L’Encyclopédie/1re édition/VISTNOU, ou VISTNUM
VISTNOU, ou VISTNUM, s. m. (Hist. mod. Mythol.) c’est le nom que l’on donne dans la théologie des Bramines, à l’un des trois grands dieux de la premiere classe, qui sont l’objet du culte des habitans de l’Indostan. Ces trois dieux sont Brama, Vistnou & Ruddiren. Suivant le védam, c’est-à-dire la bible des Indiens idolâtres, ces trois dieux ont été créés par le grand Dieu, ou par l’être suprème, pour être ses ministres dans la nature. Brama a été chargé de la création des êtres ; Vistnou est chargé de la conservation ; & Ruddiren de la destruction. Malgré cela, il y a des sectes qui donnent à Vistnou la préférence sur ses deux confreres, & ils prétendent que Brama lui-même lui doit son existence & a été créé par lui. Ils disent que Vistnou a divisé les hommes en trois classes, les riches, les pauvres, & ceux qui sont dans un état moyen ; & que d’ailleurs il a créé plusieurs mondes, qu’il a rempli d’esprits, dont la fonction est de conserver les êtres. Ils affirment que le védam, ou livre de la loi, n’a point été donné à Brama, comme prétendent les autres Indiens, mais que c’est Vistnou qui l’a trouvé dans une coquille. Toutes ces importantes disputes ont occasionné des guerres fréquentes & cruelles, entre les différentes sectes des Indiens, qui ne sont pas plus disposées que d’autres à se passer leurs opinions théologiques.
Les Indiens donnent un grand nombre de femmes à leur dieu Vistnou, sans compter mille concubines. Ses femmes les plus chéries sont Lechisni, qui est la Vénus indienne, & la déesse de la fortune, dont la fonction est de gratter la tête de son époux. La seconde est Siri pagoda, appellée aussi pumi divi, la déesse du ciel, sur les genoux de qui Vistnou met ses piés, qu’elle s’occupe à frotter avec ses mains. On nous apprend que ce dieu a eu trois fils, Kachen, Laven, & Varen ; ce dernier est provenu du sang qui sortit d’un doigt que Vistnou s’est une fois coupé.
Ce dieu est sur-tout fameux dans l’Indostan, par ses incarnations qui sont au nombre de dix, & qui renferment, dit-on, les principaux mysteres de la théologie des Bramines, & qu’ils ne communiquent point ni au peuple ni aux étrangers. Ils disent que ce dieu s’est transformé 1°. en chien de mer ; 2°. en tortue ; 3°. en cochon ; 4°. en un monstre moitié homme & moitié lion ; 5°. en mendiant ; 6°. en un très-beau garçon appellé Prassaram ou parecha Rama ; 7°. il prit la figure de Ram qui déconfit un géant ; 8°. sous la figure de Kisna, ou Krisna ; dans cet état il opéra des exploits merveilleux contre un grand nombre de géants, il détrôna des tyrans, rétablit de bons rois détrônés, & secourut les opprimés ; après quoi il remonta au ciel avec ses 16000 femmes. Les Indiens disent que si toute la terre étoit de papier, elle ne pourroit contenir toute l’histoire des grandes actions de Vistnou, sous la figure de Kisna ; 9°. il prit la forme de Bodha, qui, suivant les Banians, n’a ni pere ni mere, & qui se rend invisible ; lorsqu’il se montre il a quatre bras : on croit que c’est ce dieu qui est adoré sous le nom de Fo, dans la Chine, & dans une grande partie de l’Asie ; 10°. la derniere transformation de Vistnou, sera sous la forme d’un cheval aîlé, appellé Kalenkin, elle n’est point encore arrivée, & n’aura lieu qu’à la fin du monde.
Le dieu Vistnou est le plus respecté dans le royaume de Carnato, au-lieu que Ram ou Brama est mis fort au-dessus de lui, par les bramines de l’empire du Mogol ; & Ruddiren est le premier des trois dieux, pour les Malabares. Voyez Ram & Ruddiren.
Ceux qui voudront approfondir les mysteres de la religion indienne, & connoitre à fond l’histoire de Vistnou, n’auront qu’à consulter l’histoire universelle d’une société de savans Anglois, tom. VI. in-8o.