L’Encyclopédie/1re édition/SESTUS ou SESTOS

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SESTUS ou SESTOS, (Géog. anc.) ville du Chersonnèse de Thrace, sur la côte de l’Hellespont, & au milieu de cette côte, vis-à-vis de la ville d’Abydos. L’espace entre ces deux villes est de 7 à 8 stades. Sestos est à jamais célebre par les amours d’Héro & de Léandre, dont je parlerai au mot Tour de Léandre ; & c’est de-là qu’elle est appellée Σηστιὰς Ἡρὼ, Sestias Héro, par Musée, qui un peu auparavant dit : Sestus erant & Abydus, è regione positæ, propè mare, vicina oppida.

Thucydide, l. VIII. p. 588. en parlant de Strombichide, remarque que ce chef des Athéniens étant venu à Abydus, & ne pouvant engager les habitans à se rendre ni les réduire par la force, navigea vers le rivage opposé, & mit une garnison dans Sestus pour être maître de l’Hellespont. Pomponius Mela, l. II. c. ij. place aussi ces deux villes à l’opposite l’une de l’autre : Est Abydo objacens Sestos, Leandri amore nobiles. Le nom national étoit Sestus, selon Etienne le géographe, & nous avons une médaille de Gordien avec ce mot.

Il y a, dit Procope, Ædit. l. IV. c. x. à l’opposite d’Abydos une ville fort ancienne, nommée Sestos, qui est commandée par une colline, & qui n’avoit autrefois ni fortifications, ni murailles. L’empereur Justinien y a fait bâtir une citadelle qui est de très difficile accès, & qui passe pour imprenable.

Les Géographes croient ordinairement que les châteaux des Dardanelles sont bâtis sur les ruines de Sestos & d’Abydos ; mais ils se trompent manifestement, car les châteaux sont vis-à-vis l’un de l’autre, au-lieu que ces deux villes étoient situées bien différemment : Sestos étoit si avancée vers la Propontide, que Strabon, qui compte avec Hérodote 875 pas d’Abydos à la côte voisine, en compte 3750 du port de cette ville à celui de Sestos.

Léandre devoit être bien vigoureux pour faire ce trajet à la nage, quand il vouloit voir Héro sa maîtresse ; aussi l’a-t-on représenté sur des médailles de Caracalla & d’Alexandre Sévere, précédé par un cupidon qui voloit le flambeau à la main pour le guider ; flambeau qui ne lui étoit pas d’un moindre secours, que le fanal que sa maîtresse prenoit soin d’allumer sur le haut de la tour où elle l’attendoit : il falloit être un héros & tout des plus robustes pour faire l’amour de cette maniere.

Il vaut donc mieux s’en tenir à ce que dit Strabon pour la situation de Sestos & d’Abydos ; d’ailleurs on ne trouve aucuns restes d’antiquité autour des châteaux, & l’endroit le plus étroit du canal est à trois milles plus loin sur la côte de Maita en Europe : on voit encore des fondemens & des masures considérables sur la côte d’Asie, où Abydos étoit placée.

Xerxès, dont le pere avoit fait brûler cette ville, de peur que les Scythes n’en profitassent pour entrer dans l’Asie mineure, choisit avec raison ce détroit pour faire passer son armée en Grece ; car Strabon assûre que le trajet sur lequel il fit jetter un pont, n’avoit que sept stades, c’est-à-dire qu’environ un mille de largeur. (D. J.)