événements de cette guerre. On s’en tait, comme d’un deuil.

— Par contre, on parle d’une détente intérieure. Le Cabinet serait décidé à laisser comparaître Caillaux devant la Haute-Cour, moins dangereuse, paraît-il, pour sa vie et sa sécurité, que le conseil de guerre.

— Le 18. Déjeuner avec Painlevé. Il entreprend tout de suite d’expliquer son rôle ministériel : « J’étais né faible… »

— Le 19. C…, qui lit l’analyse quotidienne de la presse allemande, y voit — par les fureurs mêmes des pangermanistes — que les maximalistes, dans leurs conditions de paix, demandent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et en particulier l’examen de la question d’Alsace-Lorraine. Quand on signale cet indice à nos orthodoxes, ils ragent, ils nient. Pourquoi ? Peut-être parce que la presse a honni la paix russe et qu’ils veulent une défection totale, une malédiction absolue. Peut-être parce qu’ils ne veulent pas reconnaître l’injustice de leur blâme. Peut-être parce qu’ils voient là une possibilité de paix générale prochaine et qu’obscurément ils la veulent lointaine.

C… me donne aussi des détails sur l’accident de Saint-Michel-de-Maurienne où 439 permissionnaires venant d’Italie furent brûlés dans un train déraillé. La moitié d’entre eux ne peuvent pas être identifiés. On a décidé de dire aux familles qu’ils sont morts glorieusement. Bénéfice pour elles et pour la compagnie. Les journaux ont observé sur le tout un silence religieux.

— Chez Victor Margueritte, avec Anatole France, Accambray. Après le repas, France est installé sur un sofa, des coussins dans le dos, deux jeunes femmes à ses côtés. Et il est superbe, prophétique, les yeux noirs scintillants, la barbe blanche animée, le verbe plus précis que de coutume.

Nourri de la Révolution, il veut la décalquer sur le présent. Clemenceau devient Robespierre, et Caillaux Danton.

Un aphorisme de lui : « Les militaires trouvent toujours le criminel. Ils ne trouvent jamais le crime. »

— Le 20, Anatole France vient me chercher à 10 h. ½. Je l’accompagne à l’usine Pathé où on le filme pour l’Amérique, en préface de Thaïs. Un ouvrier me dit : « On dirait qu’il n’a jamais fait que cela de sa vie. » Puis, visite de l’usine de pellicules et de masques asphyxiants. À midi et demi nous sommes au Canard enchaîné, qui nous a invités. Curieux déjeuner, dans la salle de réunion de cette feuille humoristique, servi par la femme du directeur Maréchal, « afin de n’être pas écoutés par les domestiques ». France dit : « Comme au XVIIIe siècle, où on rangeait les laquais. » Il y a Tristan Bernard, Jean Louguet, Victor Snell, La Fouchardière (dont les romans sur la guerre ont fait passer des vérités sous le manteau de l’humour)… Tristan Bernard me téléphonait le soir son impression d’une conversation touffue, pleine et diverse, et par là si différente d’un repas bourgeois.

— Je lis cette nuit le rapport Paisant, de la Commission des Onze, chargée d’examiner les poursuites contre Caillaux. On y voit le réquisitoire Dubail, la sténographie des séances, des pièces annexes. La défense de Caillaux est ferme, virile, piquée d’anecdotes spirituelles. La déposition de Clemenceau laisse rêveur. Il dit en substance : « Il faut rassurer les soldats, qui se croient trahis. Il faut toute la lumière. » Il oublie que ce sont des articles de journaux et notamment les siens, qui ont créé cette atmosphère de soupçon. Il semble obéir à une honnête contrainte. N’obéit-il pas plutôt au désir d’étouffer une politique contraire à la sienne ?

Ah ! Qu’Anatole France avait raison de proclamer ces jours-ci qu’il y avait là une nouvelle affaire Dreyfus ! Et Clemenceau ne vient-il pas d’ajouter à la ressemblance, en parlant de « dossiers secrets » qu’il ne peut pas ouvrir sans l’assentiment des Alliés ?

— Le 22. Alerte de sirènes à 8 h. 20 du soir. Des coups de téléphone me montrent que la vie n’est pas troublée, qu’on continue de dîner, de lire. À 9 h. 15 la berloque. J’avertis la femme de chambre que c’est fini. Elle réplique : « Oh ! Monsieur, je n’ai pas peur ! » Tout est là…

— Le même soir, on me téléphone des impressions de la séance de la Chambre, où Caillaux se défendit. D’après les assistants, il aurait remporté un vrai triomphe, s’élevant audacieusement, sur les ruines de l’accusation, jusqu’aux sommets de sa politique. On appréhendait les clameurs de la droite et des tribunes. Tout fut silencieux, même Clemenceau. Les Gauches applaudirent. Caillaux connut de nouveau le cordial des chaudes poignées de main.

Renaudel aussi se surpassa, accusa Clemenceau d’exploiter les scandales, confondit Ignace qui se défendait d’avoir rédigé le réquisitoire Dubail et, ayant mis en cause Poincaré, fut interrompu par deux cents députés hurlant : « Poincaré ! » sur l’air des Lampions, sans que le Président pût intervenir.

— Le 25. Publication des propositions de paix maximalistes. Elles exigent bien le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, à se grouper selon leur origine ethnique. Déjà la presse dénonce la « manœuvre » des Allemands, qui vont essayer de généraliser la paix russe.

L’ambassadeur Noulens a reçu Trotsky, le maître de l’heure russe. Vite, on nous déclare que l’entretien était officieux. Ah ! que nos maîtres ont peur de la paix !

Les Russes demandent que des représentants alliés assistent aux négociations. « Manœuvre ! » hurle notre presse.

— Une réclame de la Revue du Casino de Paris : « Les cent cinquante femmes qui marchent en l’air. Les soixante-quatre fleurs merveilleuses. Les trente-deux jambes en feu, etc. » Lumières, parures, tout, dans la salle, éclate de luxe insolent. On loue trois semaines d’avance. La rue de Clichy est interdite à la circulation. Un des auteurs est Bousquet, blessé comme sous-lieutenant mitrailleur, et qui garde un éclat d’obus dans le foie…

— Les Anglais appellent never-endistes (never end, jamais de fin) ceux que nous appelons « jusqu’auboutistes ».

— On ne parle plus de la réduction des armements. Sera-t-elle incluse dans le statut de la Société des Nations ? C’était pourtant une des rares consolations du cataclysme.

— Le Carnet de la Semaine conte que Poincaré assista, genoux pliés, à un Te Deum à Notre-Dame pour célébrer la prise de Jérusalem.

— Le 27. La conférence de la C. G. T. à Clermont-Ferrand vote à l’unanimité une motion déplorant l’attitude de la presse, l’imprécision des buts de guerre, réclamant les conditions de la Paix selon les formules de Wilson et de la Révolution russe. Elle fait appel à la classe ouvrière de tous les belligérants et demande une conférence internationale.

— Le 29. Jour de deuil. On interpellait à la Chambre sur la révision des buts de guerre et l’attitude envers la Russie. Pour les buts de guerre, Pichon n’a rien promis. De molles et louches paroles. Quant aux Russes, Sembat criait : « Ne les laissez pas seuls avec les Allemands ! Ils voient en la France la mère de la Révolution ! » Il s’offrait à aller là-bas. Et pour qui connaît sa vie douillette, sa santé fragile, l’extrême urgence d’un tel voyage apparaît. Moutet fut émouvant. Mais il n’obtint rien. Sans consulter même les Alliés, Pichon refusa d’examiner la paix proposée par les pourparlers russes. Ah ! Le malheur pour ce pays que Clemenceau préside à ses destinées quand cette occasion s’offre ! Ne dressera-t-on pas le constat de cet aveuglement ?

— Le 31. La Chambre a voté la loi de procédure que le Sénat avait dû créer pour traduire d’anciens ministres devant la Haute-Cour. Ce fut à l’intention de Malvy, qui attend toujours…