L’Encyclopédie/1re édition/RATIONAL

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RATIONAL, s. m. (Hist. ecclésiast.) ornement du grand-prêtre chez les Juifs. C’étoit une piece d’étoffe précieuse que le grand-prêtre portoit sur l’estomac, & qui avoit environ une palme en quarré. Voyez Palme.

Les Hébreux le nommoient coschen, & quelquefois coschen michphat, que les septante ont rendu par λογείων & λογείων τῆς κρίσεως, & S. Jerome par rationale & rationale judicii. On ne sait pas bien ce que veut dire coschen à la lettre ; la plûpart des interpretes le dérivent de l’arab casan, qui signifie gros, épais, inégal, comme étoit en effet le rational. On croit qu’on lui donnoit le nom de ratïonal, ou de rational du jugement, parce qu’il découvroit la volonté de Dieu, ou parce que le grand-prêtre qui le portoit étoit le chef de la justice, & se revêtoit de cet ornement quand il prononçoit des jugemens en matiere de conséquence. Calmet, dict. de la Bible, tom. III. lettre au mot rational, pag. 352.

Quoi qu’il en soit, le rational, selon Ducange, étoit un double quarré de quatre couleurs tissu d’or, sur lequel étoient posées en quatre rangs, douze grosses pierres précieuses, dont chacune portoit gravé le nom d’une des douze tribus d’Israel. Le rational étoit double, c’est-à-dire d’un tissu double & épais, ou composé de deux pieces repliées l’une sur l’autre, comme une espece de malle dans laquelle étoient renfermés l’urim & thummin, selon les rabbins. Il étoit attaché sur les épaules par deux chaines & deux crochets d’or. Dieu lui-même avoit prescrit la forme du rational. Exod. xxviij. 15. 29.

Quelques auteurs ont cru que dans la primitive Eglise, les évêques portoient aussi un rational, mais outre qu’on ignore quelle en étoit la forme, il y a grande apparence que ces auteurs l’ont confondu avec le pallium, ou avec un reliquaire que quelques évêques portoient pendu au cou. Voyez Pallium & Reliquaire.

Rational, (Théolog. scholast.) est aussi le titre de différens livres. Le plus considérable est celui que donna Guillaume Durand, célebre théologien scholastique du treizieme siecle, sous le titre de rationale divinorum officiorum. Il l’acheva en 1286, comme lui-même nous l’apprend.