L’Encyclopédie/1re édition/RÉCIPROQUE, Réfléchi

RÉCIT  ►

RÉCIPROQUE, Réfléchi, adj. synonymes dans le langage grammatical, le pronom françois se & soi, en latin sui, sibi & se, en grec οὗ, οἷ, ἕ, est celui que quelques grammairiens nomment réciproque, que d’autres appellent réfléchi, & que d’autres enfin désignent indifféremment par l’une ou par l’autre de ces deux dénominations. Toutes les deux marquent la relation d’une troisieme personne à une troisieme personne, & quand on ne veut rien dire autre chose, on peut regarder ces deux adjectifs comme synonymes ; ainsi on peut les employer peut-être assez indifféremment, quand on envisage le pronom dont il s’agit en lui-même, comme une partie d’oraison particuliere & détachée de toute phrase.

Mais si on regarde ce pronom dans quelque emploi actuel, on doit, selon la remarque de M. l’abbé Fromant (supp. au ch. viij. de la II. part. de la gramm. gén.), dire qu’il est réciproque, lorsqu’il s’emploie avec les verbes qui signifient l’action de deux ou de plusieurs sujets qui agissent respectivement les uns sur les autres de la même maniere, comme dans cette phrase, Pierre & Paul s’aiment l’un l’autre, Pierre est un sujet qui aime, l’objet de son amour est Paul ; Paul est en même tems un sujet qui aime, & Pierre est à son tour l’objet de cet amour de Paul ; ce que l’un des deux sujets fait à l’égard du second, le second le fait à l’égard du premier ; ni l’un ni l’autre n’est l’objet de sa propre action ; l’action d’aimer est réciproque.

Dans les phrases au contraire où le sujet qui agit, agit sur lui-même, comme Pierre s’aime, le pronom se que l’on joint au verbe, doit être appellé réfléchi, parce que le sujet qui agit, est alors l’objet de sa propre action ; l’action retourne en quelque maniere vers sa source, comme une balle qui tombe perpendiculairement sur un plan, remonte vers le lieu de son départ ; sa direction est rompue, flectitur, & elle repasse sur la même ligne, reflectitur, c’est-à-dire, retrò flectitur.

Je remarquerai ici une erreur singuliere où est tombé M. l’abbé Regnier, & que M. Restaut a adoptée dans ses principes raisonnés : c’est que l’on ou on, & quelquefois soi, est un nominatif, que de soi en est le génitif, se & à soi le datif, se & soi l’accusatif, & de soi l’ablatif. On prouve cette doctrine par des exemples : au nominatif, on y est soi-même trompé ; au génitif, on agit pour l’amour de soi ; au datif, on dispose de ce qui est à soi, on se donne des libertés ; à l’accusatif, on se trompe, on n’aime que soi ; à l’ablatif, on parle de soi avec complaisance.

J’ai dit ailleurs quels sont les véritables cas de ce pronom & des autres ; & ils different entr’eux, comme dans toutes les langues à cas, & comme l’exige leur dénomination commune de cas par des terminaisons différentes, par des chûtes variées, casibus. Voyez Pronom. Je ne veux donc pas insister ici sur la singularité de l’opinion cent fois détruite dans cet ouvrage, que les prépositions & les articles forment nos cas ; mais je remarquerai que les exemples allégués ne prouvent que soi, de soi, se, à soi, & de soi sont les cas de on, qu’autant qu’ils ont rapport à on. Il faudroit donc dire que soi est un autre nominatif du nom ministre dans cette phrase, le ministre crut qu’il y seroit soi-même trompé ; que de soi est le génitif de chacun dans celle-ci, chacun agit pour l’amour de soi ; que à soi est le datif de Dieu dans cette autre, Dieu rapporte tout à soi ; que soi est l’accusatif de l’homme, quand on dit, l’homme n’aime que soi ; & qu’enfin de soi est l’ablatif du nom philosophe, quand on dit, le philosophe parle rarement de soi. Comment a-t-on pu admettre le principe dont il s’agit, sans en voir les conséquences, ou voir les conséquences sans rejetter le principe ? Est-ce-là ce qu’on appelle raisonner ?

Remarquez qu’il auroit pu arriver qu’il y eût aussi des pronoms réciproques ou réfléchis des deux premieres personnes, puisque les sujets de l’une & de l’autre peuvent être envisagés sous les mêmes aspects que ceux de la troisieme ; par exemple, je me flatte, tu te vantes, nous nous promenons, &c. Mais l’usage n’introduit guere de choses superflues dans les langues ; & les pronoms réfléchis des deux premieres personnes ne pouvoient servir à rien : il n’y a que le sujet qui parle, ou qui est censé parler, qui soit de la premiere personne ; il n’y a que le sujet à qui l’on parle qui soit de la seconde ; cela est sans équivoque : mais tous les différens objets dont on parle, sont de la troisieme ; & il étoit raisonnable qu’il y eût un pronom de cette personne qui indiquât nettement l’identité avec le sujet de la proposition, tel que se & soi. (B. E. R. M.)

Réciproque, adj. (Math.) les figures réciproques, en terme de Géométrie, sont celles dont les côtés se peuvent comparer de telle maniere que l’antécédent d’une raison & le conséquent de l’autre se trouvent dans la même figure. Voyez Pl. géom. fig. 22, n°. 2. soit A = 12, D = 3, C = 9, B = 4.

A : BC : D, ou
12 : 49 : 3.

c’est-à-dire, autant que le côté A du premier rectangle est plus grand que le côté B du second rectangle, autant aussi le côté C du second rectangle est-il plus grand que le côté D du premier : d’où il suit que les deux rectangles doivent être égaux. Voyez Rectangle.

Il suit de-là que les triangles, les parallélogrammes, les prismes, les parallélepipedes, les pyramides, les cones ou les cylindres, qui ont leurs bases & leurs hauteurs réciproques, sont égaux ; & que s’ils sont égaux, leurs bases & leurs hauteurs seront réciproques. Voyez Triangle, Parallelepipede, Prisme, Cone

& Cylindre.

Proportion réciproque. Lorsqu’on a quatre nombres dont la quatrieme est moindre que le second, en même raison que le troisieme est plus grand que le premier, & vice versâ, cela s’appelle une proportion réciproque. Voyez Proportion. La proportion réciproque s’appelle plus communément raison inverse. Voyez Raison & Inverse.

C’est-là le fondement de la regle de trois inverse. Voyez Regle.

Réciproques, Récurrens ou Rétrogrades, en Poésie, se dit de certains vers qui lus à-rebours, sont les mêmes. Voyez Palindromes.