L’Encyclopédie/1re édition/VERSAILLES

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VERSAILLES, (Géog. mod.) ville de l’île de France, à quatre lieues au couchant de Paris. Ce n’étoit autrefois qu’un prieuré, dépendant de S. Magloire ; c’est à présent une ville assez considérable, où l’on arrive de Paris, de Sceaux & de Saint Cloud par trois longues avenues, & où la plûpart des seigneurs de la cour ont fait bâtir des hotels. Il y a dans cette ville deux paroisses, dont les peres de la mission sont curés. Long. 19. 50. 38. lat. 48. 48.16. Parlons du château.

En 1630, Louis XIII. acheta pour 20 mille écus la terre de Versailles, & y fit bâtir un petit château pour loger ses équipages de chasse. Ce n’étoit encore proprement qu’une maison de campagne, que Bassompierre appelle le chétif château de Versailles. Louis XIV. trouva la maison de campagne à son gré ; il fit de la terre une ville, & du petit château un celebre palais, un abîme de dépense, de magnificence, de grand & de mauvais goût ; préférant une situation des plus ingrates, basse, & couverte de brouillards, à celle qu’offre S. Cloud sur la Seine ou Charenton au confluent des deux rivieres.

Mais il eut encore été plus désirable, dit un historien moderne, que ce monarque eut préféré son Louvre & sa capitale à son nouveau palais, que le duc de Créqui nommoit plaisamment un favori sans mérite. Si la postérité admire avec reconnoissance ce qu’on a fait de grand pour le public, la critique se joint à l’étonnement quand on voit ce que Louis XIV. a fait de superbe, & de défectueux pour son habitation. La description de cette habitation remplit cinquante-six colonnes in-folio dans la Martiniere, & un volume in-12. dans Piganiol de la Force.

On ne peut que regretter les 8 millions de rente qui formerent en trois reprises, un emprunt de 160 millions perdus à la construction de Versailles, & qui pouvoient être si sagement employés à plusieurs ouvrages utiles & nécessaires au royaume. On connoît ce qu’un de nos poëtes lyriques a dit de cette entreprise de Louis XIV. lorsqu’on y travailloit encore :

Pour la troisieme fois du superbe Versailles
Il faisoit aggrandir le parc délicieux :
Un peuple malheureux de ses vastes murailles
Creusoit le contour spacieux.
Un seul contre un vieux chène appuyé sans mot dire,
Sembloit à ce travail ne prendre aucune part.
A quoi rêves-tu-là, dit le prince ? Hélas, sire,
Répond le champêtre vieillard :
Pardonnez, je songeois que de votre héritage
Vous avez beau vouloir élargir les confins :
Quand vous l’agrandiriez trente fois davantage,
Vous aurez toujours des voisins.

(Le chevalier de Jaucourt.)