L’Encyclopédie/1re édition/RECLUS

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RECLUS, s. m. (Jurisprud.) se dit des religieux ou autres personnes enfermées dans une cloture très-étroite, dans une cellule, dans un hermitage, éloigné du commerce & même du voisinage du reste des hommes.

Ce mot se dit principalement de ceux qui s’enferment ainsi par dévotion pour faire pénitence ; il se dit aussi quelquefois des femmes qui vivent mal, que leurs maris font reclure dans un couvent pour y garder une prison perpétuelle. Voyez Adultere, &c.

Il y avoit autrefois un grand nombre de reclus. Ces reclus étoient des solitaires qui s’enfermoient dans une cellule & faisoient vœu de n’en sortir jamais.

On ne les admettoit à faire des vœux, qu’après qu’ils avoient donné des preuves suffisantes de leur rénonciation au monde, & qu’ils en avoient obtenu la permission de l’évêque ou de l’abbé du monastere dont ils se séparoient, si c’étoit des religieux, comme c’étoit l’ordinaire ; aussi les cellules des reclus devoient-elles toujours joindre à quelque monastere.

Lorsqu’ils avoient obtenu la permission du prélat, ils étoient éprouvés pendant un an dans le monastere, d’où ils ne sortoient point pendant toute cette année. Voyez Noviciat, Probation.

Après ce tems ils étoient admis à faire vœu de stabilité, dans l’église, en presence de l’évêque ; après quoi le nouveau reclus entroit dans sa cellule, dont l’évêque scelloit la porte de son sceau.

La cellule devoit être petite & exactement fermée. Voyez Cellule.

Le reclus avoit dans sa cellule tout ce qui étoit nécessaire à la vie ; & s’il étoit prêtre, il avoit même un oratoire consacré par l’évêque, avec une fenêtre en dedans de l’église d’où il pût faire son offrande à la messe, entendre chanter, chanter lui-même avec la communauté, & répondre à ceux qui avoient à lui parler ; mais il falloit que cette fenêtre eût un rideau en dedans & en dehors, afin que le reclus ne pût ni voir en dehors ni être vu.

Il avoit un petit jardin à côté de sa cellule, où il pouvoit faire venir quelques plantes & prendre l’air, & à côté de sa cellule étoient celles de ses disciples s’il en avoit, comme cela étoit ordinaire, avec une fenêtre de communication par où ils lui fournissoient ses besoins, & recevoient ses instructions.

Quand on jugeoit à propos de mettre deux ou trois reclus ensemble, leurs cellules étoient contiguës les unes aux autres & avoient des fenêtres de communication ; & si une femme vouloit les consulter ou se confesser à eux, il falloit que ce fût dans l’église & en présence de tout le monde.

Quand il y avoit deux ou trois reclus ainsi rassemblés dans des cellules voisines, ils pouvoient avoir des conférences ensemble ; mais il falloit que ce ne fût que sur des matieres spirituelles ; ils pouvoient aussi se confesser les uns les autres ; mais si le reclus étoit seul, il falloit qu’il s’examinât lui-même, & il n’avoit là personne à qui se confesser.

Si le reclus tomboit malade, on ouvroit sa porte pour laisser entrer les personnes du dehors qui vouloient l’assister ; mais il ne lui étoit jamais permis de sortir sous quelque prétexte que ce fût.

Il y avoit aussi des recluses qui menoient à peu près la même vie. Sainte Viborade vêcut recluse à S. Gall, & fut martyrisée par les Hongrois en 825.

Le P. Helyot nous a donné un détail des cérémonies qui se pratiquoient lorsqu’on faisoit une recluse, dans la vie de la mere de Cambrai, institutrice de l’ordre de la Présentation de Notre-Dame. Lorsque la cellule qu’on lui bâtit auprès de l’église de S. André de Tournai fut finie, l’évêque vint l’attendre dès le matin à la porte de l’église ; à son arrivée elle se prosterna aux piés du prélat qui lui donna sa bénédiction & la conduisit au maître autel ; puis ayant beni le manteau, le voile & le scapulaire, il les lui mit & lui donna un nouveau nom.

Lorsqu’elle eut fait son vœu, l’évêque après avoir fait un discours public concernant les engagemens de la recluse, la conduisit processionnellement à sa cellule, le clergé chantant le long du chemin, veni sponsa Christi, &c.

Là l’évêque l’ayant encore benie de nouveau, consacra sa cellule, & l’y enferma pour toujours.