L’Encyclopédie/1re édition/TRÉSORIER

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TRÉSORIER, s. m. (Gram.) est en général celui à qui l’on a confié la garde d’un trésor.

Trésorier en sous-ordre, (Hist. rom.) les trésoriers en sous-ordre, ou les sous-trésoriers, selon Asconius & Varron, étoient certains particuliers d’entre le peuple qui levoient & portoient chez le questeur du proconsul, l’argent nécessaire pour la paie des troupes ; c’étoient des especes de collecteurs de l’argent imposé sur chaque tribu pour les besoins de l’état. Leur établissement est de la plus haute antiquité, au rapport d’Aulu-gelle. La loi aurelia nous apprend combien cet ordre peu digne de considération devint accrédité, puisque cette loi rendit commun aux trésoriers & aux chevaliers le droit de juger de certaines matieres qui n’appartenoient auparavant qu’aux sénateurs ; il falloit au contraire les dépouiller de ce privilege, si quelque autre loi le leur avoit accordé. (D. J.)

Trésorier, (terme d’église.) c’est celui qui possede une dignité ou bénéfice ecclésiastique, qui le rend gardien de l’argenterie, des joyaux, des reliques, du trésor des chartes, & autres objets appartenans à l’église particuliere dont il est membre. Le trésorier a succédé en quelque façon aux anciens diacres à qui les trésors de l’église étoient confiés. Dans le tems de la réformation cette dignité fut abolie comme inutile dans la plûpart des églises cathédrales de la grande Bretagne ; cependant elle subsiste toujours dans celles de Londres, de Salisbury, &c. (D. J.)

Trésoriers de France, (Jurisprud.) sont des magistrats établis pour connoître du domaine du roi.

Ils ont été appellés trésoriers, parce qu’au commencement de la monarchie toute la richesse de nos rois ne consistoit que dans leur domaine, qu’on appelloit trésor du roi ; & que les revenus du domaine étoient déposés dans un lieu appellé le trésor du roi, dont ces officiers avoient la garde & la direction.

Du tems de Clovis I. le trésor étoit gardé dans l’ancien palais bâti de son tems, où est aujourd’hui le parlement.

Le trésorier qui ordonnoit du paiement des gages ou pensions assignées par les rois sur leur domaine, même des fiefs & aumônes, avoit une chambre près du trésor, en laquelle il connoissoit du domaine, comme cela s’est toujours pratiqué depuis, soit lorsqu’il n’y avoit qu’un seul trésorier, ou lorsqu’ils ont été plusieurs.

Sous Philipe-Auguste le trésor étoit au temple : ce prince avant de partir pour la Terre-sainte, l’an 1196, ordonna qu’à la recette de son avoir, Adam son clerc, seroit présent & écriroit la recette ; que chacun auroit une clé des coffres où l’argent seroit remis, & que le temple en auroit une. C’étoit un chevalier du temple qui étoit le gardien particulier du trésor du roi, & qui en expédioit les quittances aux prevôts & aux comptables.

Du tems de S. Louis la chambre des comptes, qui étoit ambulatoire, ayant été fixée à Paris, les trésoriers de France & officiers des monnoies, à raison de la communication qu’ils avoient avec les finances, dont les gens des comptes étoient juges, furent unis & incorporés en la chambre des comptes, où ils continuerent chacun l’exercice de leurs charges.

On voyoit en effet encore dans l’ancien bâtiment de la chambre des comptes, qui fut brûlé le 28 Octobre 1737, une chambre du trésor, appellée camera vetus thesauri, où les trésoriers de France exerçoient anciennement leur charge & jurisdiction en la connoissance du domaine : il y avoit aussi une chambre des monnoies, & Miraulmont dit avoir vu des commissions, une entr’autres de l’an 1351, intitulée les gens des comptes & trésoriers & les généraux maîtres des monnoies du roi notre sire, qui prouvent qu’autrefois ces trois chambres n’ont fait qu’un corps & une compagnie ; c’est de-là que les tresoriers de France sont encore reçus & installés en la chambre des comptes, & qu’entre les six chambres ou divisions dans lesquelles les auditeurs des comptes sont distribués pour le rapport des comptes ; la premiere s’appelle encore la chambre du trésor.

Le dépôt du trésor du roi fut pourtant remis au temple en 1302 ; depuis il fut mis au louvre, & ensuite on le remit au palais.

Il étoit dans une tour près la chambre appellée du trésor, laquelle se voit encore aujourd’hui treillissée, au plancher de laquelle sont attachées les balances où les finances du royaume, qui étoient apportées & mises ès mains du changeur du trésor, se pesoient.

Du tems de Miraulmont, le trésor du roi étoit gardé à la bastille de S. Antoine.

Présentement le trésor du roi, appellé trésor royal, reste chez les gardes du trésor royal.

Pour ce qui est de la recette & de l’administration du trésor ou domaine, au commencement c’étoient les baillifs & sénéchaux qui en étoient chargés, chacun dans leur ressort.

Depuis, pour ne les pas détourner de l’exercice de la justice, on établit des revenus particuliers, lesquels reportoient tous l’argent de leur recette au changeur du trésor, qui étoit le receveur général.

Le changeur du roi distribuoit les deniers suivant les mandemens & ordonnances des trésoriers de France, lesquels avoient la direction du domaine & revenus du roi.

Le nombre de ces officiers fut peu considérable sous les deux premieres races de nos rois, & même encore assez avant sous la troisieme.

Grégoire de Tours & Aimoin, deux de nos plus anciens historiens françois, parlent du trésorier de Clovis I. thesaurarius Clodovici.

On trouve peu de chose au sujet des trésoriers de France, jusqu’au tems de Philippe le Bel.

Sous le regne de ce prince il n’y avoit qu’un seul trésorier de France, qui étoit établi en cette charge par forme de commission seulement, pour un an, plus ou moins, selon la volonté du roi ou de son conseil.

Guillaume de Hangest étoit seul trésorier de France en 1300, depuis ce tems il y en eut tantôt deux, tantôt trois ou quatre ; leur nombre a beaucoup varié, y ayant eu en divers tems plusieurs créations & suppressions de trésoriers de France.

Entre ces trésoriers, les uns étoient pour la direction du domaine & finances ; les autres étoient trésoriers sur la foi de la justice, c’est-à-dire, préposés pour rendre la justice sur le fait du domaine & trésor, c’est pourquoi on les appelloit aussi conseillers du trésor ; il y en avoit dès 1390 ; ils furent supprimés par une ordonnance du 7 Janvier 1400, à la charge que s’il se présentoit quelques différens au trésor, les autres trésoriers, pour les décider, appelleroient des conseillers au parlement ou de la chambre des comptes ; cependant deux conseillers au parlement & le baillif de Senlis furent encore pourvus de ces offices, lesquels de nouveau furent supprimés en 1407, avec la même clause qu’en 1400, ce qui n’empêcha pas encore qu’en 1408 les trésoriers de France ne reçussent un conseiller sur le fait de la justice.

Ces trésoriers sur le fait de la justice, ou conseillers du trésor, subsisterent au nombre de dix jusqu’en 1683, que la chambre du trésor fut unie au bureau des finances. Le roi attribuant aux trésoriers de France toute cour & jurisdiction, chacune dans leur généralité. Voyez ce qui a été dit ci-devant à ce sujet au mot Domaine.

Quoique les trésoriers de France ne s’occupassent autrefois principalement que de la direction des finances, ils avoient cependant toujours conservé le droit de venir prendre place en la chambre du trésor & d’y présider.

Des le tems de Philipe le Bel il y avoit un président des trésoriers de France, qu’on appelloit le souverain des trésoriers. Henri III. en créa un second dans chaque bureau ; il en a été encore créé d’autres dans la suite, lesquels à Paris ont été réunis au corps des trésoriers de France, & sont exercés par les plus anciens d’entr’eux.

En 1551, Henri II. voulant unir les charges de trésoriers de France avec celle de généraux des finances, ordonna que dans chaque bureau des dix-sept recettes générales du royaume il y auroit un trésorier de France général des finances ; depuis, il sépara ces charges en deux.

En 1577, Henri III. créa les trésoriers de France en corps de compagnie, au moyen de l’établissement qu’il fit des bureaux des finances dans les généralités & principales villes du royaume.

L’édit du mois de Mars 1627, en ôtant aux baillifs & sénéchaux la connoissance des causes du domaine que l’édit de Crémieu leur avoit attribué, la donna aux trésoriers de France, chacun dans l’étendue de leurs généralités, avec faculté de juger en dernier ressort jusqu’à 250 liv. de principal, & de 10 liv. de rente, & de juger par provision jusqu’au double de ces sommes.

Les bureaux des finances sont présentement composés de présidens en titre d’office, de présidens dont les offices ont été réunis au corps, & sont remplis & exercés par les plus anciens trésoriers de France.

Il y a aussi dans plusieurs bureaux des finances un chevalier d’honneur ; à Paris il n’y en a point.

Les présidens & trésoriers de France de Paris servent alternativement en la chambre du domaine ; & au bureau des finances, il y a un avocat & un procureur du roi pour la chambre du domaine, & un autre avocat & un autre procureur du roi pour le bureau des finances.

Les trésoriers de France réunissent présentement quatre sortes de fonctions : savoir, 1°. celle qui leur appartenoit anciennement pour la direction des finances, du tems que la connoissance des causes du domaine appartenoit à la chambre du trésor. 2°. La jurisdiction qui appartenoit à la chambre du trésor sur le fait du domaine, & qui pendant un tems avoit été attribuée en partie aux baillifs & sénéchaux. 3°. Ils ont aussi la voirie, en conséquence de l’édit du mois de Février 1627, qui leur a attribué la jurisdiction contentieuse en cette matiere.

Leur direction, par rapport aux finances, comprend les finances ordinaire, qui sont le domaine & les finances extraordinaires, qui sont les aides, tailles & autres impositions.

Il est de leur charge de veiller à la conservation du domaine du roi & de ses revenus, d’en faire payer les charges locales, & pour cet effet, d’en donner un état des recette & dépense à faire aux receveurs pour se conduire dans leur recette.

Ce sont eux qui reçoivent les fois & hommages, aveux & dénombremens des terres non titrées relevantes du roi ; mais ils en envoyent annuellement les actes à la chambre des comptes, conformément à un réglement du mois de Février 1668.

Dans leurs chevauchées ils font des procès-verbaux des réparations à faire aux maisons & hôtels du roi, aux prisons & autres édifices dépendans du domaine, & aussi aux grands chemins, pour être pourvu de fonds à cet effet.

Les commissions des tailles & impositions leur sont envoyées, & ensuite envoyées par eux avec leur attache aux élus des élections pour en faire l’assiette & département sur les paroisses contribuables.

Ils donnent aux comptables de leur généralité chacun un état par estimation des recette & dépense qu’ils ont à faire, & vérifient à la fin de leur exercice l’état au vrai des recette & dépense faites sur les comptables qui rendent leur compte à la chambre des comptes.

Jusqu’à ce que les comptes soient rendus à la chambre, ils ont toute jurisdiction sur les comptables & sur ceux qui ont des assignations sur leurs recettes, en exécution de l’état du roi qu’ils ont ; mais du moment que les comptes sont rendus, ce pouvoir cesse, les particuliers prennent droit par les comptes, & se pourvoient en conséquence d’iceux à la chambre.

Ils reçoivent les cautions des comptables de leur généralité, & les font fortifier en cas d’insolvabilité, mais ils en envoyent les actes au greffe de la chambre des comptes, suivant le réglement de 1668 & l’édit du mois d’Août 1669.

Lorsque les comptables meurent sans avoir rendu leurs comptes, les trésoriers de France apposent chez eux le scellé, & veillent à la sureté de ce qu’ils doivent au roi, dont ils se font compter par état.

Si les comptables deviennent insolvables, ils les dépossedent, & commettent à leur exercice, en attendant que le roi y ait pourvu.

Ils prêtent serment à la chambre des comptes, & reçoivent celui de tous les comptables de leur généralité, mais ils ne font point l’information de leurs vie & mœurs, après que la chambre l’a faite à la réception des comptables, cela appartenant uniquement à la chambre, ainsi qu’il est expliqué par l’adresse des provisions.

Les trésoriers de France jouissent de plusieurs privileges, dont les preuves ont été recueillies par Fournival.

Ils sont commensaux de la maison du roi, comme officiers qualifiés de France, & jouissent en conséquence de tous les privileges attribués aux commensaux, tels que les droits de committimus & de franc-salé, le droit de deuil à la mort des rois.

En cette même qualité de commensaux ils sont encore exempts de guet, de garde, de réparations des villes & de subventions.

Ils sont du corps des compagnies souveraines, & ont les mêmes privileges, & notamment la noblesse transmissible.

Ceux de Paris l’ont au premier degré en vertu d’un édit du mois d’Avril 1705 ; ceux des autres bureaux des finances ne transmettent que parte & avo.

Par le réglement de la réforme des habits, ils sont traités comme les compagnies souveraines.

Et en effet dans certain cas ils jugent souverainement.

Il y a des édits & déclarations qui leur sont adressés.

Ils ont l’honneur de parler debout au roi, comme les cours souveraines.

Ils doivent jouir du droit d’indult.

Dans les villes où il n’y a pas d’autres cours, ils ont près d’eux une chancellerie établie à l’instar de celles des compagnies souveraines.

Leurs huissiers ont été créés à l’instar de ceux des autres compagnies souveraines.

Ils ont rang & séance aux entrées & pompes funebres des rois, reines, & autres princes.

Ils ont aussi entrée & séance au parlement entre les conseillers ; lorsqu’ils viennent ou sont mandés pour quelqu’affaire, & lorsqu’ils viennent seulement pour assister aux grandes audiences, ils ont droit de sieger les premiers sur le banc des baillifs & sénéchaux.

Ils ont aussi droit de séance en la cour des aides lorsqu’ils y sont mandés pour affaires.

Ils sont exempts des droits d’aides, emprunts, subsistances, logemens de gens de guerre, & ont été maintenus par provision dans l’exemption du droit de gros.

Ils sont aussi exempts du ban & arriere-ban, de payer le prêt au renouvellement du droit annuel, de toute tutelle & curatelle.

Fournival dit que leur procès ne peut leur être fait que par le chancelier de France ; il est au-moins certain qu’ils jouissent du privilege des autres cours, de ne pouvoir être jugés que par leurs confreres.

Sur ce qui concerne les trésoriers de France, on peut voir Miraumont, Pasquier, Joly, Baquet, Fournival, le recueil des ordonnances de la troisieme race, & ci-devant le mot Domaine. (A)

Trésoriers de l’extraordinaire des guerres, (Finances.) sont en France des officiers créés par le roi, pour faire le payement de toutes les troupes, tant de cavalerie que d’infanterie, pour payer les garnisons de toutes les places, comme aussi les vivres, étapes, fourrages, appointemens des gouverneurs, lieutenans, majors & états majors de toutes les provinces, &c. Ces trésoriers choisissent entre leurs principaux commis ceux qui sont les plus entendus, & ils en envoient un dans chaque armée. Il doit avoir un logement dans le quartier général ; l’infanterie lui fournit une garde de trente hommes. Quand le régiment des Gardes-françoises est à l’armée, cette garde lui est affectée de droit ; elle est composée de quinze ou vingt hommes commandés par un sergent. (Q)

Trésorier de province, (Hist. d’Angleterr.) treasurer of the county ; c’est celui qui est le gardien des fonds de la comté, of the county-stock. Il y a deux trésoriers dans chaque comté, nommés aux sessions de pâques, à la pluralité des suffrages des juges de paix ; ils sont annuels, doivent avoir dix livres sterlings de revenus en terres, & rendre compte chaque année de leur régie, à leurs successeurs, aux sessions de pâques, ou au plus tard dix jours après.

Les fonds du comté dont cet officier est le gardien, se levent annuellement par une taxe de contribution sur chaque paroisse ; ce fond doit être employé à des usages charitables, à soulager des soldats ou des matelots estropiés, comme aussi des prisonniers qui sont pour dettes dans les prisons du comté ; il sert encore à entretenir de pauvres maisons de charité, & à payer les salaires des gouverneurs des maisons de correction. Quelle est la charge de ces trésoriers, la maniere de lever les fonds, & quel en doit être l’emploi, c’est ce qu’on trouvera détaillé dans les statuts XLIII. d’Elisabeth, c. vij. Jacques I. c. iv, xj, & xij. de Guillaume III. c. xviij. de la reine Anne, c. xxxij. de George I. c. xxiij. (D. J.)