L’Encyclopédie/1re édition/PUNITION

PUNITION, s. f. (Jurisprud.) est l’action de punir quelqu’un. La punition des crimes & délits appartient au juge criminel ; celle des faits de police aux officiers de police ; celle des contraventions à la loi en matiere civile appartient aux juges civils.

On appelle punition exemplaire celle qui emporte quelque peine severe qui s’exécute en public pour servir d’exemple. Voyez Peine. (A)

Punitions militaires, (Hist. anc.) peines infligées aux généraux ou aux soldats qui n’ont pas fait leur devoir. Parmi les anciens, quelques nations ont porté ces punitions jusqu’à la barbarie, d’autres se sont contenues à cet égard dans les bornes d’une juste sévérité. Les Carthaginois faisoient crucifier les généraux qui avoit été défaits, & ceux même qui n’avoient pas pris toutes les mesures imaginables pour réussir. Chez les Gaulois, le soldat qui arrivoit le dernier de tous en rendez-vous général de l’armée, étoit mis à mort par les plus cruels supplices. Les Grecs & les Romains, quoique très-séveres, ne porterent point les punitions à cet excès.

A Athènes, le refus de porter les armes étoit puni par un interdit public, ou une espece d’excommunication, qui fermoit au coupable l’entrée aux assemblées du peuple & aux temples des dieux. Mais jetter son bouclier pour fuir, quitter son poste, déserter, c’étoient autant de crimes capitaux, & punis de mort. A Sparte, c’étoit une loi inviolable de ne jamais prendre la fuite, quelque supérieure en nombre que pût être l’armée ennemie, de ne jamais quitter son poste, ni de rendre les armes. Quiconque avoit manqué contre ces regles, étoit diffamé pour toujours, exclus de toutes sortes de charges & d’emplois, des assemblées & des spectacles. C’étoit un deshonneur que de s’allier avec eux par les mariages, & on leur faisoit des outrages en public, sans qu’ils pussent reclamer la protection des lois.

Chez les Romains les punitions militaires étoient toujours proportionnées aux infractions de la discipline militaire, & variées selon l’exigeance des cas : on peut rapporter toutes celles qu’on connoît à deux genres, aux peines infâmantes, & aux peines corporelles. Les peines infâmantes étoient celles qui intéressoient l’honneur. Tantôt une parole de mépris suffisoit pour punir des troupes séditieuses ; ainsi César ayant appellé ses soldats mutinés quirites, comme qui diroit, messieurs, au lieu de milites ou commilitones, soldats ou camarades ; titre qu’il avoit coutume de leur donner, ils se crurent dégradés, & n’omirent rien pour rentrer en grace. Tantôt on les punissoit en les privant de la part qu’ils auroient eue au butin. Quelquefois on les plaçoit à l’écart, & on refusoit leur service contre l’ennemi. Dans d’autres occasions, on les faisoit travailler aux retranchemens en simple tunique & sans ceinturon. Lorsque tout un corps de troupes avoit donné quelque marque de lâcheté, on lui ôtoit le froment, on le reduisoit pendant un tems à vivre d’orge ; on les faisoit camper hors de l’enceinte du camp exposés aux ennemis, & quelquefois sans épée. Pour des fautes légeres, on se contentoit de faire prendre aux soldats leur nourriture debout.

Mais la cassation ou la dégradation des armes étoient les châtimens ordinaires des séditions ou des actions lâches, soit pour les officiers ou les soldats, soit pour des corps entiers de troupes, comme des légions qu’on renvoyoit après les avoir désarmées, & surtout leur avoir ôté la ceinture militaire, d’où pendoit l’épée, ce qu’on appelloit exauctoratio. On degradoit les chevaliers en leur ôtant le cheval & l’anneau ; & souvent on punissoit les soldats en ne leur comptant point le tems qu’ils avoient déja servi, & en les obligeant de recommencer tout de nouveau.

Les principales peines afflictives étoient les coups de bâton, ou de branche de sarment, que donnoient les centurions à tout soldat légionnaire qui s’écartoit des rangs ; & celle du fouet pour les alliés ou les barbares qui servoient en qualité d’auxiliaires. La bastonnade, appellée fustuarium, qui s’exécutoit ainsi. Le tribun prenant un bâton, ne faisoit qu’en toucher le criminel, & aussi-tôt tous les légionaires fondoient sur celui-ci à coups de bâton & de pierre, ensorte qu’il étoit souvent mis à mort : quiconque ne s’étoit point trouvé à son poste, ou l’avoit abandonné, ou s’y étoit laissé surprendre endormi dans les gardes de nuit, officier ou soldat étoit puni de la sorte, aussi-bien que ceux qui voloient dans le camp. Frontin rapporte, que du tems de Caton on coupoit la main droite aux soldats fripons, & qu’on se contentoit de tirer du sang aux principaux : cependant un tribun convaincu d’avoir volé ou détourné à son profit une partie du blé destiné aux soldats, étoit condamné à mort. Les déserteurs étoient battus de verges, & vendus comme esclaves. Les généraux mêmes n’étoient pas exempts de punition. On déposa du consulat Posthumius, après l’affaire des fourches Caudines, & il fut obligé de servir en qualité de lieutenant-général sous le dictateur dans la même armée, qu’il avoit si mal commandée en chef. Le consul Mancinus, pour un traité désavantageux fait avec les Numantins, leur fut renvoyé par le sénat piés & mains liés. Manlius fit décapiter son fils pour avoir combattu sans ordre du général. Enfin, la punition la plus sanglante étoit la décimation qui n’avoit guere lieu que dans le cas d’une rébellion de la part des troupes.