L’Encyclopédie/1re édition/SUPERSTITIEUX

SUPERSTITIEUX, (Philosophie.) c’est celui qui se fait une idée plus ou moins effrayante de la divinité & du culte religieux.

La crainte continuelle qui agitoit ce malheureux sur la tête duquel étoit suspendue une pierre énorme, ne rendoit pas son état plus triste, que l’est quelquefois la situation du superstitieux. Le sommeil peut délivrer un esclave de la vûe importune d’un maître qu’il déteste, & lui faire oublier le poids de ses chaînes ; mais le sommeil du superstitieux est communément agité par des visions effrayantes. Il craint l’Etre bienfaisant, & regarde comme tyrannique son empire paternel. Inconsolable dans l’adversité, il se juge digne des maux qu’il souffre, & ne suit que de fausses démarches pour en adoucir le fardeau. Il ne croit jamais avoir rempli ses devoirs, parce qu’il n’en connoît ni l’étendue, ni les bornes. Il s’attache sur tout aux formalités, qu’il regarde comme des choses essentielles. Telle est la source des minuties qui sont si cheres aux ames foibles & aux ignorans. Aussi voit-on que les personnes de peu de génie, celles qui ont été mal élevées, celles qui ont passé leur jeunesse dans le vice & le libertinage, deviennent naturellement superstitieuses. En général, il n’y a point d’absurdité si grossiere, ni de contradiction si palpable, que les grands, le petit peuple, les soldats, les vieilles femmes & la plupart des joueurs, ne se portent à croire sur les causes invisibles, la religion, la divination, les songes, & toutes les pratiques les plus vaines & les plus ridicules. (D. J.)