L’Encyclopédie/1re édition/SUFFISAMMENT, ASSEZ

SUFFISAMMENT, ASSEZ, (Synon.) ces deux mots, dit M. l’abbé Girard, regardent également la quantité ; avec cette différence, qu’assez a plus de rapport à la quantité qu’on veut avoir, & que suffisamment en a plus à la quantité qu’on veut employer.

L’avare n’en a jamais assez ; il accumule, & souhaite sans cesse. Le prodigue n’en a jamais suffisamment ; il veut toujours dépenser plus qu’il n’a.

On dit, c’est assez, lorsqu’on n’en veut pas davantage ; & l’on dit, en voilà suffisamment, lorsqu’on en a précisément ce qu’il faut, pour l’usage qu’on en veut faire.

A l’égard des doses & de tout ce qui se consume, assez paroit marquer plus de quantité que suffisamment ; car il semble que quand il y en a assez, ce qui seroit de plus, y seroit de trop ; mais que quand il y en a suffisamment, ce qui seroit de plus, n’y feroit que l’abondance, sans y être de trop. On dit aussi d’une petite portion & d’un revenu médiocre, qu’on en a suffisamment, mais on ne dit guere qu’on en a assez.

Il se trouve dans la signification d’assez plus de généralité ; ce qui lui donnant un service plus étendu, en rend l’usage plus commun, au lieu que suffisamment renferme dans son idée un rapport à l’emploi des choses, qui lui donnant un caractere plus particulier, en borne l’usage a un plus petit nombre d’occasions.

C’est assez d’une heure à table pour prendre suffisamment de nourriture ; mais ce n’est pas assez pour ceux qui en font leurs délices.

L’économe sait en trouver assez où il y en a peu. Le dissipateur n’en peut avoir suffisamment, où il y en a même beaucoup. Girard, synonym. françois. (D. J.)