L’Encyclopédie/1re édition/UROMANTE

◄  URNE
UROMANTIE  ►

UROMANTE, s. m. (Méd. & Divinat.) nom composé de deux mots grecs, οὖρον, urine, & μάντις, devin, qu’on donne à ceux qui font profession de deviner les maladies par la seule inspection des urines ; il y a eu dans tous les tems de ces charlatans effrontés, qui ont prétendu faire, par ce seul signe souvent fautif, ce dont les médecins les plus éclairés ne viennent que difficilement à bout, en réunissant & combinant toutes les lumieres que la séméiotique fournit. Il y en a même qui ont porté plus loin leurs prétentions, & qui se vantent de connoître aux urines l’âge, le sexe, le tempérament, l’état du corps, &c. des personnes dont ils examinent l’urine. Un homme qui fait des promesses si merveilleuses, est regardé avec admiration par le peuple, qui se garde bien d’examiner s’il les tient ; & le sage ne voit dans lui qu’un imposteur condamnable, qui mériteroit d’être exposé à la sévérité des lois, non pas comme abusant de la crédulité du peuple (car les magistrats auroient trop affaire, s’ils exerçoient leurs droits sur tous ceux qui sont coupables d’une pareille faute), mais comme le trompant sur un article qui intéresse l’état, sur le bien qui est le plus précieux même à chaque particulier, la vie & la santé. Voyez Urine, Séméiotique.

Pour le désabuser sur le compte de ces empiriques, il ne sera pas mal de découvrir ici la manœuvre qu’ils emploient pour le tromper. Ils commencent par glisser dans l’urine quelque liqueur qui la fait fermenter & sortir par-dessus les bords du verre : ce premier phénomene étonne, ils profitent de ce moment de surprise pour faire quelques questions vagues qui les menent à découvrir où est la douleur la plus violente du malade, son sexe, son âge, & là-dessus ils bâtissent leur système de maladie, & en nomment un si grand nombre les unes après les autres, qu’il n’est presque pas possible que le malade n’y reconnoisse celle dont il est attaqué.

Ils ne se bornent pas à cette seule fourberie, car outre la consultation qu’il faut payer, ils ont encore soin de tirer de l’argent d’une infinité de drogues qu’ils donnent à prendre, dont ils ne connoissent pas eux-mêmes la vertu, & qui sont ordinairement assez violentes pour augmenter la force de la maladie & occasionner d’autres accidens. Ce seroit bien certainement là le cas de faire revivre la loi du talion, & de punir de mort des gens qui la donnent journellement à tant d’autres. (m)