L’Encyclopédie/1re édition/URNE

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URNE, s. f. urna, (Antiq. rom.) vaisseau de différente matiere, usage, grandeur & figure. On employoit les urnes pour renfermer les cendres des corps après les avoir brûlés ; on les employoit encore pour jetter les buletins de suffrage dans les assemblées des citoyens de Rome pour l’élection des magistrats, & dans les jugemens. On se servoit de l’urne pour la divination ; on tiroit aussi des urnes les noms de ceux qui devoient combattre les premiers aux jeux publics ; enfin on conservoit les vins dans des urnes expresses.

Comme les urnes servoient principalement à contenir les cendres des morts, on fabriquoit des urnes de toutes sortes de matieres pour cet usage. Trajan ordonna qu’on mît ses cendres dans une urne d’or, & qu’elle fût posée sur cette belle colonne qui subsiste encore aujourd’hui. L’urne du roi Démétrius étoit aussi d’or, au rapport de Plutarque. Spartien dit que les cendres de l’empereur Sévere furent apportées à Rome dans une urne d’or. Dion prétend que son urne n’étoit que de porphire, & Hérodien qu’elle étoit d’albâtre ; Marcellus qui prit Syracuse, avoit une urne d’argent.

Les urnes de verre sont un peu plus communes. Marc Varron voulut qu’on mît ses cendres dans un vaisseau de poterie, avec des feuilles de myrte, d’olivier & de peuplier ; ce que Pline appelle à la pythagoricienne, parce que c’étoient les plus simples.

Les urnes de terre, d’usage pour les personnes du commun, étoient ordinairement plus grandes, parce que comme l’on prenoit moins de soin pour réduire leurs cadavres en cendres, les os qui n’étoient qu’à moitié brûlés tenoient plus de place. D’ailleurs ces urnes servoient pour mettre les cendres d’une famille entiere, du-moins pour celles du mari & de la femme, comme nous l’apprenons de cette inscription antique.

Urna brevis geminum quamvis tenet ista cadaver.

Pour ce qui concerne la figure des urnes, celles de terre étoient faites à-peu-près comme un pot de terre ordinaire, si ce n’est qu’elles étoient plus hautes & plus retrécies vers le col. Il y en a plusieurs dont le pié se termine en pointe ; quelques unes ont des ances, & d’autres n’en ont point. La plûpart sont sans façon & sans bas-reliefs ; mais il y en a qui portent des figures d’hommes ou d’animaux.

Les urnes de bronze ou d’autre métal étoient pour des personnes opulentes ou de qualité. Il y en a peu qui n’ayent à l’entour quelque sculpture & bas-relief, comme on peut s’en convaincre en consultant les figures qu’en ont donné les Antiquaires.

On a vu des urnes d’Egypte qui sont de terre cuite, chargées d’hiéroglyphes & remplies de momies, ce qui est fort particulier ; parce que les Egyptiens avoient coutume d’embaumer les corps entiers, & qu’on faisoit peu d’urnes pour les y déposer.

Parmi le grand nombre d’urnes qui se voient à Rome, il y en a de rondes, de quarrées, de grandes, de petites, les unes toutes unies, les autres gravées en bas-relief. Il s’en trouve qui sont accompagnées d’épitaphes, d’autres qui ont seulement le nom de ceux à qui elles appartenoient. Quelques-unes n’ont de caracteres que ces deux lettres D. M. D’autres ont seulement le nom du potier qui les avoit faites, écrit sur le manche ou dans le fond.

Les anciens gardoient leurs urnes dans leurs maisons ; ils en plaçoient aussi sur ces petites colonnes quarrées qui portoient leurs épitaphes, & que nous appellons cippes, à cause de leur figure. On les mettoit encore dans des sépulchres de pierre ou de marbre : cette inscription le dit.

Te, lapis, obtestor, leviter super ossa quiesce,
Et nostro cineri ne gravis esse velis.

Les gens de qualité avoient des voûtes sépulchrales, où ils mettoient dans des urnes les cendres de leurs ancêtres. On a trouvé autrefois à Nîmes une de ces voûtes avec un riche pavé de marqueterie, qui avoit tout-à-l’entour des niches dans le mur ; & dans chaque niche, on avoit mis des urnes de verre doré remplies de cendres.

Les Romains avoient deux sortes d’urnes pour les suffrages ; les premieres, appellées cistæ, avoient une large ouverture ; l’on y mettoit les balottes & les tablettes, pour les distribuer au peuple avant que de procéder à l’élection. Les autres urnes, nommées citellæ, avoient l’ouverture très-étroite, & c’étoit dans celles-ci que le peuple jettoit son suffrage. Sur la fin de la république, il arriva quelquefois qu’on enleva ces dernieres urnes, afin que les suffrages ne pussent pas être comptés.

Les urnes à conserver le vin étoient distinguées en grandes & petites ; les petites contenoient seulement dix-huit ou vingt pintes de notre mesure ; mais les grandes faisoient la charge d’une charrette, & contenoient cent vingt amphores ; le tout égaloit selon quelques critiques, le poids de seize cens livres, & selon d’autres, de 1920 livres. Columelle les appelle ventrosas, à large ventre ; il paroît qu’elles ne devoient pas être d’une médiocre grandeur, s’il est vrai ce qu’en disent Laërce & Juvenal, qu’elles servissent d’habitation à Diogene. L’on objecte contre leur récit, que le tonneau de ce philosophe étoit de bois, parce qu’il le rouloit souvent au rapport de Lucien ; mais des vases si gros & si matériels, quoique de terre cuite, pouvoient bien sans danger se rouler sur des peaux, de la paille, & même sur le pavé le plus dur.

Quant aux urnes lachrymales, il est vrai qu’on a trouvé dans des tombeaux plusieurs phioles, dans lesquelles, dit-on, les Romains ramassoient les larmes qu’on répandoit pour les morts ; mais la figure de ces phioles annonce qu’on ne pouvoit s’en servir à cet usage, mais bien pour y mettre les baumes & les onguens liquides, dont on arrosoit les ossemens brûlés ; il est donc vraissemblable que tout ce qu’on appelle lacrymatoire dans les cabinets, doit être rapporté à cette espece de phioles uniquement destinées à mettre les baumes pour les morts. (D. J.)

Urne, (Sculpt.) ornement de sculpture ; c’est une espece de vase bas & large, dont on orne quelquefois les balustrades, & qui sert d’attribut aux fleuves & aux rivieres ; on les trouve ainsi représentés sur les médailles & les bas-reliefs antiques. Les Poëtes en parlent sur le même ton. Ils nous peignent le Tibre & le Pô, appuyés sur leur urne, quand ils nous parlent de leurs sources. (D. J.)

Urne cinéraire, (Antiq. rom.) voyez Urne ; nous n’ajouterons que deux mots en passant.

Les urnes cinéraires étoient fort en usage chez les Romains : elles servoient, comme on le voit, à recueillir les cendres des morts qu’on étoit dans la coutume de brûler. Il y en avoit de différentes matieres.

On en a trouvé de verre, & c’est le plus grand nombre ; il y en a où les cendres du mort sont encore enfermées ; M. de Caylus a donné la figure d’une de ces urnes, qui est d’un très-bon goût de travail. Les anses sont d’une composition d’autant plus ingénieuse, qu’elles se lient avec l’ornement général du morceau, c’est-à-dire qu’elles sont formées par les extrémités de deux branches de laurier, qui soutiennent une coquille naturellement & convenablement attachée au corps du vase. Ces deux branches raccordées avec goût, portent les feuilles qui leur sont naturelles ; & pour enrichir le reste du vase, ces feuilles sont mêlées avec celles du lierre, dont l’emblème convient à la destination de l’urne. (D. J.)

Urne funéraire, (Archit. décorat.) espece de vase couvert, orné de sculpture, qui sert d’amortissement à un tombeau, une colonne, une pyramide & autre monument funéraire, à l’imitation des anciens, qui renfermoient dans ces sortes d’urnes les cendres des corps des défunts. (D. J.)