L’Encyclopédie/1re édition/SÉPULCHRE

SÉPULCHRE, s. m. (Gramm. & Hist.) sepulchrum ; tombeau ordinaire destiné à enfermer les morts, ou les os & les cendres des corps morts, lorsque l’usage étoit de les brûler. Voyez Sepulchrum.

Les sépulchres magnifiques, ou pour mieux dire les tombeaux des princes, des grands, des riches de la terre, se nommoient pyramides, mausolées, monumens, cénotaphes, voûtes sépulchrales, &c. mais les pauvres citoyens n’avoient que des sépulchres de peu de montre ; on les appelloit en latin suivant leur forme ou leur usage, columellæ, mensæ, labella, labra, arcæ, columbaria.

Les columellæ étoient de petites colonnes semblables à des bouquets ou troncs de pierre que les Latins appellent cippi, avec cette différence que les colonnes étoient arrondies, & leurs troncs quarrés ou de quelque figure irréguliere. Properce en parle ainsi :

I puer, & citus hæc aliquâ præpone columnâ,
Et dominum exquiliis dic habitare tuum.

On sait que les exquilies étoient certains lieux hors de la ville, où l’on exécutoit à mort les criminels, & où les pauvres étoient enterrés :

Hoc miseræ plebi stabat commune sepulchrum.

Horat. lib. I. sat. viij.

Les tables, mensæ, étoient des pierres quadrangulaires plus longues que larges, assises sur une petite tombe, soit à fleur de terre, soit sur quatre bouquets de pierre élevés d’environ 2 ou 3 piés ; & comme le verbe ponere étoit de commun usage pour signifier mettre, poser, les Latins disoient ponere mensam, pour désigner la structure, la position ou l’assiette des tombes des morts. L’inscription suivante qui se trouve à Milan, & que Gruter a recueillie, 850, 6, pourra servir d’exemple.

M.        M.

Miniciæ Rufinæ
Innocentissimæ fæminæ
Quæ. Vixit. Annis. xxij.
Mense. Uno. Dieb. xxxiiij
Minicia. Domitia. Sorori
Posuit. Mensam contrà
Votum.

Labellum ou labrum, étoit une pierre creusée en forme de bassin de fontaine ; ces bassins étoient les uns ronds, les autres ovales & les autres quarrés ; mais ces derniers s’appelloient proprement arcæ ou arculæ, parce qu’ils ressembloient aux coffres, excepté que leurs quatre côtés ne tomboient pas à-plomb, & qu’ils étoient ordinairement portés sur quatre piés de lion, ou de quelqu’autre bête.

Les mots cupæ, dolia, massæ, ollæ, urnæ, ampullæ, phialæ, thecæ, laminæ, & quelques autres semblables, ne signifient point des sépulchres entiers, mais des vaisseaux de différente forme ou matiere, dans lesquels on mettoit les os ou les cendres des corps brûlés.

Columbaria, étoient des niches où on pouvoit placer deux ou trois urnes pleines de cendres, sur lesquelles urnes on gravoit une petite épitaphe.

Agène Urbique parle de quelques endroits des fauxbourgs de Rome, où l’on voyoit quantité de sépulchres de petites gens & d’esclaves ; tel étoit le lieu nommé culinæ ; tel étoit encore le lieu nommé sestertium, où étoient enterrés les corps des personnes que les empereurs faisoient mourir.

Quand on lisoit sur les inscriptions d’un sépulchre, tacito nomine, ces mots vouloient dire que les personnes à qui ce sépulcre étoit destiné, avoient été déclarées infâmes, & enterrées à l’écart par la permission du magistrat. (D. J.)

Sépulchre de la sainte Vierge, (Hist. ecclés.) on ignore le lieu de ce sacré monument ; & l’on ne sait pas même où la Ste Vierge a fini ses jours. Les apôtres seuls qui pouvoient en être instruits, ont eu grand soin de ne pas divulguer ce secret. Ainsi toutes les traditions qui ont couru dans le monde sur ce monument, & sur le lieu de la mort de la Ste Vierge, sont également incertaines. Ainsi quand l’on soutint dans le concile d’Ephèse, tenu en 431, que la Ste Vierge y étoit morte & qu’elle y avoit son tombeau, ce sentiment ne put prévaloir contre l’opinion de ceux qui montroient le tombeau de la mere de notre Sauveur à Jérusalem. On a soutenu depuis qu’il étoit dans la vallée même de Josaphat ; d’autres ont prétendu le voir au pié de la montagne des Oliviers ; & dans chacun de ces deux endroits on en a donné des descriptions si différentes, qu’elles ne peuvent convenir au même tombeau. (D. J.)

Sépulchre des Juifs, (Critiq. sacrée.) en grec ταφος ; les Hébreux creusoient ordinairement leurs tombeaux dans les rocs, comme il paroît par Is. xxij. 16. C’est pour cette raison qu’Abraham acheta une double caverne, pour en faire son sépulchre. Genèse, xlix. 30. Lorsque leurs tombeaux étoient en plein champ, ils mettoient une pierre taillée par-dessus, pour avertir qu’il y avoit dessous un sépulchre, afin que les passans ne se souillassent point en y touchant. Le Sauveur fait allusion à cette coutume, quand il compare les Pharisiens à des sépulchres cachés, sur lesquels en passant sans le savoir, on contracte une souillure involontaire. Luc, xj. 44. Les Juifs enduisoient aussi de chaux leurs sépulchres, pour qu’on les apperçût mieux ; & tous les ans le 15 d’Adar, on les reblanchissoit. C’est pourquoi J. C. compare encore les Pharisiens hypocrites, qui couvroient leurs vices d’un bel extérieur, à des sépulchres blanchis.

Habiter dans les sépulchres, c’est dormir auprès des tombeaux, pour consulter les devins, à la maniere de ceux d’entre les Gentils qui couchoient près des sépulchres sur des peaux de bêtes, afin d’apprendre en songe ce qui devoit leur arriver. Isaïe, xxxv. 4. reproche aux Juifs cette pratique superstitieuse.

Sépulchre se prend au figuré dans l’Ecriture ; 1°. pour la mort. Il ne me reste que le sépulchre, dit Job, xvij. 1. c’est-à-dire je n’attens plus que la mort dans mon affliction. 2°. pour l’excès de la misere. Ezéchiel, ch. xxxvij. 12. promet aux Juifs que Dieu les retirera de leurs sépulchres, c’est-à-dire de leur dure captivité. 3°. pour une chose pernicieuse ; c’est dans ce sens que S. Paul dit aux Romains, iij. 13. le gosier des méchans est comme un sépulchre ouvert, dont sortent des paroles nuisibles au salut. Enfin laisser une ame dans le sépulchre, dans la mort ou dans l’enfer, est une expression hébraïque qui désigne une seule & même chose. (D. J.)

Sépulchre, Saint, (Ordre milit.) nom d’un ordre militaire établi dans la Palestine. La plupart des écrivains en attribuent la fondation à Godefroi de Bouillon ; mais c’est une idée chimérique. Les chevaliers du saint sépulchre ne s’éleverent que sur les ruines de chanoines réguliers ainsi nommés ; ce fut Alexandre VI. qui institua l’ordre militaire de ce nom, dont il prit la qualité de grand-maître. Clément VII. en 1525, accorda de vive voix au gardien des religieux de S. François en Terre-Sainte, le pouvoir de faire de ces chevaliers. Paul V. sous Louis XIII. confirma la réunion de l’ordre du saint sépulchre, à celui de S. Jean de Jérusalem. (D. J.)