L’Encyclopédie/1re édition/SEPULTURA, SEPULCHRUM, MONUMENTUM

◄  SÉPULCHRE
SÉPULTURE  ►

SEPULTURA, SEPULCHRUM, MONUMENTUM, (Antiq. rom.) il y a de la différence entre ces trois mots, considérés dans leur signification propre. Sépulchre marque en général tout lieu de sépulture, selon le jurisconsulte dans la loi 3. de sepulchro violato. Toutefois à prendre ce terme à la rigueur, tel a sépulture qui n’a point de sépulchre ; car le mot sépulture désigne non seulement tout lieu où les corps sont ensevelis, mais même les cérémonies de l’ensevelissement. Les Payens ne s’inquiétoient pas du sépulchre, mais beaucoup de la sépulture ; parce qu’ils croyoient que l’ame de celui dont le corps étoit privé de sépulture, restoit errante, & ne pouvoit être admise au rang des autres dans les champs élisées.

Nec ripas datur horrendas, nec rauca fluenta
Transportare prius, quàm sedibus ossa quierunt.

Ænéid. I. 6.

Voilà d’où vient l’instante priere que le pauvre Palinure fait à Enée, de vouloir à son tour, enterrer son corps, qui étoit encore porté sur les flots près du port de Vélies, depuis l’heure de son nauffrage.

Mais quant au sépulchre, il n’étoit réputé ni nécessaire, ni utile ; achetoit un sépulchre qui vouloit, car il ne consistoit qu’en une masse de maçonnerie faite au-dessus, ou au-devant de la sépulture. Et même de ce genre d’ouvrage les Germains avoient cette opinion, que cela ne servoit que de fardeau inutile aux corps des défunts. Mais ils pensoient que la sépulture étoit louable en elle-même, agréable aux défunts, & pleine de consolation aux vivans. Ce que nous avons appris de Tacite, qui dit que sepulchrum Cespes erigit : monumentorum arduum & operosum honorem, uti gravem defunctis, aspernantur Germani.

A considérer ensuite les mots sépulchre & monument, il y a cette différence, que le monument indique toute sorte d’édifice pour transmettre à la postérité la mémoire de quelque chose ; monumentum est quod memoriæ servandæ gratiâ existit. Que si dans ce monument on met le corps d’un homme mort, de simple monument qu’il étoit, il devient vrai sépulchre, tombeau, & se revêt de la nature des lieux saints & religieux. Que si l’édifice est fait à la gloire d’un défunt, & que son corps n’y soit pas mis en sépulture, on le nomme un sépulchre vuide, que les Grecs appellent κενοτάφιον. Telle est l’idée qu’en donne la loi 42, de religiosis & sumptibus funerum. De-là vient que plusieurs hommes illustres de l’antiquité avoient plusieurs monumens, dont un seul portoit le nom de tombeau. C’est ce que Denis d’Hasicarnasse rapporte au sujet d’Enée. (D. J.)