L’Encyclopédie/1re édition/STORAX, Styrax

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STORAX, Styrax, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale, en forme d’entonnoir, & profondement découpée. Le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & il devient dans la suite un fruit arrondi & charnu, qui renferme ordinairement un ou deux noyaux, dans lesquels on trouve une amande. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Storax, (Hist. des drog. exot.) on distingue à présent dans la matiere médicale, conformément à la doctrine des Arabes, deux sortes de storax ; savoir, le liquide, & le solide ou le sec, au lieu que les Grecs n’en connoissoient qu’un qui est le sec ; du moins il ne paroît pas qu’ils aient connu le liquide ; or comme ces deux sortes de storax sont entierement différens, & qu’ils tirent leur origine de différens arbres, nous en formerons deux articles séparés, outre que c’est la bonne méthode à suivre dans un dictionnaire ; ainsi voyez Storax liquide & Storax solide. (D. J.)

Storax liquide, (Hist. des drog. exot.) suc nommé par les auteurs latins styrax liquida, & par les arabes miha. C’est un suc résineux dont on trouve deux especes dans les boutiques d’apoticaire, le pur & le grossier.

Le storax liquide pur est un suc résineux, d’une substance tenace & mielleuse, semblable à la térébenthine, à demi-transparent, brun, ou d’un brun rougeâtre, ou d’un gris brun, d’une odeur forte, & qui approche un peu du storax solide, mais presque désagréable, à cause de son goût un peu âcre, aromatique & huileux. On estime celui qui est gluant, jaune, transparent & très-odorant.

Le storax liquide, moins pur ou grossier, est un suc résineux semblable à de la lie, brun ou grisâtre, opaque, gras, peu odorant. Il paroît être la lie du précédent, & l’on ne doit même l’employer dans les remedes externes, qu’après l’avoir passé & purifié de la crasse qu’il contient.

Le commun des apoticaires donnent au storax liquide, d’après quelques arabes, & mal-à-propos, le nom de stacté, parce que le stacté des Grecs est la colature de la myrrhe, comme on le peut voir dans Dioscoride. On trouve rarement le storax liquide, pur & véritable ; car outre qu’il est ordinairement sali par la sciure ou par la poussiere de bois ; il arrive encore que l’on substitue trop souvent d’autres sucs résineux factices à sa place.

Les auteurs sont bien éloignés d’être d’accord sur l’origine du storax liquide ; autant de savans, autant d’avis. Les uns pensent que c’est la colature de la myrrhe, à cause du nom de stacté que certains écrivains arabes lui donnent ; mais outre la différence du goût & de l’odeur qui se trouve entre la myrrhe & le storax, il est clair que ce sont des choses entierement différentes, parce que la myrre qui tient le milieu entre la gomme & les résines, se dissout en partie facilement dans toutes sortes de liqueurs aqueuses, & que le storax liquide ne se dissout que dans des liqueurs huileuses & grasses, ainsi que les résines.

D’autres écrivains croient que le storax liquide est fait du storax calamite dissous dans de l’huile ou du vin, mêlé avec de la térébenthine de Venise : cette décoction, disent-ils, étant refroidie, le storax liquide va au fond, & on enleve la substance huileuse qui surnage.

Quelques naturalistes imaginent que c’est une huile exprimée des noix de l’arbre, d’où découle le storax calamite ; mais d’autres adoptant en partie cette idée prétendent que le storax liquide se fait plutôt par la décoction des tendres rameaux, & des bourgeons du storax, ou du liquidambar.

D’autres enfin se persuadent que le storax calamite & le storax liquide sont le même suc, & qu’ils ne different que par la consistence. Dale soutient en particulier, que tout ce que l’on vend chez les apoticaires de Londres pour du storax liquide, est un suc tout-à-fait factice.

Cependant Jacques Petiver célebre apoticaire anglois, de la société royale, & savant naturaliste, rapporte dans les Transactions philosophiques, n°. 313. que le storax liquide nommé par les Turcs & les Arabes cotteo mija, est le suc d’un arbre qui s’appelle rosamallos, lequel croît à Cobras, île dans la mer Rouge, éloignée de trois journées de la ville de Suez. On enleve, dit-il, l’écorce de cet arbre tous les ans, on la pile, & on la fait bouillir dans l’eau de la mer, jusqu’à la consistance de glu : ensuite on recueille la substance résineuse qui surnage. Mais comme elle contient encore beaucoup de crasse ou d’écorce en poudre, on la fond de nouveau dans l’eau de la mer, & on la passe. On renferme séparement dans des petits tonneaux cette résine ainsi purifiée, & cette espece de résidu épais qui reste après la purification, & on les transporte à Moca, célebre foire d’Arabie. Voilà les deux especes de storax que l’on trouve dans les boutiques. Il nous manque la description de l’arbre dont on tire le storax liquide ; mais on n’a pas été muet sur les vertus de son suc résineux, qui tout calculé, ne valent pas celles des autres baumes. Celui qui est pur est très-bon pour arrêter le progrès de la putréfaction des plaies ; il est la base de l’onguent de styrax. Enfin les peuples de l’Orient font beaucoup d’usage de cette drogue. Le tonneau qui contient environ 400 livres, se vend dans le pays depuis 200 l. de notre monnoie jusqu’à 400 liv. selon que le storax est plus ou moins pur. (D. J.)

Storax solide, (Hist. des drog. exot.) résine appellée storac ou lebni par Avicenne, στύραξ par Dioscoride, & storax solidus par les médecins modernes. Nous en allons parler d’après M. Geoffroy. C’est une substance résineuse, seche, dont les anciens Grecs ont distingué deux especes, & qui sont encore connues de nos jours ; savoir, le storax calamite ou en larmes, & le storax ordinaire, ou en masse.

Le storax calamite, στύραξ καλαμίτης, Græcor. stirax calamita, off. est une substance résineuse brillante, solide, un peu grasse, qui s’amollit sous les dents ; elle est composée de grumeaux ou de miettes blanchâtres & roussâtres, d’un goût résineux, un peu âcre, agréable, & d’une odeur pénétrante, surtout lorsqu’on le jette au feu ; il s’allume lorsqu’on l’approche de la flamme, & forme une lueur très-claire. On l’apportoit autrefois de Pamphilie dans des roseaux, selon le témoignage de Galien ; c’est ce qui fait qu’on l’a nommé calamite : il étoit très-estimé.

Le storax commun ou en masses, autrement dit la résine du storax, storax vulgaris, seu in glebas compactus, off. est une substance en masse, résineuse, d’un jaune brun ou rougeâtre, brillante, grasse, un peu gluante, & qui jette comme une liqueur mielleuse, parsemée de quelques miettes blanchâtres : elle a le même goût & la même odeur que le storax calamite.

Ces deux especes de résine ne different pas l’une de l’autre ; la premiere espece est la larme du storax, qui découle goutte-à-goutte des petites fentes, ou des incisions de cet arbre, & qui a été séchée aussi-tôt, & recueillie promptement. La seconde espece est un suc qui coule plus abondamment des plus grandes incisions, & qui ne s’épaissit qu’après beaucoup de tems ; de sorte que le contact de l’air chaud la rend rousse ou noire avant qu’elle seche.

On choisit les larmes du storax, ou les morceaux qui sont purs, brillans, odorans, sans être mêlés d’aucune sciure de bois, ou d’autre saleté. On nous apporte le storax de la Syrie, & des autres pays des Indes orientales par la Hollande, ou par Marseille. Enfin on vend chez les droguistes une certaine sciure de bois, que l’on appelle sarrilles du storax ; elle est inutile pour la médecine, & on doit la rejetter.

Quelques auteurs arabes, & sur-tout Sérapion, confondent le storax liquide, qu’ils appellent miha, dont nous avons déja parlé, avec le storax solide, ou le storax des Grecs ; cependant Avicenne les a distingués en parlant du storax liquide, sous le nom de miha ; & du storax sec, ou des Grecs, tantôt sous le nom d’astorac, tantôt sous celui de lebni.

P. Eginette, Nicolas Myrepse, & quelques Grecs, font mention d’un certain storax stacté, que plusieurs personnes regardent comme une résine particuliere & bien différente du storax : d’autres au-contraire, croient que ce n’est autre chose que la résine liquide du storax, que l’on a ramassée & recueillie avant qu’elle fût seche ; Dioscoride en a fait mention ; peut-être aussi que les Grecs ont donné ce nom au storax liquide, ou au miha des Arabes. Il est difficile de décider ce problème, qui est d’ailleurs de peu de conséquence.

L’arbre d’où découle le storax, s’appelle styrax folio mali cotonei ; dans C. B. P. 452. & dans les I. R. H. 598. Il est de la grandeur d’un olivier, & se trouve dans les forêts de la Provence, autour de la chartreuse de Monrieu à Baugencier, à Soliers, & entre la Sainte-Baume & Toulon.

Il ressemble au coignassier par son tronc, son écorce, & ses feuilles, lesquelles naissent alternativement, sont arrondies, & terminées en pointe ; elles sont longues d’un pouce & demi, & un peu moins larges, vertes & luisantes en-dessus, blanches & velues en-dessous.

Ses fleurs viennent sur les nouvelles branches, quatre, cinq, ou six ensemble ; elles sont blanches, odorantes, semblables aux fleurs de l’oranger, mais d’une seule piece, formant un tuyau court par le bas, & découpé en maniere d’étoile par le haut, en cinq ou six quartiers, d’un demi-pouce de longueur.

Leur calice est creux, en forme de petite cloche, long de deux lignes ; leur pistil est arrondi, attaché à la partie postérieure de la fleur, en maniere de clou, & devient un fruit de la grosseur & de la figure d’une noisette : ce fruit est blanchâtre, charnu, douçâtre dans le commencement, ensuite un peu amer ; il contient un ou deux noyaux très durs, lisses, luisans, d’un rouge brun, renfermant une amande blanche, grasse, huileuse, d’une odeur qui approche beaucoup de celle de la résine de storax, & d’un goût âcre & desagréable.

Ces arbres ne donnent que très-peu, ou point du tout de résine, en Provence ; mais on en retire beaucoup de ceux qui viennent dans les pays plus chauds. Aussi le storax dont on se sert dans les boutiques, est tiré des arbres qui naissent en Syrie & en Cilicie.

Il est un peu plus pénétrant que le benjoin, parce qu’il contient plus d’huile très-subtile ; cependant il est moins détersif, parce qu’il contient moins de sel essentiel ; ainsi le benjoin lui est préférable pour dissiper l’engorgement des poumons dans l’asthme humoral, & la toux opiniâtre qui vient de la même cause ; mais le storax peut récréer les esprits, par sa douce odeur, & calmer le mouvement déréglé des nerfs : on l’emploie intérieurement dans l’enrouement, à cause de ses parties huileuses : on le donne depuis demi-drachme jusqu’à deux drachmes : on l’applique sur les parties qui tendent, faute de chaleur, à devenir paralytiques : on l’emploie fréquemment avec le benjoin, pour faire des parfums & des fumigations : on prépare avec le storax, une huile odorante très suave, en le macérant dans suffisante quantité d’eau commune, pendant trois jours ; on distille d’abord l’eau, & ensuite il vient une huile jaune ; cette huile est recommandée dans les ulceres internes de la poitrine, à la dose d’une douzaine de gouttes. On fait une teinture de storax par le moyen de l’esprit-de-vin, de la même maniere que la teinture de benjoin, & qui a des propriétés semblables. On pourroit aussi faire des fleurs de storax, comme on en fait de benjoin. Le storax solide entre dans la thériaque, le mithridat, le diascordium, plusieurs onguens, emplâtres & pastilles. (D. J.)