L’Encyclopédie/1re édition/SAVONNIER

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SAVONNIER, s. m. (Hist. nat Bot.) sapindus ; genre de plante à fleur en rose, composée le plus souvent de quatre pétales ; le pistil sort du calice qui est aussi composé de quatre feuilles, & il devient dans la suite un fruit sphérique, qui renferme un noyau de la même forme que le fruit, & dans lequel on trouve une amande sphérique aussi. Tournefort, I. R. H. App. Voyez Plante.

Les Botanistes le nomment sapindus, comme qui diroit sapo-Indus. On a déjà caractérisé, & trop tôt, cet arbre étranger des îles Antilles, & de la terre-ferme d’Amérique, sous le nom d’arbre à savonnettes ; il vaut la peine qu’on le décrive ici.

Son fruit qui est de la grosseur d’une noix verte, étant écrasé & passé sur le linge, y produit le même effet que le savon ; il fait une mousse blanche & épaisse, qui décrasse à merveille ; mais en nettoyant le linge, il l’use beaucoup & le brûle ; il est vrai que c’est sur-tout à décrasser les hardes des negres qu’on l’emploie.

Les feuilles du savonnier sont pour l’ordinaire longues de trois pouces, larges d’un pouce, vertes, brunes & luisantes ; elles sont placées deux à deux, dures & recourbées, de maniere à laisser un petit creux dans le milieu. Comme elles sont en grande quantité, & pressées le long des branches, elles procurent un ombrage frais.

Les fleurs naissent par bouquets, longs de plus d’un pié, s’élevant en pointe comme une pyramide. On remarque d’abord de petits boutons blanchâtres, qui venant à éclore, forment une fleur composée de quatre pétales, & soutenue par un calice fendu en quatre quartiers. A ces fleurs succedent des fruits ronds, de la grosseur des noix de gale, verds, revêtus de leur coque. La peau de l’enveloppe est assez lisse & forte ; elle est verte au commencement, jaunit ensuite, & brunit enfin quand le fruit est tout à fait mûr. Elle renferme une masse épaisse, mollasse, visqueuse, fort amere ; c’est une matiere qui décrasse les hardes & le linge, ce qui a valu le nom de savonnier à l’arbre qui la porte.

Le milieu de cette noix est occupé par un noyau presque rond, noir, rempli d’une substance blanche, ferme, & d’un goût approchant de celui des noisettes. On en tire de l’huile qui éclaire parfaitement bien.

Cet arbre est un des meilleurs qui croissent aux îles. Il est droit, rond, ayant près d’un pié de diametre, & quinze piés de tige ; son écorce est grise, mince, seche, & très-peu adhérente ; l’aubier est rougeâtre, pesant, compacte & fort dur. Il faut de bonnes haches pour l’abattre ; car par sa dureté il rompt aisément le fil du taillant ; & pour peu qu’on donne un coup à faux, on met la hache en deux pieces. On s’en sert à faire des rouleaux de moulins & des moyeux de roues. Il est difficile de trouver un meilleur bois pour cet usage, & quand les mortaises sont bien faites, un moyeu peut user deux ou trois rechanges de raies & de jantes. (D. J.)