L’Encyclopédie/1re édition/PUNAISE

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PUNAISE, s. f. (Hist. nat.) cimex, genre d’insecte qui comprend un très-grand nombre d’especes différentes. M. Linnæus fait mention de quarante-trois especes de punaises qui se trouvent en Suede, dans les maisons, dans les jardins, dans les bois, dans les champs, &c. la plûpart sentent très-mauvais, & ont toutes des aîles, excepté la punaise domestique, c’est-à-dire celle qui reste dans les lits. Cet insecte est très incommode à l’homme, non-seulement par sa piquure, mais encore par son odeur infecte. Il a la figure d’une lentille ; il est court, applati, presque rond, ou de forme rhomboïdale, & d’une consistance très-molle ; il a une couleur de canelle noir peu foncée ou rougeâtre ; on voit sur les côtés de la tête deux petits yeux bruns, & un peu saillans. Les antennes sont courtes, & composées chacune de trois articulations. Cet insecte a une trompe avec laquelle il suce le sang des personnes qui sont couchées ; cette trompe est renflée dans son milieu, & située à la partie antérieure de la tête ; elle se recourbe en-dessous, & dans l’état de repos, l’extrémité se trouve placée entre les deux jambes de devant. Le corcelet n’est composé que d’un anneau un peu large, auquel sont attachées les jambes de la premiere paire ; les deux autres paires tiennent au corps qui a neuf anneaux : le premier est comme séparé en deux parties par une petite échancrure formée par une piece triangulaire qui joint le corps au corcelet. Chaque jambe a trois articulations ; le pié est armé d’un crochet pointu ressemblant à un hameçon. Les jambes de la seconde paire sont un peu plus grandes que celles de la premiere, & un peu plus courtes que les dernieres. Le corps est entierement lisse ; à l’aide du microscope on distingue seulement quelques poils courts au-tour de l’anus & sur les bords des derniers anneaux. Suite de la matiere médicale, tome I. du regne animal.

Les punaises fuient la lumiere & cherchent l’obscurité ; elles multiplient prodigieusement ; le grand froid les fait mourir, mais il n’empêche pas la fécondité des œufs qu’elles déposent en grande abondance dans les endroits cachés où elles se retirent. Ces œufs éclosent aux premieres chaleurs du printems ; l’insecte qui en sort est si petit qu’on le distingue à peine à l’œil simple ; il marche & il court dès qu’il est né ; il grossit en très-peu de tems, s’il peut trouver quelque aliment convenable ; son volume augmente sensiblement à mesure qu’il suce le sang d’une personne endormie. Les punaises en sont fort avides ; quelques précautions que vous ayez, elles viennent toujours vous surprendre en dormant ; il vous est presqu’impossible de prévenir l’incommodité de ces insectes si votre chambre à coucher en est infectée. On se croiroit en sûreté en se couchant au milieu de sa chambre sur un lit, ou simplement sur un matelas neuf, autour duquel on répandroit de l’eau pour les empêcher de passer, les punaises surmontent cet obstacle en grimpant au plancher pour se laisser tomber sur vous. On vient cependant à bout de les éloigner, & de les faire fuir pendant quelque tems en se parfumant tout le corps de quelque odeur lorsqu’on se met au lit ; mais bientôt pressées par la faim, elles surmontent la répugnance qu’elles ont pour les odeurs, & elles viennent vous sucer avec d’autant plus d’acharnement qu’il y a plus de tems qu’elles ne l’ont fait. La négligence de balayer souvent sous le lit, & de brosser de tems en tems les rideaux & les tapisseries qui l’environnent, ne contribue pas peu à leur grande multiplication. Les personnes qui ont le soin de faire souvent frotter avec de fortes brosses tous les endroits où les punaises peuvent déposer leurs œufs, empêchent par ce moyen la reproduction d’un grand nombre de ces insectes, & obligent les autres à déserter en s’opposant continuellement à leur régénération, & en les privant par-là du plaisir de se reproduire, sentiment inné & commun à tous les êtres.

La vapeur du soufre fait mourir en moins d’une heure les punaises qui y sont exposées : si on en met dans des cornets faits d’un double papier, & fermés le plus exactement qu’il est possible, & si on place ces cornets dans différens endroits d’une armoire où on fait brûler du soufre, on trouve toutes les punaises mortes au bout d’une heure. On ne sait si cette vapeur attaque & détruit le germe des œufs. En faisant brûler dans une chambre du soufre en assez grande quantité pour que la vapeur qui en sort remplisse toute la chambre, on parvient à tuer généralement tous les insectes qui y sont, même les vers des teignes ; on viendroit à bout par ce procédé de détruire entierement les punaises d’un appartement, si on réiteroit cette opération assez souvent pour que les punaises qui ecloroient après la premiere fumigation n’eussent pas le tems de pondre leurs œufs. Voyez Insecte.

Pour détruire ces insectes sans inconvénient, M. Salberg propose la composition qui suit. Prenez une livre de térébenthine, d’alkali fixe ou de potasse une livre & demie ; de chaux vive une demi-livre ; de verd de gris un quarteron : on pulvérisera séparément chacune de ces matieres ; on les mêlera promptement dans un mortier de marbre, & on les mettra dans un matras de cuivre ; on versera par-dessus une pinte de bonne eau-de-vie ; on y adaptera un chapiteau, & pour boucher les jointures on y mettra de la vessie mouillée ; on distillera doucement en se servant d’un réfrigérant : on mettra la liqueur qui résulte dans une bouteille bien bouchée, au fond de laquelle on aura eu soin de mettre un peu de verd de gris : quand il s’y sera parfaitement dissout, la liqueur sera faite ; & pour tuer les punaises, on n’aura ou’à seringuer de cette liqueur dans les trous & les crevasses des murs où elles se logent communément, & en frotter les bois de lit ; elles en meurent sur le champ, & les œufs ne peuvent plus éclore. Voyez les mémoires de l’académie de Suede, année 1745.

Punaise aquatique, (Hist. des insect.) ajoutons, d’après M. Lyonnet, que les jambes antérieures des punaises aquatiques ne leur servent pas à marcher, elles leur tiennent lieu d’antennes & de griffes, pour tenir & saisir leur proie ; elles ont le long de ces jambes une cavité dans la quelle le pié ou la griffe peut se mettre depuis l’articulation jusqu’au bout : cette cavité ressemble à celle où s’enchâsse la lame d’un couteau de poche, & elle leur a été donnée pour empêcher que cette griffe ne s’émoussât, ou ne fût endommagée par quelque accident. (D. J.)