L’Encyclopédie/1re édition/RENNE

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RENNE, rangifer, s. f. (Hist. nat. Zoolog.) animal quadrupede qui ressemble beaucoup au cerf, mais qui est plus grand. Le bois de la renne a une figure très-différente de celle du bois du cerf. « Les cerfs dit M. Renard dans son voyage de Laponie, n’ont que deux bois, d’où sortent quantité de dagues ; mais les rennes en ont un autre sur le milieu du front, qui fait le même effet que celle qu’on peint sur la tête des licornes, & deux autres qui s’étendant sur ses yeux tombent sur sa bouche. Toutes ces branches néanmoins sortent de la même racine ; mais elles prennent des routes & des figures différentes ; ce qui leur embarrasse tellement la tête, qu’elles ont de la peine à paître, & qu’elles aiment mieux arracher les boutons des arbres, qu’elles peuvent prendre avec plus de facilité ». Toutes les extrémités du bois des rennes sont larges, plattes & terminées par des pointes. Les femelles portent un bois comme le mâle, mais plus petit. Il y a plus de noir dans la couleur du poil des rennes, principalement lorsqu’elles sont jeunes, que dans celles du poil du cerf.

Les rennes sauvages sont plus fortes, plus grandes & plus noires que les rennes domestiques : ces animaux sont encore plus légers que les cerfs, quoiqu’ils n’aient point les jambes si menues.

Les rennes se trouvent dans tous les pays du nord. Les Lapons en ont des troupeaux qui leur sont de la plus grande utile. Ils se vétissent de la peau des rennes. Ils la portent l’hiver avec le poil, & ils la dépouillent pour l’été. Ils se nourrissent de la chair de ces animaux, qui est grasse & très-succulente ; celles des rennes sauvages est la plus délicate. Ils emploient les os pour faire des arbalêtes & des arcs, pour armer leurs fleches, pour faire des cuilliers, &c. Ils font aussi avec les nerfs de ces animaux des fils pour coudre leurs habits : ils les doublent pour attacher les planches de leurs barques. Ils boivent le sang des rennes ; mais ils aiment encore mieux le faire dessécher au froid dans la véssie de l’animal, & s’en servir pour faire des potages, en faisant bouillir avec du poisson un morceau de ce sang desséché. Le lait des rennes est la boisson ordinaire des Lapons ; ils y mêlent presque moitié d’eau, parce qu’il est gras & épais ; les meilleures rennes n’en donnent que lorsqu’elles ont mis bas, & on n’en tire qu’un demi-septier par jour. Les Lapons en font aussi des fromages, qui sont gras, & d’une odeur assez forte, mais fade, parce qu’il n’y a point de sel.

Les rennes tirent des traineaux, & portent des fardeaux. On les attele au traineau par le moyen d’un trait qui passe sous le ventre de l’animal entre ses jambes, & qui s’attache sur le poitrail à un morceau de peau servant de collier ; il n’y a pour guide qu’une seule corde attachée à la racine du bois de l’animal. Ces traineaux vont très-vîte, surtout quand ils sont trainés par une renne bâtarde, c’est-à-dire une renne produite par un mâle sauvage & par une femelle domestique, que l’on a laissé aller dans le bois pour y recevoir le mâle. Lorsque la neige est unie & gelée, un traineau tiré par une renne des plus vîtes & des plus vigoureuses & bien conduite, peut faire jusqu’à six lieues de France par heure ; mais elle ne peut résister à cette fatigue que pendant sept à huit heures. La plûpart des rennes sont très-dociles ; mais il s’en trouve des rétives, qui sont presqu’indomptables. Lorsqu’on les mene trop vîte, elles se mettent en fureur, se retournent, se dressent sur leurs piés de derriere, & se jettent sur l’homme qui est dans le traineau : on n’en peut pas sortir, parce qu’on y est attaché ; ainsi on n’a d’autre ressource que de se tourner contre terre, & de se couvrir du traineau, comme d’un bouclier, pour se mettre à l’abri des coups de la renne. On ne peut aller en traineau que l’hiver, lorsque la neige rend les chemins unis. Les rennes ne sont pas assez fortes pour porter plus de 40 livres de chaque côté : on n’est pas en usage de leur faire trainer des chariots, parce que les chemins sont trop inégaux.

La nourriture la plus ordinaire des rennes est une petite mousse blanche extrémement fine, & très abondante en Lapponie. Lorsque la terre est couverte de neige, les rennes connoissent les lieux où il y a de cette mousse, & pour la découvrir elles font un grand trou dans la neige avec une vîtesse extrème. Mais lorsque la neige est aussi dure que la glace, elles mangent une certaine mousse qui ressemble à une toile d’araignée, & qui pend aux pins. Voyage de Lapponie par Regnard. Voyez Quadrupede.

Rennes, caillou de, (Hist. nat. Litholog.) c’est ainsi qu’on nomme une pierre de la nature du jaspe, dont il se trouve une grande quantité en Bretagne, au point que l’on en a ci-devant employé pour paver la ville de Rennes, capitale de cette province, d’où lui vient le nom qu’elle porte. On l’appelle quelquefois simplement pavé de Rennes. Cette pierre est opaque ; on y voit deux couleurs ; savoir, une rouge plus ou moins vif, entremélé de taches jaunes plus ou moins claires. En considérant attentivement cette pierre lorsqu’elle est brute, on s’apperçoit qu’elle est formée par un assemblage de petits cailloux rouges & arrondis, qui ont été liés & comme soudés les uns aux autres par un suc lapidifique jaune ou blanchâtre, qui a lui-même acquis la dureté du caillou ; c’est pour cela que cette pierre prend un très-beau poli, & à ne la regarder que superficiellement, on croiroit que c’est une seule masse. Elle a cela de commun avec le porphyre, & avec les pierres que l’on appelle poudingues. On en fait des tabatieres, ainsi que des jaspes & des agates ordinaires.